Cette stratégie s'est cependant avérée payante pour FO qui, dans la foulée des élections de 1983 à la Sécurité sociale, a engrangé dans le secteur privé des gains électoraux, parfois spectaculaires, lui permettant de disputer réellement à la CFDT la deuxième place sur l'échiquier syndical. Parallèlement, l'organisation D'A. Bergeron a investi le secteur de l'enseignement, réalisant une percée remarquable, au détriment de la FEN.

Du côté des autres syndicats réformistes, les évolutions ont été moins sensibles à la CFTC — qui, à l'occasion de son congrès à l'automne, a réaffirmé ses craintes quant à l'avenir de la politique contractuelle, redoutant un glissement vers « l'étatisation », en demandant une réduction de la part détenue par l'État dans les entreprises récemment nationalisées — qu'à la CGC.

En mai, lors du 26e congrès à Versailles, Paul Marchelli a succédé à Jean Menu à la présidence de la Confédération française de l'encadrement. Très critique vis-à-vis de P. Mauroy, dont il avait demandé la démission, le nouveau président a accueilli favorablement l'arrivée de L. Fabius en constatant que plusieurs de ses orientations rejoignaient celles de la CGC. Il entend cependant rester vigilant. En 1984, les syndicats sont demeurés très divisés — chacun défilant séparément lors du 1er mai à Paris.

Les antagonismes sont même devenus, en dépit de l'absence de polémiques, plus exacerbés entre la CGT et la CFDT. Ont-ils pour autant été encore davantage affaiblis ? Lors des élections aux conseils d'administration du secteur public — échelonnées jusqu'au 30 juin — le syndicalisme a confirmé qu'il avait une bonne audience dans l'opinion.

Indéniablement pourtant le syndicalisme connaît une crise d'identité. Ne parvenant pas, malgré la présence de la gauche au pouvoir, à atténuer efficacement les rigueurs de la crise, il est au centre de nouvelles interrogations sur son rôle et sur l'avenir de son action.

Patronat

Inquiétudes du CNPF

Le monde patronal est demeuré inquiet, se préoccupant de l'état de la France par rapport à ses concurrents au regard d'un taux de croissance trop faible, d'un investissement insuffisant et d'un chômage en augmentation. Le CNPF s'est voulu le porte-parole de cette inquiétude persistante et l'a exprimée parfois avec vivacité.

Politique contractuelle

Le CNPF peut cependant s'enorgueillir de quelques succès. Dans le secteur privé, les salaires ont été bien tenus. Et, surtout, malgré l'opposition de la CGT et de la CFDT, il est parvenu à ses fins pour la réforme de l'assurance chômage qui a répondu parfaitement à ses vœux.

Le 15 mars pourtant, le CNPF se lançait dans une véritable grève de la politique contractuelle pour protester contre la non-reprise intégrale dans la loi sur la formation continue, mise au point par le ministre communiste Marcel Rigout, de l'accord du 26 octobre 1983, signé par tous les syndicats sauf la CGT. Un mois après, dans l'espérance de quelques apaisements de P. Mauroy obtenus après coup, il levait sa pratique de la chaise vide et engageait le 28 mai une négociation extrêmement difficile sur la flexibilité de l'emploi. Sa proposition de créer 471 000 « emplois nouveaux à contraintes allégées » devait cependant se heurter à une opposition des syndicats.

Plus généralement, l'organisation patronale a développé tout au long de l'année à l'intention des pouvoirs publics les mêmes thèmes revendicatifs, Yvon Gattaz se félicitant au passage avec l'arrivée de Laurent Fabius à Matignon de trouver un Premier ministre « plus réaliste que lyrique ». Ce changement gouvernemental ne fut pas suivi pour autant d'une véritable lune de miel, le CNPF reprochant notamment au gouvernement de ne pas avoir tenu ses engagements quant à une réforme radicale de la taxe professionnelle dans le budget 1985. Le 10 septembre, le « patron des patrons » martelait de nouveau ses moyens pour « sortir de la crise » : « libérer immédiatement les prix des produits et des services industriels, s'engager dans un processus de libération progressive des prix et des marges des commerces et services, desserrer, puis supprimer le contrôle des changes ».