Dans deux discours prononcés les 17 et 18 juillet 1979, l'imam Khomeiny lance une offensive foudroyante contre les diverses oppositions à son régime, menaçant de quitter Qom pour s'installer à Téhéran dans le but de mieux contrôler la marche des affaires gouvernementales. L'imam, qui s'est proclamé commandant en chef des forces armées et qui agit désormais en tant que chef d'État et du gouvernement, fixe trois objectifs prioritaires : le retour à l'ordre au Kurdistan ; la reprise en main de l'armée ; la neutralisation de l'opposition libérale et laïque. Il est de loin le plus violent à l'égard des dirigeants autonomistes kurdes qu'il qualifie de « corrompus » et d'« infidèles », et s'en prend surtout au PDKI (Parti démocratique du Kurdistan iranien), à son président, Abdel Rahman Ghassemlou, ainsi qu'au chef spirituel kurde, le cheikh Ezzedine Hosseini.

Exactions

L'affrontement entre le pouvoir central et les autonomistes kurdes devient inéluctable avec la poursuite et l'intensification des exactions commises au Kurdistan par les pasdaran (gardiens de la révolution).

L'exécution, le 21 août, d'une dizaine d'enseignants kurdes à la suite de condamnations sommaires prononcées par l'ayatollah Khalkhali, promu procureur général du Kurdistan, donne le signal des hostilités. Et c'est dans ce climat de guerre contre les Kurdes, l'opposition laïque et la presse libérale désormais presque entièrement muselées, que l'assemblée des experts chargée de mettre au point l'avant-projet de la future Constitution commence ses travaux.

La composition même de cette assemblée, élue au début d'août au terme d'une élection fort contestée, ne laisse pratiquement pas de chances aux partisans d'une loi fondamentale libérale. Sur ses 73 membres, en effet, on compte 57 mollahs, 4 représentants des minorités religieuses et 12 civils, pour la plupart « plus religieux que les religieux ». Les instructions que leur donne l'imam ne prêtent d'ailleurs à aucune équivoque : « élaborer une constitution à 100 % islamique ». L'un des rares laïcs élus à cette assemblée Abdel Rahman Ghassemlou, chef du PDKI, mis hors la loi, a d'ailleurs fort à faire au Kurdistan où les pasdaran soutenus par l'armée régulière s'emparent, en l'espace de deux semaines (du 21 août au 6 septembre), des divers bastions autonomistes. Réfugié dans les montagnes de l'ouest de l'Iran, A. R. Ghassemlou annonce que la résistance des pechmergas se poursuivra sous forme de guérilla « jusqu'à l'autonomie du Kurdistan dans le cadre d'un Iran démocratique ».

Les perspectives d'une solution négociée du problème kurde s'éloignent davantage avec la disparition subite de l'ayatollah Taleghani, décédé le 9 septembre à la suite d'une crise cardiaque. Considéré comme le chef de file du clergé progressiste, le chef religieux de Téhéran jouissait de l'entière confiance des autonomistes kurdes. La mort de l'ayatollah Taleghani renforce également le camp intégriste au sein du clergé chiite, accentuant le déséquilibre politique au profit des religieux extrémistes. Le disparu était dans une certaine mesure favorable à la laïcité de l'État et souhaitait que la Constitution, bien que fondée sur les préceptes de l'islam, soit distincte du Coran. Proche des Moudjahidin du peuple (musulmans progressistes), il n'excluait pas une collaboration avec les partis laïques de gauche, dont il semblait souhaiter la légalisation.

Contradictions

La lutte pour le pouvoir s'intensifie fin octobre. M. Bazargan, qui vient d'avouer que son « gouvernement ressemble à un couteau sans lame » est critiqué, sans répit ni ménagement, pour son « incompétence » et son « réformisme ». Son équipe est devenue le pôle d'attraction de toutes les forces politiques qui souhaitent normaliser rapidement la situation. Le chef du gouvernement est accusé de chercher à restaurer les structures du régime déchu et de ne pas appliquer les décisions du Conseil de la révolution. Plus grave, on le soupçonne d'être favorable à un rapprochement avec le « Grand Satan », c'est-à-dire les États-Unis.