Ainsi, certaines ordonnances ne sont pas exécutées totalement, et d'autres doivent être renouvelées. Il y a, plus souvent qu'on ne le croit, un mauvais usage du médicament ; par exemple, lorsque le malade ne suit pas la prescription et, selon les cas, décide soit de prendre la moitié seulement des doses prescrites, soit le double de la dose indiquée. Reste alors le problème de la pathologie iatrogène, lorsque le médicament qui doit guérir une maladie A provoque chez le malade l'apparition de troubles B et C, ou déclenche chez lui un syndrome D qui ne cessera qu'avec l'abstention de la prise du médicament. Mais comment soigner la maladie A, si le médicament efficace contre elle est préjudiciable au malade ? Ce risque quotidien fait partie de l'exercice de la médecine, et son calcul est un geste intellectuel quasi routinier où le médecin doit mettre en balance l'action qu'il attend du médicament et le danger éventuel qu'il peut faire courir au malade. Les accidents thérapeutiques constituent la rançon des bienfaits apportés par les médicaments. À l'heure actuelle, tout un secteur de la médecine est consacré à cette pathologie. Soigner un accident thérapeutique est toujours possible ; le prévenir est souvent difficile.

Information

Les thèmes de l'anti-médecine, malgré leur outrance polémique et leur coloration politique, comportent un élément positif. Ils obligent l'homme à repenser l'acte médical dans sa globalité. Il y a, certes, le rapport médecin-malade, qui reste celui d'une conscience avec une confiance. Mais, par-delà ce rapport, le poids socio-économique des dépenses de santé, phénomène du xxe siècle, impose sans doute une révision de certaines notions. Il serait nécessaire, tout le monde en convient, de mieux informer les médecins et le public, mais aussi de démystifier certaines maladies : la fatigue, l'insomnie, le nervosisme, le stress de la vie moderne, la dépression qui sont en passe d'imposer leur tyrannie à l'homme, enclin à trouver dans des drogues la solution de ses problèmes plutôt qu'à rechercher en lui-même les réactions nécessaires pour rétablir son équilibre.

L'antimédecine, réaction contre une médecine trop uniquement technique et expression d'une peur ancestrale des remèdes jadis préparés par les prêtres et les sorciers, est aujourd'hui un phénomène qui sera peut-être capable d'améliorer la médecine de demain. Elle pose certains faux problèmes qui, le cas échéant, nous aideront à trouver des solutions à des situations parfois vraiment dramatiques. En ce sens, elle n'aura pas été totalement inutile.

Maladies cardio-vasculaires : d'abord prévenir

Pendant une semaine (1er au 7 septembre 1974) le VIIe Congrès mondial de cardiologie rassemble, dans 25 salles des deux plus grands palaces de Buenos Aires, près de 5 000 spécialistes venus de 80 pays.

Vu de l'extérieur, le congrès n'est certes pas marqué par la révélation de procédés de diagnostic ou de traitements révolutionnaires. On vit cependant une époque où les maladies cardio-vasculaires constituent le fléau pathologique numéro un de l'humanité : en France, elles tuent deux fois plus que le cancer, la tuberculose et les accidents de la route réunis. Le congrès permet toutefois de préciser que, pour des années encore, les grandes options de la cardiologie mondiale continueront d'être axées sur la prévention. Elle aura d'autant plus de chances de se révéler efficace que le public aura davantage pris conscience de sa nécessité, s'il ne veut pas s'attendre « à voir la cardiopathie coronarienne prendre les proportions d'une des plus désastreuses épidémies que l'humanité ait connues », selon les termes d'un récent rapport d'experts de l'OMS.

Profil du cardiaque

Aux six facteurs de risque de la maladie coronarienne (hypertension artérielle, excès de cholestérol, consommation de tabac, obésité, sédentarité, diabète), il convient d'en ajouter un septième, celui du caractère et du comportement. Telle est, en substance, la thèse que soutient, après d'autres chercheurs allemands et américains, le professeur André Jouve devant l'Académie nationale de médecine, le 16 avril 1974. Certaines personnalités sont « prédisposées » aux coronaropathies. Sommairement, ce sont les sujets que les spécialistes américains, Friedman et Rosenman, appellent les perfectionnistes, tendus vers un but dont rien ne peut les détourner, plus actifs et plus énergiques au travail que la moyenne des sujets comparables. Plusieurs enquêtes du professeur Jouve ont confirmé cette notion. En comparant 100 sujets masculins souffrant d'une maladie coronarienne et 100 autres tirés au sort, d'âge et de niveau social correspondants, on a trouvé une différence hautement significative parmi les sujets atteints d'une névrose obsessionnelle grave.

Géographie

Que tout ait été dit et redit sur les facteurs du risque de la maladie coronarienne, les spécialistes en conviennent volontiers. Dans la formation de ces plaques athéromateuses qui font obstacle à l'irrigation sanguine du cœur trois facteurs dominent : hypertension artérielle, tabac, excès de cholestérol ; trois autres facteurs – obésité, diabète, manque d'exercice – sont plutôt considérés comme adjuvants. Cependant, sur un même continent, on constate de surprenantes inégalités : la Finlande, l'Irlande et le nord de l'Angleterre paient à la maladie coronarienne le tribut le plus élevé, tandis que son incidence est sensiblement moindre en Allemagne et encore un peu plus faible en France. Dans l'Hexagone même, les régions à très hautes fréquences d'infarctus se situent au nord et à l'est.