Comme dans l'agriculture, les succès dus à la politique de réforme économique se sont fait sentir dans l'industrie. De 1980 à 1985, la production industrielle a augmenté de 11 % par an en moyenne, l'augmentation atteignant plus de 23 % pendant les six premiers mois de l'année 1985 par rapport à la même période de l'année précédente. En 1985 encore, les investissements dans la construction de base ont dépassé de 44 % le montant prévu par le VIe plan quinquennal. Le revenu annuel moyen des ouvriers atteindrait cette même année 600 yuans, soit deux fois plus qu'en 1978.

Pour soutenir la libération de l'économie, le gouvernement chinois a décidé d'entreprendre une grande réforme du système des prix. Désormais, le pouvoir de fixer les prix devra être transmis aux échelons inférieurs de l'administration. Cette réforme a déjà été appliquée dans les zones économiques spéciales où cohabitent actuellement quatre systèmes différents de fixation des prix. On trouve : les prix fixés par le gouvernement national ou provincial pour les produits de première nécessité ; les prix fluctuants fixés par le gouvernement des zones économiques spéciales ; les prix convenus fixés après négociations entre l'administration et les entreprises ; les prix du marché fixés par les entreprises. Le but de cette réforme était de remédier à la lourdeur et à l'irrationalité de l'ancien système très centralisé de fixation des prix, en espérant que les lois du marché suffiront à éviter des hausses trop brutales et trop importantes.

Le deuxième volet de la réforme économique entreprise en Chine en 1978 demeure l'ouverture sur l'étranger. En 1984, quatorze villes côtières : Dalian, Qinghuangdao, Tianjin, Yantai, Qingdao, Lianyungang, Nandong, Shanghai, Ningbo, Wenzhou, Fuzhou, Canton, Zhanjiang et Beihai, furent ouvertes aux investissements étrangers, en plus des quatre zones économiques spéciales de Shenzhen, Zhuhai, Xiamen et Shantou. En 1985 s'y sont ajoutées les trois régions du delta du Yangzi (fleuve Bleu), du Zhujiang (Rivière des perles) et de Xiamen-Zhangzhou-Quanzhou. En 1985, ces régions ont produit à elles seules 50 % de la valeur totale de la production industrielle et commerciale et des ressources financières du pays. À côté de ces régions au statut particulier, toutes les provinces ont reçu une autonomie beaucoup plus grande pour traiter directement avec l'étranger. C'est ainsi que chaque province rivalise d'attraits pour attirer la manne des capitaux internationaux, offrant des avantages fiscaux et simplifiant les procédures d'installation. Depuis le début de la politique d'ouverture, les projets de coopération se sont donc multipliés. De 1978 à 1985, 17,2 milliards de dollars de capitaux extérieurs ont été investis en Chine. En 1985, 900 entreprises à capitaux mixtes chinois et étrangers se sont installées en Chine et plus de 2 000 accords de coopération ont pu être conclus. Le plus important contrat d'entreprise mixte a été signé au début de cette année entre la Compagnie d'investissements nucléaires du Guangdong et la Hong Kong Nuclear Investment Company pour la construction de la première grande centrale nucléaire chinoise.

La réforme économique : les perspectives

En dépit des résultats économiques encourageants, les dirigeants chinois ont souvent fait preuve, cette année, dans leurs discours, d'une certaine mesure, voire de pessimisme. Pour Zhao Ziyang, il est nécessaire de progresser à pas sûrs, de ne pas rechercher un rythme de croissance trop élevé, de tenir compte de l'intérêt général et de combattre les tendances néfastes. Plus concrètement, Song Ping avait insisté sur l'importance du contrôle de l'émission de monnaie et de la gestion des crédits, sur la nécessité de limiter l'ampleur des investissements dans l'immobilier et de faire observer rigoureusement la discipline financière et économique. Au cours de l'été 1985, Deng Xiaoping alla plus loin dans la remise en cause de la politique d'ouverture et de réforme, envisageant pour la première fois en public la possibilité d'échec du système des zones économiques spéciales et en déclarant au Premier ministre turc que « la réforme économique ne pouvait encore être considérée que comme un essai ». Les propositions pour le VIIe plan quinquennal 1986-1990, présentées le 18 septembre 1985 par Zhao Ziyang, reflètent ce pessimisme. Hormis celui de la croissance annuelle prévue, fixée à 7 % par an au lieu des 9,6 % enregistrés en 1980 et 1985, aucun chiffre précis n'est fourni. Sur cinq ans, les deux premières années devront être consacrées en priorité à la remise en ordre de l'économie afin de créer « un climat économique et social favorable à la réforme du système économique ». Les propositions pour le VIIe plan insistent surtout sur la nécessité de développer les secteurs de l'énergie, des communications, des matières premières de base, de l'enseignement et de la recherche, et de favoriser encore les investissements étrangers. On retrouve dans l'énumération de ces tâches les grands problèmes qui freinent aujourd'hui la croissance de l'économie chinoise.

Les obstacles au développement

Si la réforme du système des prix a permis de corriger des parités tarifaires aberrantes, elle a également provoqué d'importantes majorations de prix, auxquelles les Chinois n'étaient : pas habitués. À Pékin, le renchérissement aurait atteint en un an près de 50 %. Le 10 mai 1985, la hausse du prix de 1 500 produits alimentaires a été autorisée par les autorités dans la capitale. Le prix du kilogramme de porc est passé de 2,95 yuans à 5 yuans et celui du kilogramme de bœuf de 2 yuans à 4,40 yuans. Même si une subvention de 7,50 yuans par mois a été accordée aux Pékinois pour les aider à supporter ces hausses, un mécontentement de plus en plus virulent se fait jour, les Chinois découvrant avec surprise les mauvais côtés du libéralisme économique. Tout au long de l'année 1985, des économistes chinois ont lancé des mises en garde contre les risques d'inflation, et appelé à progresser avec plus de modération dans la voie de la réforme. Le gouvernement et le parti communiste ont tenté de prendre des mesures autoritaires pour limiter les « hausses de prix arbitraires ». Le 13 mars 1985, le Conseil des affaires de l'État a pris une décision permettant de condamner plus sévèrement « ceux qui ont trop profité du système des prix libres ». Au mois de juillet, la Commission de contrôle de la discipline du parti communiste a publié un avis demandant aux organisations du parti de prendre des mesures sévères pour empêcher les hausses de prix abusives. Cependant, au quatrième trimestre de l'année 1985, l'inflation n'avait pas diminué.