En France, en 1986, la vague d'OPA-OPE s'est grossie des opérations suivantes : Cerus/Valeo, Accor/CNIT, BSN-Générale Biscuit, Saint-Louis Bouchon ou Générale Sucrière/Lesieur, Vuitton/Veuve Clicquot, Cerus, puis Générale Occidentale/Presses de la Cité. Dans ce dernier cas, Jimmy Goldsmith (la Générale Occidentale et l'Express) s'était proposé de prendre le contrôle des Presses de la Cité (Julliard, Plon, Bordas, Dunod, 10/18, Garnier, Fleuve Noir, Christian Bourgois, Presses Pocket et, en association avec Bertelsmann, le premier groupe mondial de la communication, France-Loisirs). À tous les porteurs d'actions des Presses de la Cité, la Générale Occidentale offre d'échanger une de leurs actions contre trois de la Générale Occidentale. Le taux d'échange paraît à première vue avantageux (3 × 1 000 F contre 1 × 2 685 F). L'OPE ayant réussi, les actionnaires des Presses ont cédé leurs actions contre des actions de la Générale Occidentale, ce qui ne coûte rien à cette dernière. Au total, on comptait 12 OPA ou OPE en 1986, dont certaines hostiles ou sauvages, contre 11 en 1985 et 3 seulement en 1984. La valeur totale des fusions et acquisitions avait atteint 61 milliards de francs en 1986, soit presque le double du chiffre de l'année précédente.

Aux États-Unis, avant 1987, la liste des grandes OPA récentes était encore plus impressionnante : OPA de Reynolds (cigarettes Camel et Winston) sur Nabisco Brands (biscuits Belin), celle de Pantry Pride (supermarchés) sur Revlon (produits de beauté), celle de Procter & Gamble (détergents) sur Richardson Vicks (Pantène, Vicks and Clearasil), celle de Kolberg, Kranis and Robert (compagnie financière) sur Béatrice (industrie alimentaire) ; GAF (chimie) a échoué dans sa tentative de rachat d'Union Carbide, mais cette dernière firme a dû vendre une partie de son patrimoine à Rhône-Poulenc.

En Grande-Bretagne, toujours avant 1987, les échecs de l'OPA de GEC (électricité) sur Plessey (télécommunications) et celle de Lloyds (banque) sur Standard Chartered (organisme financier) sont largement compensés par le succès de Guinness (boissons) sur Distillers (Johnny Walker, Black and White, Haig, etc.) et celui de Hanson Trust (finance) sur Impérial (distribution).

Toutes ces OPA, tant anglaises qu'américaines, dépassaient le milliard de dollars. La plupart d'entre elles ne cherchaient pas exclusivement à retirer de l'opération des gains faciles. Certaines se proposaient de dégager des synergies, c'est-à-dire une association d'activités plus complémentaires que concurrentes, permettant ainsi d'obtenir une rationalisation des appareils de production.

En 1987, le mouvement ne s'est guère ralenti, même après la crise boursière du 19 octobre 1987. comme le souligne le tableau récapitulatif des principales OPA et OPE significatives de l'année.

La réussite d'une OPA ou d'une OPE

Telles qu'elles se présentent à l'heure actuelle, les OPA et les OPE peuvent être assimilées à un pari où le joueur gagne même s'il perd. Néanmoins, devant un tel paradoxe, on peut se demander si le raider se lance dans l'aventure au hasard, sans avoir pris de précautions particulières ou si, au contraire, il ne cherche pas à mettre toutes les chances de son côté. Si l'on examine le déroulement concret de quelques OPA, on s'aperçoit que le raider se livre à des observations et à des calculs concernant le choix de la firme-cible, l'adoption d'une stratégie et les moyens de financement.

Le choix de la firme-cible

En règle générale, les raiders portent leurs choix sur des sociétés qui présentent des caractéristiques structurelles définissant un degré élevé de vulnérabilité. Pour les sociétés cotées en Bourse, une valeur marchande, pour autant qu'elle puisse être évaluée, est très nettement supérieure à la capitalisation boursière. Sans engager des sommes énormes dans l'opération, le raider peut prendre à un coût réduit le contrôle de l'entreprise. L'avantage augmente encore si l'on tient compte des possibilités de ramassage préalable en Bourse. Finalement, quelle que soit l'issue de l'OPA, le prédateur perdra très rarement.