Les entreprises devaient aussi être encouragées à franchir les fameux seuils d'effectifs au-delà desquels elles sont tenues de supporter de nouvelles charges comme celles qui sont imposées au-delà de la limite des dix salariés ; par la loi des Finances rectificative, les seuils fiscaux ont été gelés pour une période de trois ans à compter du 1er janvier 1986. Dernier volet de cette flexibilité réclamée par les entreprises pour sauvegarder ou créer des emplois : la souplesse du temps de travail. Les lois sur l'aménagement du temps de travail, si elles sont adoptées, devraient permettre de déroger à la législation actuelle, sous certaines conditions, par accord de branche ou accord d'entreprise : semaine de plus de 40 heures, travail du week-end, travail de nuit, heures supplémentaires. Dans le but de favoriser une utilisation plus continue des moyens de production, et d'améliorer par ce biais la productivité des entreprises, le décompte du temps de travail, dans le cadre de l'année, et non plus de la semaine, devient possible, après accord de branche.

Vers de nouvelles formes d'activité

Très rapidement, le gouvernement Chirac a pris conscience des limites, en ce qui concerne l'emploi, d'une politique axée principalement sur l'efficacité économique. Indispensable aux yeux des libéraux, conforme à leurs idées, elle ne pouvait suffire à relever le défi du chômage. Et Philippe Séguin a décidé de lancer un autre débat dans l'opinion et la classe politique, dont la philosophie peut se résumer en une phrase, prononcée par le ministre des Affaires sociales : « le choix n'est pas entre de nouvelles formes d'activité et le plein emploi d'hier, il est entre le chômage et ces nouvelles formes d'activité »... Quand un Français sur dix est inscrit à l'ANPE, la priorité doit être de favoriser le développement de toute forme d'activité susceptible d'occuper les chômeurs, en acceptant que le modèle du travail salarié, fixe et stable, soit aménagé. Tel est le parti à prendre pour venir à bout du « chômage incompressible ». C'est, du moins, la conviction fermement exprimée par Ph. Séguin.

Les « nouvelles activités », la gauche en avait en son temps déjà découvert les charmes, en proposant les fameux TUC (travaux d'utilité collective), formes d'occupation à mi-temps, offertes temporairement aux jeunes en quête d'emploi, par des associations ou des collectivités locales. Loin de rejeter les TUC, en dépit des critiques qu'elle avait formulées lorsque les socialistes les avaient mis en place, la nouvelle majorité a poursuivi l'opération. À l'automne, on recensait 180 000 jeunes en TUC, soit autant qu'à la fin de 1985.

Le gouvernement projette même d'allonger de 12 à 24 mois la durée des TUC et de permettre à des chômeurs âgés de plus de 25 ans d'en bénéficier, à condition que l'opération soit blanche pour les finances de l'État. Dans cette perspective, Philippe Séguin a proposé aux gestionnaires de l'UNEDIC que les chômeurs de longue durée adultes, qui participeraient à des TUC, baptisés PIL (programmes d'insertion locale) continuent de percevoir leurs indemnités de chômage ; la collectivité ou l'association d'accueil leur verseront un complément, en fonction de leur expérience professionnelle.

Loin d'abandonner le traitement social du chômage, le gouvernement s'est efforcé d'en perfectionner les effets. Même si les mesures concrètes ne voient le jour qu'en 1987. Mais les ambitions du gouvernement dépassent la simple et utile « occupation » des chômeurs. Dans une démarche tant sociale qu'économique, l'Administration peut réussir à déceler de nouveaux gisements d'emploi, pour lesquels il existe une demande solvable, répondant à des besoins que les conditions économiques ne révèlent pas spontanément.

« Les petits boulots »

Une fois de plus, les États-Unis font école. Et les experts gouvernementaux vantent les mérites de l'expérience d'outre-Atlantique qui a permis l'éclosion de trois millions d'emplois par an, depuis 1982, principalement dans le secteur des services et dans les entreprises individuelles.