Quelques heures après la démission de Bill Hayden — chef de l'opposition battu à trois reprises aux élections générales de 1975, 1977 et 1980, et contesté au sein de la direction du Labor —, M. Fraser demande au Gouverneur général de dissoudre le Parlement, pour susciter des élections anticipées. La bataille électorale est marquée par les thèmes économiques. Les conservateurs demandent aux Australiens de leur renouveler, en des temps difficiles, leur confiance. Les travaillistes ayant à leur tête Bob Hawke soulignent la nécessité d'un changement de cap politique, pour sortir le pays de l'ornière, et appellent à la « réconciliation nationale ». Autre fait marquant de la campagne : une trêve tacite, à la mi-février, quand de gigantesques feux de brousse ravagent quelque 300 000 ha en Victoria et en Australie-Méridionale, faisant 71 morts et tuant plus de 350 000 moutons et 18 000 bovins.

Bob Hawke
L'ascension d'un syndicaliste

Robert James Lee Hawke, né le 9 décembre 1929, illustre parfaitement l'égalitariste société australienne. Membre du parti travailliste à 17 ans, brillant étudiant bénéficiaire de diverses bourses, Bob Hawke préside le Labor de 1973 à 1978, tout en assumant la présidence des syndicats (ACTU) de 1970 à 1980. Tout à fait logiquement — par arrivisme, disent ses détracteurs —, il se lance dans l'arène politique. Il est ainsi député en octobre 1980 et membre du cabinet fantôme un mois plus tard. Il devient chef de l'opposition le 8 février 1983. Vingt-cinq jours plus tard, il remporte les élections. Une trajectoire parfaite. Les difficultés commencent le 11 mars 1983.

Budget de relance

La première mesure du gouvernement Hawke, composé en majorité de modérés, est une dévaluation de 10 % du dollar australien : il faut dire qu'un milliard de dollars de capitaux ont pris la fuite à l'étranger, dans la semaine précédant le scrutin. Le retour au premier plan des travaillistes est manifeste à tous les niveaux. Seule la petite Tasmanie est dirigée par les libéraux. Le parti national ne réussit à former qu'un gouvernement minoritaire au Queensland.

En présentant le 23 août le budget 1983-84, Paul Keating, ministre du Trésor, insiste sur son souci d'honorer les engagements travaillistes de relance de l'économie et d'aide à ceux qui sont le plus touchés par la crise, et rassure par ailleurs le monde des affaires : sa stratégie de relance ne comporte qu'un minimum de risques inflationnistes. Les dépenses prévues dépassent 56 milliards de dollars — un record —, contre 48 milliards de recettes. Avec 8,36 milliards, le déficit envisagé correspond à 4,7 % du PIB, soit le double de celui prévu par le dernier budget conservateur. Les principaux secteurs bénéficiaires de ce premier budget travailliste sont l'Éducation, la Santé et la Défense.

Une politique moins dépendante

Les relations entre la France et l'Australie sont correctes, même si les échanges commerciaux ne portent que sur 500 millions de dollars dans chaque sens. Il subsiste néanmoins quelques points épineux, notamment celui des expériences nucléaires françaises dans le Pacifique, condamnées sans appel par les Australiens. Le gouvernement de B. Hawke a décidé de suspendre — au moins jusqu'en octobre 1984 — la livraison à la France d'une cargaison d'uranium, prévue pour juillet 1983. L'Australie souhaite en effet l'établissement d'une zone dénucléarisée dans le Pacifique sud ; elle s'inquiète également de la course aux armements et crée en juillet un poste d'ambassadeur pour le Désarmement, appelé à siéger à Genève, au Comité des Nations unies sur le désarmement. Les dirigeants de Canberra adoptent une attitude prudente à propos de la Nouvelle-Calédonie. Tout en rappelant leur attachement à l'indépendance de tous les territoires du Pacifique, ils préfèrent éviter qu'une solution précipitée ou arbitraire ne fasse peser de lourdes menaces sur la stabilité d'une région généralement épargnée par des soubresauts trop violents.

Sur le plan général, la politique étrangère des travaillistes est marquée par le souci de se dégager de la tutelle du grand frère américain. C'est dans ce contexte que s'inscrit la mission de bons offices menée par le ministre des Affaires étrangères dans les pays concernés par le règlement de la situation au Cambodge.