Les sociétés nationales, paralysées par leur gigantisme, avaient été scindées et restructurées. Après une période de flottement, certaines ont amorcé leur redressement en 1984. De même, le nombre des wilayas (départements) est passé de 31 à 48, permettant à l'État d'être plus proche des citoyens et aux jeunes cadres sortis de l'ENA algérienne de faire leurs preuves sur le terrain. La politique de décentralisation donne une plus grande marge de manœuvre aux collectivités locales, tandis que les débats à l'Assemblée populaire nationale sont devenus moins académiques, notamment à l'occasion de l'adoption du Code de la famille, le 9 juin. À mi-chemin des progressistes laïcisants et des islamistes, ce texte, maintes fois remis sur le chantier depuis l'indépendance, brave certains tabous, renforce les droits de la femme et atténue les inégalités entre les sexes.

Les contestataires neutralisés

Dans un Maghreb en ébullition, qui a été secoué par la révolte du pain en Tunisie et par les émeutes de la vie chère au Maroc, l'Algérie a réussi à éviter une explosion de la jeunesse. Partagée entre modernité et authenticité, celle-ci n'en demeure pas moins la grande inconnue de demain. Recourant tour à tour à la rigueur et à la clémence (il a gracié 90 prisonniers politiques), le président Chadli s'est employé à neutraliser la contestation islamiste et celle de groupuscules trotskistes. De même a-t-il fait un geste sans précédent en reconnaissant, devant le congrès du FLN, le rôle des Berbères dans la formation de la nation algérienne.

La tâche de l'État est facilitée par une situation économique et financière meilleure que celle de ses voisins, grâce au pétrole et au gaz et aussi à une gestion plus stricte : la dette extérieure (15 milliards de dollars) représente un tiers du PIB alors que celle du Maroc (12 milliards) atteint le triple du PIB. L'Algérie n'en subit pas moins les effets de la crise mondiale, laquelle, s'ajoutant aux carences de l'agriculture et à une démographie galopante (60 % de la population a moins de 20 ans), rend le pays très dépendant sur le plan alimentaire.

L'Union maroco-libyenne

Le conflit du Sahara occidental continue à tenir une place majeure dans la politique étrangère. La rencontre Hassan II - Chadli Benjedid, le 26 février 1983, devait faciliter sa solution et ouvrir la voie à l'édification du Grand Maghreb. Ces espoirs ont été vite déçus, et 1984 a donné lieu à un spectaculaire renversement d'alliances, avec la naissance de l'Union arabo-africaine le 1er septembre. Celle-ci consacre le mariage, conclu le 13 août à Oujda, entre le Maroc et la Libye, pour sortir de leur isolement et faire contrepoids au Traité de fraternité et de concorde liant Algérie, Tunisie et Mauritanie.

Le colonel Kadhafi riposte ainsi à l'Algérie, soupçonnée d'avoir entravé son accession à la présidence de l'OUA (Organisation de l'unité africaine) et contrecarré ses projets d'États-Unis du Sahara. De même, en retirant son soutien au Polisario, la Libye permet au Maroc de se renforcer militairement au Sahara, même si Rabat demeure isolé diplomatiquement au sein de l'OUA, comme le prouve l'admission de la République sahraouie (RASD) au XXe Sommet, le 12 novembre.

La visite « privée » à Fès du président Mitterrand, soucieux d'obtenir l'évacuation des troupes libyennes du Tchad, au moment du référendum sur l'Union, jette une ombre sur les relations franco-algériennes, qui n'avaient pourtant jamais été aussi bonnes que depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir à Paris, en 1981.

Paul Balta

Égypte

Retour sur la scène arabe

Hosni Moubarak n'a pas dérogé à sa règle d'or qui consiste à éviter tout changement brusque. La victoire écrasante — 72,9 % des voix — du parti au pouvoir, le PND (Parti national démocratique), ne laisse pas, il est vrai, une grande marge de manœuvre au président égyptien pour mettre fin aux excès de l'Infitah, la fameuse ouverture économique décrétée par Sadate en 1974.

Immobilisme

Le parti est, en effet, composé essentiellement de sadatiens hostiles à toute remise en cause du libéralisme économique. Le second grand vainqueur de ces élections, le néo-Wafd — 15,11 % des voix —, dont le retour sur la scène politique crée l'événement, n'est pas non plus à même de susciter des changements profonds dans le pays. Vieux parti nationaliste et libéral, interdit par Nasser après la Révolution de 1952, le Wafd, qui s'est fait le champion de la démocratie, reste un parti clairement conservateur.