Dans le deuxième courant, soutenu par des publics à la fois (ou tantôt) fidèles, nombreux, attentifs et conscients, on note toujours les noms de Catherine Ribeiro, grande prêtresse de la pop chanson moderne (à présent séparée de Alpes), et de Colette Magny (à présent séparée de Beb Guérin), qui suit avec chaleur (et quelle voix !) sa ligne de politico-blueswoman française. Ces deux femmes, en compagnie de Toto Bissainthe, ont fait l'objet d'un spectacle en création commune lors du dernier Sigmachanson de Bordeaux, en novembre 1974.

L'un des chanteurs les plus injustement marginaux est sans doute Jacques Bertin, dont le chant humain, simple et poétique, parfois politique, devrait finir par enfoncer de bien artificielles barrières. Il est l'objet, en juin, d'une Radioscopie de Jacques Chancel sur France-Inter.

C'est aussi Julos Beaucerne, Wallon qui chante la tendresse et l'écologie avec autant de finesse que de cœur. C'est François Béranger qui prend, au disque et à la scène, une dimension impressionnante supplémentaire avec l'aide de ses nouveaux musiciens dirigés par Jean-Pierre Alarcen. C'est encore Gilles Elbaz, Bernard Lavilliers, Dominique Montain, Claire, Jacques Barthès, Luc Roman, Pierre Akendengué, Michel Corringe, Jack Treese... et tant d'autres !

Jazz et pop

Une nouvelle dimension avec le jeune public de province

Les promoteurs de tournées semblent avoir enfin réalisé l'importance du jeune public français, non seulement à Paris, mais dans toutes les grandes villes de province. Les vedettes internationales se sont longtemps contentées de passer dans les music-halls les plus connus de la capitale. Aujourd'hui c'en est fini, et, à de rares exceptions près, la France tout entière reçoit les grands noms de la pop music et du jazz.

Les managers et les sociétés de disques qui soutiennent ces artistes ont très vite compris tout le parti qu'ils pourraient tirer de ce nouveau débouché. Ils trouvent en Europe, et plus particulièrement en France, des circuits encore vierges qu'ils peuvent explorer à loisir.

Le public bénéficie d'une activité culturelle qui était jusqu'à présent assez limitée ; ceci modifie un certain nombre d'attitudes sociales, transforme la mentalité collective et rompt l'isolement de la province.

Aussi plaisant soit-il pour les jeunes oreilles, ce système souffre de quelques défauts. Le plus grave étant l'omniprésence des groupes et des chanteurs anglo-saxons, qui s'imposent souvent au détriment des artistes locaux.

Le public consacre ce qu'on lui présente ; il ignore le reste. La politique des managers étant axée presque uniquement sur les artistes d'origine anglaise ou américaine (parfois allemande), des musiciens français de grande valeur restent dans l'ombre ou se contentent de ce que les autres ne veulent pas : les galas sans importance et les salles de 200 places. Tôt ou tard, les difficultés financières surviennent ; les groupes éclatent, puis disparaissent, n'ayant jamais la force de tenir jusqu'à l'éclosion d'une musique originale.

Influence

Magma est la formation française la plus importante, l'une des plus anciennes aussi. C'est pratiquement le seul groupe à avoir reçu une consécration internationale, avec de nombreuses tournées en Angleterre.

Nantis d'un excellent manager (celui-là même qui a découvert les Rolling Stones), les musiciens du Magma ont exploré méthodiquement depuis quatre ans tous les recoins de la France, recueillant les faveurs d'un très large public à qui ils présentent pourtant une œuvre difficile, qui s'inspire volontiers des maîtres contemporains comme Stravinsky, Boulez, John Coltrane.

Isolé par l'originalité de son propos, Magma a progressivement conquis de nombreux musiciens et tracé des voies sur lesquelles tous s'engagent aujourd'hui. Il en est ainsi du groupe Zao, dont le fondateur, le pianiste François Cahen, fut quelque temps un musicien de Magma. Même référence aux classiques européens en même temps qu'au jazz, même désir de se particulariser par rapport à l'ensemble de la pop anglo-saxonne.