En Italie, la loi de 1970 sur « le statut des travailleurs » a élargi les droits des salariés, mais, dans la pratique, ceux-ci sont allés plus loin que la législation, les « conseils d'usine » jouant un rôle de contre-pouvoir en négociant directement avec les chefs d'entreprise sur les salaires, les cadences, l'organisation du travail, les conditions d'hygiène et de sécurité.

Enfin, en Suède, la loi de 1976 sur la « co-détermination » impose aux employeurs des obligations précises quant à l'information des représentants du personnel sur la vie de la société et quant à la négociation de toutes les décisions qui entraînent une modification de la situation de un ou de plusieurs employés. Les représentants du personnel, dans ce pays où la syndicalisation est extrêmement forte, peuvent également siéger — en étant minoritaires — dans les conseils d'administration des entreprises de plus de 25 salariés. Mais ils n'utilisent pratiquement pas ce droit. Sans doute préfèrent-ils le contre-pouvoir au pouvoir...

Emploi

Le travail en panne

Pierre Mauroy avait fait de la lutte contre le chômage « la priorité des priorités », mais, de mai 1981 à mai 1984, le nombre de chômeurs s'est accru de 500 000. Après avoir réussi à stabiliser le chômage en 1982, le maire de Lille a dû éprouver rapidement les limites du traitement social de ce fléau et 1983 a été, aux dires même de l'INSEE, « la plus mauvaise année depuis vingt-cinq ans », avec un solde négatif de moins de 190 000 emplois. Laurent Fabius a donc hérité d'un lourd passif. Et, pourtant, l'année 1984 a montré, avant même le changement de gouvernement en juillet et le départ des ministres communistes, certaines évolutions dans la politique de l'emploi des pouvoirs publics. Ne pouvant plus compter sur la croissance économique, ils ont au long de l'année superposé en fait plusieurs politiques de l'emploi. Sans enrayer pour autant l'inexorable montée du nombre de demandeurs d'emploi.

Le traitement social

Cette lutte contre le chômage a eu son efficacité, notamment par les mises en préretraite, mais le gouvernement sur ce point a abordé l'année 1984 en ayant pour une bonne part épuisé ses munitions. Jack Ralite lui-même, fidèle en cela aux orientations fixées par François Mitterrand quant à la nécessité de parvenir à un traitement économique du chômage, reconnaissait dès le mois de mars que « à cours, ni à moyen et long terme, il n'y a de régression possible du chômage sans création nette d'emplois dans la sphère productive ».

Finies les créations de postes dans la fonction publique, place à l'emploi productif ! Pour Pierre Mauroy, un tel raisonnement ressortait un peu de la quadrature du cercle. Des créations d'emplois nettes nécessitaient un minimum de croissance et de reprise de l'investissement — celui-ci risquant toutefois dans un premier temps de favoriser des changements technologiques qui commencent par supprimer des postes de travail avant d'en susciter éventuellement d'autres —, mais que faire avec une croissance insuffisante et un investissement atone ? Dès les premiers mois de l'année, le Premier ministre, conformément à l'orientation de la politique de rigueur, a semblé privilégier l'assainissement des entreprises industrielles. Elles devaient d'abord reconstituer leurs marges financières nom ensuite investir et, peut-être, embaucher. Un tel objectif ne pouvait passer que par une phase nécessairement assez longue de non-amélioration de l'emploi.

Restructuration industrielle

En attendant, Pierre Mauroy et ses ministres ont paré au plus pressé, et d'abord en s'attaquant à un énorme défi. Le 8 février, le gouvernement adoptait le dispositif de modernisation de l'industrie en le dotant d'un important volet social. « Ce qui est original dans notre plan, par rapport à ce que font d'autres pays, devait dire le Premier ministre, c'est que nous ne voulons pas de licenciements. Notre objectif est de concilier l'impératif économique et l'impératif social. » L'objectif du volet social était donc de « permettre un reclassement réel et rapide des salariés dont les postes de travail sont supprimés ». Les entreprises des secteurs à restructurer se trouvaient fermement invitées à préparer — et à négocier — des plans sociaux. Dans quatorze « pôles de conversion », bénéficiant d'aides particulièrement actives des pouvoirs publics et des collectivités locales, les entreprises pouvaient mettre en préretraite à 55 ans des salariés en contrepartie du recrutement de chômeurs ou de licenciés économiques. Dans certains bassins d'emplois, les contrats de solidarité réduction de la durée du travail se trouvaient assouplis et une « allocation temporaire dégressive » devait permettre à des salariés d'accepter sans y perdre de nouveaux emplois moins rémunérés. Enfin, la sidérurgie, les chantiers navals et les charbonnages devaient mettre en oeuvre des congés de conversion permettant de mettre pendant deux ans au maximum des salariés en formation avec 70 % de leur salaire antérieur. Mais ce que la signature d'une nouvelle convention sociale rendit possible dans la sidérurgie échoua dans la construction navale.

Nouvelles priorités

Avec l'accompagnement social des mutations, le traitement social du chômage, disparu par la porte, sembla réapparaître par la fenêtre. Dans les secteurs à restructurer ayant de fortes populations immigrées, une aide au retour nouvelle formule fit son apparition. Le gouvernement de Pierre Mauroy a, à l'occasion de cette politique des restructurations, encouru toute une série de reproches. Marqué par le « contre-exemple » des solutions apportées aux licenciements chez Talbot à la fin de l'année 1983, le gouvernement ne voulut pas renouveler ses erreurs et il s'efforça de mieux négocier avec les syndicats. Mais il ne put faire disparaître le scepticisme. Des préretraites à 55 ans n'était-ce pas un nouveau rejet social ? Des congés de conversion de 2 ans allaient-ils assurer une formation suffisamment qualifiante et opérationnelle pour retrouver un emploi ? N'allait-on pas assister à la mise en place non d'un système social dual mais d'une société à multiples vitesses ? Selon que vous serez fonctionnaire, agent de secteur public, salarié d'un pôle de conversion, sidérurgiste ou travailleur de l'automobile, employé dans une entreprise de plus de 500 salariés ou dans une PME, vous aurez à chaque fois un traitement différent pour votre emploi ou votre licenciement (lorsque licenciement il peut y avoir). Les formations accordées aux licenciés de Citroën et les engagements de Bernard Hanon pour le règlement du problème des sureffectifs à la régie Renault devaient accroître ce sentiment d'une société à plusieurs vitesses.