Le principe en est simple : il consiste à associer les agriculteurs aux dépenses qu'entraîne le soutien des prix de leurs produits. Elle considère qu'il est impossible de maintenir un système de garantie pour des quantités illimitées et qu'il convient donc que les producteurs participent aux coûts financiers engendrés par l'écoulement des accroissements de production.

Pierre Méhaignerie, le ministre de l'Agriculture de Raymond Barre, a déjà précisé la position de la France : il demande une « augmentation à deux chiffres ». Autrement dit, 10 % au moins.

Le syndicalisme agricole français, et avec lui les autres grandes organisations professionnelles de l'agriculture, affirme des revendications plus précises : augmentation de 15,3 % en moyenne, privilégiant les productions animales; fixation des nouveaux prix sans retard, soit au 1er avril ; pas de mesures anticipant sur une éventuelle réforme de la politique agricole commune (c'est le refus de l'extension de la coresponsabilité financière). Non pas, d'ailleurs, que les états-majors agricoles soient opposés au principe de cette coresponsabilité, mais ils entendent que la réforme de la politique agricole commune — la PAC, comme on l'appelle couramment — ne soit pas engagée à la sauvette. Ils veulent une réflexion approfondie (dès le mois de décembre 1980, la Commission européenne a publié à ce propos un premier document qui ne les a pas choqués) et une large concertation.

Négociations

L'échéance du 1er avril approche. Les réunions des ministres de l'Agriculture des Dix se multiplient. Vainement, semble-t-il. Allemands, Britanniques et Néerlandais ne tiennent pas à une augmentation trop élevée des prix agricoles. Les autres pays partenaires, en revanche, comme la France, demandent un relèvement supérieur à celui proposé par la Commission. Ces divergences feront-elles traîner les négociations ? François Guillaume, qui vient d'être réélu à la présidence de la FNSEA au lendemain du congrès de cette organisation, le craint. Il organise des manifestations à Bruxelles, auxquelles ne se joignent pas, d'ailleurs, toutes les organisations paysannes de l'Europe des Dix, lors du Conseil des ministres de l'Agriculture réuni aux derniers jours de mars.

Et les ministres aboutissent, plus vite qu'on ne l'espérait généralement. Dans la nuit du 1er au 2 avril, les prix sont fixés : la hausse moyenne des prix agricoles, exprimés en ECU, se chiffre à 9,4 %. Compte tenu des ajustements des monnaies vertes intervenus à la suite de la dévaluation de la lire italienne et de la prise en compte de la réévaluation de la livre britannique, la hausse en France atteint 12,2 %, grâce à une dévaluation du franc vert.

En outre, à la grande satisfaction des Français, les montants compensatoires allemands sont réduits de 8,8 % (9,8 pour le lait) à 3,2 %. Ceux du Benelux disparaissent et ceux de la Grande-Bretagne, légèrement amputés, passent de 14,1 % à 12,9 %. Ces montants compensatoires, qui revenaient à subventionner les exportations agricoles de ces pays et à protéger leur agriculture de la concurrence des produits de leurs partenaires, étaient devenus la bête noire des agriculteurs français en raison des obstacles qu'ils constituaient pour leurs exportations.

Enfin, autre aspect positif de l'accord conclu à Bruxelles, la généralisation du principe de la coresponsabilité est rejeté. Au moins jusqu'à ce qu'intervienne cette réforme de la PAC, qui fait couler beaucoup d'encre durant le dernier semestre de 1980 et les premiers mois de 1981. C'est que le développement de l'agriculture française reste étroitement lié à l'évolution de la politique agricole de l'Europe. Même si les exportations agro-alimentaires de la France se réalisent maintenant un peu plus hors de la Communauté européenne.

Avenir

Mais l'avenir ne se joue pas seulement dans les instances communautaires. C'est aussi l'ambition de la loi d'orientation, définitivement votée par le Parlement en juin 1980, que de le préparer. Après sa promulgation au Journal officiel, le 4 juillet, l'administration et la profession se préoccupent de la mise au point des nombreux décrets d'application qu'elle implique. Dès le 16 juillet paraît un décret qui permet une majoration exceptionnelle de 20 % des retraites proportionnelles des exploitants. D'autres majorations devront suivre, car l'objectif de la loi, dans le domaine social, est notamment d'aligner les retraites agricoles sur celles du régime général de Sécurité sociale.