Autre intervention du syndicat : le tirage du format tabloïd du Parisien est limité à 417 000 exemplaires au lieu des 480 000 prévus, et au fur et à mesure que la situation se dégrade, les horaires de tirage deviennent de plus en plus longs, ce qui rend impossible la distribution normale. Le Parisien libéré s'élève contre l'asphyxie systématique de l'entreprise et intente plusieurs actions en justice. Les imprimeries de la rue d'Enghien et de la rue des Petites-Écuries sont occupées par les ouvriers. Plusieurs éditions régionales, qui paraissent avec des titres nouveaux, sont qualifiées d'éditions pirates par le Comité intersyndical du Livre.

Après plusieurs grèves sauvages et une interruption de quatorze jours, la direction du Parisien libéré décide de faire imprimer le journal en Belgique. C'est l'épreuve de force : des commandos tentent d'arrêter les camions transportant les exemplaires et d'en empêcher la diffusion et la vente. Plusieurs informations sont ouvertes par le parquet et contre les auteurs de ces agressions. Aux PTT, des employés des services de tri refusent d'acheminer le journal. Sanctionnés, ils répondent par des débrayages. Mais un accord est conclu entre le Front commun syndical et les imprimeries pour interrompre la fabrication du journal en Belgique à partir du 5 juin. Celle-ci se poursuit à Chartres et à Saint-Ouen.

Attentats

Le désaccord entre les centrales syndicales CGT et FO s'accentue. André Bergeron, secrétaire général de FO, s'élève contre le monopole d'embauché que détient la Fédération du Livre CGT : « Nous voulons que chacun puisse choisir le syndicat de son choix sans pour autant se voir privé du droit au travail » déclare-t-il. À la suite d'apposition, sur les murs de Paris, d'affiches le déclarant « traître à la condition ouvrière », André Bergeron porte plainte en diffamation contre la CGT.

Alors que le conflit atteint une ampleur nationale (à l'appel de la CGT et de la CFDT, une manifestation est organisée le 4 juin), deux charges d'explosifs sont déposées à la porte des appartements d'André Bergeron — qui sera indemne — et de Bernard Joseph Cabanes, rédacteur en chef à l'AFP, confondu avec son homonyme, rédacteur en chef du Parisien libéré. Bernard Cabanes ne survit pas à ses blessures : cet attentat odieux provoque une unanime réprobation.

Ces attentats, qui se situent dans un contexte de violence dont les attaques contre les véhicules transportant les exemplaires du Parisien libéré et contre les personnes qui les conduisent ont constitué les prémices, ne permettent évidemment pas de progresser vers la fin du conflit.

Le tribunal des référés ordonne l'évacuation des locaux des imprimeries du Parisien libéré. Le Livre menaçant d'ordonner un arrêt de travail si la police intervient, on s'en tient au statu quo. Par contre, le ministère du Travail autorise Émilien Amaury à procéder à 300 licenciements.

Malgré une interpellation du Premier ministre par Henri Fiszbin, député communiste de Paris, le gouvernement refuse d'intervenir dans ce qu'il considère comme une affaire privée. À plusieurs reprises, cependant, le force publique protège les transporteurs qui acheminent le Parisien libéré vers les points de vente.

Deux thèses sont en présence : pour les uns, les moyens de coercition employés par le Syndicat du Livre sont une atteinte directe au droit du travail et à la liberté d'expression ; pour les autres, les ouvriers ne font que répliquer à une rupture unilatérale du contrat de travail puisqu'il n'y a pas eu de licenciements.

Des syndicalistes (ceux de FO notamment), des parlementaires et des journalistes s'interrogent sur l'opportunité des moyens employés par un syndicat monolithique. Provoquer des grèves, n'est-ce pas affaiblir la presse ? Et l'on peut s'étonner de certaines actions : par exemple, le Quotidien de Paris du 28 avril 1975, par suite d'une grève des clavistes et des monteurs (qui réclament une révision de leurs conditions de travail), parait avec des blancs ; c'est le cas également du numéro de Minute du 18 juin, où, dans un article sur l'affaire du Parisien, des noms de responsables syndicaux sont caviardés sur ordre du syndicat CGT du Livre, déclare la direction de l'hebdomadaire, qui porte plainte.

Conflits

Ces difficultés, à l'intérieur même du système, viennent s'ajouter à celles que connaissait déjà la presse : conflits à propos des ventes d'actions, récession dans le personnel.