Bangkok décide, en échange d'une assistance financière et humanitaire, d'ouvrir largement, en octobre 1979, son territoire aux exilés du Cambodge.

Dans le même temps, on poursuit les négociations avec Hanoi afin de mettre un terme à la détérioration de plus en plus inquiétante des rapports avec le Viêt-nam, dont les forces tentent coûte que coûte de liquider les Khmers rouges. Or, ceux-ci utilisent le territoire thaïlandais comme sanctuaire pour se ravitailler en armes, en vivres, en médicaments, se reposer et même recruter de nouvelles troupes, parfois avec la complicité de l'armée thaïlandaise, qui tolère la présence de l'Angkar dans les camps de réfugiés.

Oppositions

L'économie du pays a bien du mal à supporter les pressions conjuguées de cet afflux de réfugiés et de la crise énergétique mondiale. L'inflation atteint 20 % ; la baisse des exportations de riz, conséquence d'une mauvaise récolte, accroît les difficultés du gouvernement de K. Chamanand, qui doit faire face à la montée des oppositions parlementaire, syndicale, étudiante, voire militaire. Car, en Thaïlande, l'armée demeure l'arbitre de la situation.

Le général Kriangsak Chamanand démissionne le 29 février 1980, après vingt-huit mois d'un pouvoir sans partage. Un général chasse l'autre. Son ministre de la Défense lui succède. À 59 ans, le général Prem Tinsulanond, commandant en chef de l'armée, est un militaire pur, dur et honnête ; une sorte d'exception dans un régime profondément miné par la corruption. Modeste, le nouveau Premier ministre confie à ses proches : « Je sais que j'ai la capacité limitée pour prendre en main les problèmes du pays ; mais je demande la coopération de tous. »

Contrairement à son prédécesseur, P. Tinsulanond ouvre largement son équipe aux représentants des partis politiques qu'il veut associer à sa politique de redressement économique, de lutte contre la drogue et la corruption. Mais, avant tout, il importe de régler au mieux le problème des réfugiés cambodgiens, que l'on considère désormais en Thaïlande comme un facteur essentiel d'instabilité.

Négociations

Il n'est certes pas officiellement question de bloquer les frontières et de renvoyer chez lui le peuple des camps ; mais des restrictions sont apportées à l'accueil des réfugiés : la politique de l'asile temporaire succède à celle de la porte ouverte. Le 17 juin 1980, la Thaïlande, passant outre aux avertissements répétés de Hanoi et de Phnom Penh qui l'accusent d'aider les Khmers rouges, commence le « rapatriement volontaire » des réfugiés au Cambodge, en collaboration avec les Nations unies. En une semaine, 5 400 personnes regagnent leur pays ; mais ces rapatriements provoquent la riposte de l'armée vietnamienne, qui, le 23 juin, franchit la frontière et pénètre au Cambodge. Bilan : un millier de morts, civils thaïlandais et réfugiés khmers principalement.

Cette intervention d'envergure, la première des Vietnamiens en Thaïlande, provoque un nouvel afflux de réfugiés, venus du Cambodge. La Chine et les États-Unis condamnent formellement l'« agression » vietnamienne et rappellent qu'ils sont décidés à faire respecter l'intégrité territoriale de la Thaïlande.

Réfugiés

La tragédie indochinoise

La tragédie des réfugiés de l'Asie du Sud-Est continue de sensibiliser l'opinion mondiale ; exode sans précédent dans l'histoire des temps modernes qui voit des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants quitter les trois pays d'Indochine, fuyant la guerre, la famine et les régimes politiques.

– Viêt-nam : depuis le drame des 2 500 passagers du Hai Hong, ce cargo de la honte bloqué pendant quinze jours par les Malaysiens, les États-Unis, la Chine, la France et d'autres pays ont ouvert leurs portes aux réfugiés. Mais le rythme des départs de Vietnamiens et de Sino-Vietnamiens dépasse encore les capacités d'accueil des pays disposés à les recevoir.

Il y a, en Thaïlande, en Malaysia, en Indonésie et aux Philippines, environ 200 000 personnes auxquelles ces pays n'ont pas l'intention d'accorder le droit d'asile, pour des raisons matérielles ou politiques. En Malaysia, 42 000 personnes se trouvent encore dans l'île de Poulo Bidong en juillet 1979. À plusieurs reprises, les autorités locales refoulent de nouveaux arrivants.

Conférence

La communauté internationale s'émeut de cette situation ; tandis que le président Carter ordonne à la marine des États-Unis de recueillir les passagers des bateaux errant en mer de Chine méridionale, plusieurs pays occidentaux s'efforcent d'accroître les capacités d'accueil et de faciliter les arrivées.