Précisément, le chef du Département fédéral des finances, Georges-André Chevallaz, en fait l'assez épuisante expérience (épuisante, du moins, pour tout autre que lui). Le peuple et les cantons avaient refusé, le 12 juin 1977, l'introduction de la TVA. Le grand argentier ne peut admettre — c'est son rôle — que la Confédération s'enfonce dans les dettes. Revenant donc à la charge, il propose une TVA « réduite et simplifiée » : son taux maximal, inscrit dans la Constitution, serait de 8 %, et, pendant les deux premières années au moins, le gouvernement promettrait de s'en tenir à 7 %.

Le paquet Chevallaz, comme on dit, paraît obtenir l'aval des grands partis. Néanmoins, les socialistes désirent y laisser leur empreinte. Ils proposent, pour prix de leur ralliement, une loi qui permettrait de frapper davantage les gens fortunés, en l'occurrence de prélever un impôt sur les opérations fiduciaires des banques (opérations que les banques exécutent sous leur propre nom, mais pour le compte d'un client, qui reste anonyme, et dont le fisc se désintéresse).

Le 26 septembre 1978, le Conseil national refuse cette proposition. Il s'ensuit un long feuilleton compliqué. Soucieux de sauver sa réforme, Georges-André Chevallaz projette, malgré la décision parlementaire, de satisfaire les socialistes et de préparer la loi qu'ils exigent. Le 20 octobre, ses services rendent public le budget de la Confédération pour 1979 : 16,5 milliards de dépenses, 1,3 milliard de déficit. Quelques jours plus tard, le Conseil des États (Chambre des cantons) prend pourtant le risque de balayer la nouvelle proposition Chevallaz, et il est suivi, le 11 décembre, par le Conseil national : les socialistes, dès lors, s'opposeront à l'introduction de la TVA.

À la Gauche-Charybde s'alliera, une fois de plus, la Droite-Scylla. Les défenseurs militants de l'autonomie cantonale ne veulent pas que l'État central se mette financièrement à l'aise. Les petites et moyennes entreprises redoutent un fisc « inflationniste et paperassier ». Et le résultat, plutôt rassurant, de l'exercice 1978, publié le 12 mars 1979, confirme cette frange-là de l'opposition dans son attitude : les comptes de l'État présentent un déficit de 719 millions au lieu de 1 212 qu'on avait prévus.

Le verdict populaire est enfin rendu le 20 mai : la TVA recueille encore moins de suffrages positifs (35 %) que dans sa première version (40 %). Le naufrage paraît, cette fois, définitif.

Chaleurs et frissons

Pendant ce temps, l'économie nationale passe par les chaleurs et les frissons d'une petite fièvre aussi difficile à définir qu'à guérir. Le franc suisse, refuge des spéculateurs et des épargnants, continue à monter. Les exportateurs gémissent. Une grande entreprise horlogère, Ébauches SA, provoque un choc en annonçant que, pour vendre à l'étranger ses mouvements de montres à des prix compétitifs, elle se verra dans l'obligation de transférer une partie de sa production vers l'Asie, la France et l'Allemagne.

Puis la situation semble s'améliorer. Les mesures prises par la Banque nationale d'une part, celles que le président Carter annonce, d'autre part, en vue de soutenir le dollar américain, pèsent sur le cours de la monnaie helvétique. Mais, aussitôt, l'indice des prix, qu'on croyait pétrifié, se remet lentement à bouger, stimulé du reste par la hausse insensée du mazout : 60 % en trois mois d'hiver. Sectoriel et relativement faible, le chômage ne se résorbe pas, mais reste comme une menace à l'horizon : en avril, on compte 12 060 chômeurs complets, ce qui fait une augmentation de 7,9 % en une année.

Sur ce morne arrière-plan, le problème de l'énergie se pose de manière d'autant plus aiguë. Et là, c'est le chef du Département fédéral des transports, des communications... et de l'énergie, le socialiste Willi Ritschard, qui se bat sur la brèche, en opposition, d'ailleurs, avec son parti. Les deux événements dont on se souviendra le mieux se passent à l'étranger. Le 5 novembre 1978, les Autrichiens consultés par le gouvernement Kreisky refusent la mise en exploitation de la centrale nucléaire de Zwentendorf. Et le 28 mars 1979, des vapeurs légèrement radioactives s'échappent du réacteur américain de Harrisbourg. Une chaude bataille politique se place entre ces deux dates.