Une élégante hypothèse a été avancée pour expliquer ces variations. Par sa teneur en oligoéléments, l'eau de boisson aurait une influence sur le taux de mortalité cardio-vasculaire. Dans les régions où l'eau est « dure », c'est-à-dire riche en oligoéléments (calcium, magnésium, chrome, zinc, etc.), l'incidence des maladies coronariennes est plus faible que dans celles où elle est « douce », c'est-à-dire pauvre en oligoéléments.

Or les sols géologiquement très anciens contiennent peu d'oligo-éléments et leur eau est relativement douce : cela expliquerait la surmortalité cardio-vasculaire dans les zones de roches anciennes, comme la Scandinavie ou le nord du Royaume-Uni.

Prévention

Si intéressantes que soient ces considérations, elles ne font pas oublier aux congressistes de Buenos Aires les objectifs de la prévention. La guerre contre le tabagisme se poursuit, malgré un combat retardateur du docteur Finn Gyntelberg (hôpital Bispenbjerg, Copenhague) qui, se fondant sur les performances de 5 200 patients, affirme que les fumeurs, sans doute sous « un effet stimulant » du tabac, sont mieux disposés à l'effort que les non-fumeurs ! Pareille hérésie vaut au médecin danois une réplique de son confrère suédois Calle Bengtsson (Göteborg). Il produit une enquête portant sur près de 2 000 femmes, d'où il résulte que 80 % des femmes ayant présenté un infarctus du myocarde sont des fumeuses, alors que ces dernières ne sont que 38 % dans la population courante. Le mécanisme par lequel le tabac facilite l'apparition de la maladie coronarienne commence à être connu : il augmenterait l'action hypertensive de l'adrénaline, en libérant une plus grande quantité de celle-ci par activation des glandes surrénales (professeur G. Faivre, Nancy).

Cela posé, tant qu'on ne disposera pas de médicaments capables d'éviter l'athérosclérose, seul le dépistage précoce, notamment dans les familles à haut risque, c'est-à-dire chez les sujets prédisposés par hérédité, permettra de limiter les ravages. Et, en tout état de cause, le commun des mortels devrait, à partir de trente ans, se soumettre à des bilans cardiaques réguliers de façon à assurer le diagnostic.

Sur le plan pharmacologique, les congressistes de Buenos Aires n'enregistrent pas de nouveautés ; les traitements classiques des maladies cardio-vasculaires ne subissent pas de modifications profondes et, s'il reste encore des divergences d'appréciation sur la conduite de certains d'entre eux, la thérapeutique par anticoagulants notamment, l'accord se fait sur les méthodes actuelles de traitement des troubles du rythme ou de la conduction.

Stimulateurs

Pour certains troubles du rythme, le docteur Paul Laurens (hôpital Broussais, Paris) fait le point sur les stimulateurs cardiaques à isotopes. Un millier fonctionnent déjà dans le monde, et l'on peut envisager leur avenir avec confiance. Pour le docteur Laurens, la construction d'une pile pouvant durer plusieurs dizaines d'années est réalisable immédiatement. Ce stimulateur « à vie » pourrait être implanté chez les malades jeunes et ne plus être rechargé pendant leur existence. Reste cependant à régler le problème des électrodes qui, elles, risquent de s'user plus vite que la source d'énergie.

Chirurgie

Les nouvelles statistiques sur le pontage coronarien présentées à Buenos Aires montrent que, dans le cas d'une intervention bien faite, il y a de grandes chances pour qu'après cinq ans 75 à 80 % des greffons restent perméables si l'indication est bien posée et quand les lésions ne sont pas trop étendues (professeur J.-P. Binet). Cette confirmation de la valeur de la méthode tend à diminuer la pertinence de certaines critiques qui lui ont été opposées en 1973-1974.

