Tous ces jeunes gens, et même leurs aînés, comme A. Vitez, professent des opinions progressistes dont la trace n'est pas réellement sensible dans leurs spectacles. On pourrait même les accuser d'un certain esthétisme élitaire et décadent, si intellectuel qu'il en devient parfois obscur au profane, tant les références à la culture s'y multiplient. D'autres, cependant, maintiennent la tradition brechtienne du théâtre engagé, didactique et populaire.

Réalisme

C'est le cas de Jacques Lassalle, par exemple, qui crée une œuvre d'un réalisme très émouvant (Un couple pour l'hiver), ou celui de Mehmet Ulusoy, dont la version grandiose et dépouillée du Cercle de craie caucasien rencontre un vif succès à Saint-Denis et dans plusieurs centres dramatiques de province. C'est également la politique défendue par Jacques Sobel à Gennevilliers, quoique cet homme de théâtre très rigoureux commence à mettre un peu plus de tendresse et d'humanité dans ses réalisations, sans renoncer, bien entendu, au sérieux de ses analyses.

Dans Marie, une pièce d'Isaac Babel qui n'avait encore jamais été créée en France, il montre qu'on peut harmonieusement marier, puisque c'est l'esprit de l'œuvre, la compréhension nostalgique d'un certain passé et l'espoir militant d'un avenir plus juste.

Dans l'ensemble, il faut le dire, le théâtre qui se fait dans les petites salles de banlieue, dans les cafés-théâtres (où il se teinte souvent d'une contestation goguenarde, un peu anarchisante), dans les festivals (celui d'Avignon en particulier, où l'off gagne du terrain sur la sélection officielle) exploite avec moins de délicatesse les thèmes du combat social ou de la révolte politique.

Il se crée même, à la fin, une certaine lassitude devant ce conformisme généralisé des bons sentiments de gauche, qui cache peut-être une forme d'impuissance, voire de désintérêt devant l'action réelle, comme si la représentation dramatique des conflits mais aussi des problèmes de notre temps suffisait à les résoudre, simplement par exorcisme.

Exorcisme

Ce phénomène est d'ailleurs mondial, ainsi qu'on peut le constater au festival de Nancy, où se sont retrouvées une quarantaine de troupes, venues de tous les horizons. Celles qui sont originaires des pays occidentaux sont les plus violemment engagées, alors que les groupes des pays de l'Est s'échappent plutôt vers un idéalisme presque mystique. Le phénomène compensatoire est frappant, et c'est probablement une des nouvelles fonctions du théâtre d'aujourd'hui.

Cependant, et le fait a valeur de symbole, l'événement du festival, la découverte la plus originale, on la doit à un jeune Américain de vingt-six ans, Robert Anton, qui montre des marionnettes de sa façon dans le petit grenier d'une maisonnette, aux environs de Nancy. Un spectacle fascinant, où les fantasmes d'un individu suffisent à passionner les quelque dix-huit personnes admises chaque soir en ce lieu silencieux, hors du temps.

Revanche exemplaire d'un art pur, quand une sincérité profonde atteint à l'universel ; autre voie, parallèle, presque clandestine, autre exorcisme. Marx et Freud, comme dans d'autres disciplines, voici sans doute les deux divinités tutélaires du théâtre d'à présent. Est-ce un changement, pour revenir au refrain du jour ?

Cinéma

Violence, érotisme, catastrophes et politique, le film se conjugue au présent

Le monde du cinéma est en effervescence : la concurrence de la télévision, qui programme sur ses trois chaînes beaucoup plus de films qu'auparavant, suscite d'ardentes polémiques. Producteurs, distributeurs, réalisateurs jettent un cri d'alarme. Michel Guy, secrétaire d'État à la Culture, présente un plan de réforme et parle d'année charnière. Ces remous n'entraînent cependant pas une baisse du taux de fréquentation.

Plusieurs films obtiennent des recettes record, et le nombre de premières œuvres (en progression) témoigne de la vitalité du cinéma. Crise ? Peut-être au niveau des mécanismes économiques qui, là comme ailleurs, se grippent, mais non, si l'on en juge par les résultats de l'année, en matière de production.