Le « plan urgence » pour l'emploi des jeunes, comme le baptise Philippe Séguin, ministre des Affaires sociales et auteur du projet, comporte trois séries de dispenses totales ou partielles :
– une réduction de 25 p. 100 des cotisations patronales pour toute embauche de jeunes effectuée entre le 1er mai 1986 et le 31 janvier 1987 ;
– une diminution de 50 p. 100 de ces mêmes cotisations de Sécurité sociale pour l'embauche de jeune effectuée à la suite d'un contrat d'apprentissage ou d'une formation en alternance. Rappelons que les systèmes de formation en alternance avaient été mis au point par les partenaires sociaux, en 1982, pour faciliter l'insertion des jeunes dans les entreprises, en leur donnant la possibilité d'exercer une activité tout en bénéficiant d'une formation ;
– enfin, troisième élément du projet : un abattement à 100 p. 100 des charges sociales pour tous les contrats d'apprentissage et les formations en alternance.

La diminution du coût du travail, même temporaire, pour les jeunes de 16 à 25 ans s'est aussitôt traduite dans la réalité, si l'on en juge par le bilan dressé à la fin de septembre 1986 par le ministère du Travail : les chefs d'entreprise ont déclaré 400 000 embauches de jeunes, avec exonération, dans le cadre du plan Séguin.

Lever les rigidités

Parallèlement aux mesures financières, le gouvernement s'est engagé dans un vaste programme de flexibilité destiné à dégager les entreprises de certaines rigidités nuisibles à l'embauche, conformément aux engagements pris dans la plate-forme électorale RPR-UDF (voir la Quête de la flexibilité, éd. 1985).

Le changement radical opéré dans les conditions de licenciement restera dans les annales de l'histoire sociale comme la grande réforme de l'année 1986. Cette réforme, qui s'est opérée en plusieurs temps, a donné lieu à des épisodes riches en rebondissements. Fidèle aux promesses faites au patronat, le gouvernement a préparé dès le printemps une ordonnance visant à supprimer l'autorisation administrative que doit obtenir tout employeur désirant procéder à un licenciement économique auprès de l'Inspection du travail. Ingérence insupportable de l'État dans la marche des entreprises, aux yeux des patrons, qui avaient bien l'intention d'obtenir de nouveau la liberté de licencier sans contrôle.

Le président de la République a refusé de signer une ordonnance qui entraînait, selon lui, une régression des droits acquis pour les salariés. Le gouvernement a donc transformé l'ordonnance en un projet de loi qu'il a fait rapidement adopter par l'Assemblée nationale en utilisant l'article 49-3 de la Constitution.

La loi a été votée le 3 juillet 1986. Elle supprime immédiatement l'autorisation administrative de licenciement et engage le gouvernement à déposer, avant la fin de l'année, un second projet de loi, réglementant définitivement les procédures de licenciement économique à partir du 1er janvier 1987. Les partenaires sociaux sont invités à ouvrir des négociations pour élaborer un dispositif contractuel de licenciement économique, qui servira de base à la rédaction du second projet de loi gouvernemental. Bien que jugeant sévèrement la suppression de l'autorisation administrative, les syndicats acceptent de négocier. Les discussions aboutissent, dans la nuit du 20 octobre, à un accord sur les procédures de licenciement, conclu entre le CNPF et les organisations syndicales CFDT, Force ouvrière et CFTC. Pour les entreprises, l'accord facilite les licenciements : raccourcissement des délais, contrôle de l'Administration sur la simple régularité des procédures, et non sur le contenu du plan social. En échange, les salariés obtiennent le droit de bénéficier d'un contrat de conversion en cas de licenciement, ou d'un stage de formation professionnelle de cinq mois, rémunérés à 70 p. 100 du salaire. L'accord du 20 octobre préfigure le nouveau régime de licenciement applicable au 1er janvier 1987, tel qu'il est prévu dans la seconde loi Séguin.

Pour le patronat, c'est une magnifique victoire. Yvon Gattaz, président du CNPF, annonce que la suppression de l'autorisation administrative, en débloquant les freins psychologiques à l'embauche, va entraîner, avant la fin de l'année 1986, la création de 300 000 à 400 000 emplois dans les entreprises.

Flexibilité du temps de travail

Si, pour le gouvernement, le développement de l'emploi passe par la liberté de licencier, il implique également plus de souplesse dans les formes de travail différencié. Ce sera précisément l'objectif de l'ordonnance du 11 août 1986 que de faciliter, pour les entreprises, le recours aux contrats à durée déterminée, au travail temporaire, et au travail à temps partiel. Le chef d'entreprise pourra désormais conclure librement des contrats de travail temporaire ou à durée déterminée sans se référer à une liste de recours limitative. Les salariés à temps partiel seront pris en compte dans le calcul des effectifs au prorata de leur temps de travail. L'ordonnance crée aussi un nouveau type de contrats à durée déterminée : le contrat de travail intermittent. Celui-ci permettra désormais de pourvoir, de façon permanente, les emplois comportant alternativement des périodes d'activité et d'inactivité. Enfin, l'ordonnance autorise les entreprises à recourir aux préretraites à mi-temps, pour réduire le nombre des licenciements.