Enfin, dans la chirurgie de remplacement des valvules à l'intérieur du cœur, un chirurgien de São Paulo, le professeur Zerbini, a présenté les premiers résultats d'ensemble de l'implantation de valves en dure-mère (l'enveloppe externe du cerveau et de la moelle épinière) prélevée sur des cadavres. Ces reconstructions diminuent considérablement le risque thromboembolique, assez fréquemment observé chez les patients porteurs de valves en matière plastique. Il faut signaler que si les valves fabriquées à partir d'un fragment tissulaire provenant du patient lui-même sont abandonnées, les valvules d'origine animale (le porc en particulier) sont encore utilisées. Mais, pour le professeur Zerbini, les valvules en dure-mère sont supérieures, en raison de la résistance du tissu employé, de la possibilité qu'il y a de le « tailler à la mesure » et aussi de son excellente tolérance : inerte sur le plan immunologique, la dure-mère n'est pas rejetée par l'organisme du receveur.

Deux cœurs pour un patient

Le fossé continue de se creuser entre les quelques rares chirurgiens qui tentent encore les transplantations cardiaques (Shumway aux États-Unis, Guilmet et Cabrol en France) et la majorité silencieuse qui les a abandonnées. Pour les premiers, cette chirurgie constitue la dernière chance accordée à des malades irrémédiablement condamnés. Les statistiques de Shumway, portant sur 80 transplantations, montrent qu'un greffé sur deux passe le cap de la première année de survie, un sur trois celui de la deuxième année et un sur quatre celui de la troisième année, leurs conditions d'existence étant voisines de la normale. Les seconds estiment au contraire que cette chirurgie d'exception ne pourra entrer dans la routine que lorsque le problème de rejet du greffon aura été résolu, ce que de récents travaux immunologiques permettent d'entrevoir. Aussi est-ce avec un certain scepticisme que la plupart des chirurgiens ont considéré les nouvelles tentatives du professeur Barnard. Il a procédé, au Cap, à deux transplantations cardiaques d'un genre nouveau (23 novembre 1974, 1er janvier 1975). Le receveur a conservé son cœur malade, un second cœur greffé servant d'organe d'assistance permanent. Presque au même moment, Lewis Russell meurt à Indianapolis (28 novembre 1974), après avoir vécu pendant six ans et quatre mois, et le Français Emmanuel Vitria entre, lui, dans sa septième année de survie.

Cancer : le Congrès de Florence

Le Congrès mondial du cancer est considéré comme l'un des carrefours multidisciplinaires les plus importants dans l'étude des maladies cancéreuses. Après Moscou (1962), Tokyo (1966) et Houston (1970), Florence (20 au 26 octobre 1974) ne manque pas à la règle. De l'avis de beaucoup de spécialistes qui en ont suivi les débats (disséminés dans les 150 tables rondes, les conférences, les symposiums qui, outre Florence, se déroulent simultanément à Sienne, Pise, Lucca, Montecatini et Pérouse), le XIe Congrès se révèle très riche d'enseignements, tant dans la détermination ou la confirmation des grandes lignes de force de la cancérologie actuelle que dans l'appréciation de l'importance de certains points d'impact privilégiés de la maladie.

Deux équipes de pointe : Jacob-Fauve, Gallo-Gallagher

Robert Fauve et François Jacob (prix Nobel) présentent devant l'Académie des sciences américaine, fin 1974, des travaux d'où il ressort que les cellules cancéreuses ont le pouvoir d'inhiber, à leur contact ou à très courte distance, les défenses cellulaires de l'organisme, dont la fonction est d'attaquer et de détruire tout tissu ou cellules reconnus comme étrangers. Les cellules cancéreuses produiraient une substance qui leur permettrait de geler ces défenses naturelles. Si cette découverte fondamentale est vérifiée par d'autres équipes, elle pourra théoriquement déboucher sur la mise au point d'une méthode capable de bloquer l'action de cette substance inhibitrice ou, mieux encore, sa production par les cellules cancéreuses. Ceci permettrait donc à l'organisme d'attaquer puis de rejeter les tumeurs malignes.