Consommation

Timides mesures de protection et d'information des acheteurs

Les consommateurs français ont paru se réveiller. Brusquement, un intérêt tout neuf les a saisis pour les objets familiers qui les entourent.

Premier Salon international de l'information, de la protection et de la défense du consommateur, Consommateurs 72 s'est tenu à Paris du 5 au 9 octobre et a connu un succès inespéré ; 150 000 personnes environ se sont pressées jour après jour devant les stands qui parlaient de publicité mensongère, de démarchage à domicile, d'étiquetage d'information, de composition des produits alimentaires ou cosmétiques, alors que dehors un soleil encore chaud faisait croire à l'été et incitait à la promenade.

Catalyseur

La malheureuse affaire du talc Morhange n'était certes pas étrangère à cette prise de conscience. Quoi ! L'on pouvait voir son enfant mourir parce qu'on avait voulu qu'il sente bon le propre !

Une suspicion toute nouvelle entourait nombre de produits utilisés journellement, et l'on se mettait à scruter attentivement des étiquettes familières mais jamais lues. Certains, croyant bien faire, recherchaient les produits dits naturels, qui, la plupart du temps, ne sont pas plus sains que les autres... Avec le recul, on a plutôt l'impression que l'affaire du talc a joué le rôle de catalyseur : la mort, en 1962, de 73 bébés que l'on avait talqués avec la poudre Baumol (un talc encore, mais muni celui-là d'un visa pharmaceutique) avait vite été rangée par le grand public dans la catégorie des accidents mortels scandaleux, mais sur lesquels on ne peut avoir aucune influence réelle. Aucune prise de conscience collective des consommateurs ne s'en était suivie. De la même façon, le mouvement ne va pas assez loin pour que les Français devant la perpétuelle hausse des prix, se sentent prêts à boycotter tel produit ou tel magasin : aucune organisation de consommateurs ne se risquerait actuellement à lancer un tel mot d'ordre, de peur de n'être pas suivie. Et l'insuffisance des baisses de prix engendrées par la diminution des taux de TVA n'a provoqué aucun remous.

Si les tirages des deux principales revues spécialisées atteignent pour chacune 200 000 exemplaires, c'est que le consumerism traduit sans doute un moment de la civilisation, celui où les marchandises standardisées, que la publicité a de plus en plus de mal à différencier, s'entassent en montagnes dans les hypermarchés : celui où l'acheteur ignore tout du produit qu'il acquiert, celui où les boîtes aux lettres s'emplissent de prospectus personnalisés offrant livres, charcuterie fine, vêtements d'enfants ou séances chez le coiffeur, celui où l'acquisition d'un appareil relève un peu de la loterie, tant on craint de tomber sur un mauvais numéro, mouton noir d'une fabrication de série.

Mesures

Consommateurs 72 a cependant marqué une étape par le retentissement qu'il a eu dans l'opinion. De nombreux responsables étrangers de la défense des consommateurs sont venus parler des expériences menées dans leur pays : Ralph Nader, bien sûr, l'avocat américain « qui-a-fait-plier-General Motors », mais aussi Sven Heurgren, l'ombudsman suédois, Miss Eirlys Roberts, l'une des fondatrices de Which ? en Grande-Bretagne, M. Ramaekers, du mouvement coopératif belge, Mlle Jaggi, de la Fédération romande des consommatrices en Suisse.

Autre fait symptomatique : Valéry Giscard d'Estaing, ministre de l'Économie et des Finances, avait tenu à inaugurer ce Salon et à y annoncer toute une cascade de mesures en faveur des consommateurs ; en période préélectorale, c'était de bonne guerre, mais ce souci ne fut sans doute pas le seul.

Dans les mois qui suivirent, un certain nombre de textes, qui stagnaient depuis de longs mois, et même de longues années, dans les tiroirs poussiéreux des ministères, virent le jour :
– la loi sur le démarchage à domicile. À dater du 1er juillet 1973, le vendeur au porte-à-porte devra remettre à son client un contrat clair, portant les nom et adresse des fournisseurs, les conditions réelles de vente (taux véritable du crédit et date de livraison, par exemple) et les droits de l'acheteur. Celui-ci n'aura en aucun cas à verser d'argent et aura une semaine pour se raviser, même s'il a signé un bon de commande ;
– le décret sur l'étiquetage des produits alimentaires préemballés. Les étiquettes (obligatoires à partir de fin octobre 1973) devront mentionner l'origine du produit, le nom exact du fabricant, sa composition, la dote limite de conservation si le produit est altérable, etc. ;
– le décret sur l'étiquetage des huiles. L'huile supérieure et l'huile de table vont disparaître des rayons des boutiques. Il y aura, à la fin de 1973, quatre sortes d'huiles : les huiles vierges (d'olive par exemple) obtenues à partir d'un fruit ou d'une graine par un procédé mécanique ; les « huiles de ... » (tournesol, soja, arachide) obtenues par raffinage ou par un procédé autorisé ; les huiles végétales pour friture et assaisonnement ; les huiles végétales pour assaisonnement, réservées aux salades et aux préparations à froid. Les étiquettes devront comporter une représentation graphique de la composition du mélange et la liste des substances chimiques employées.

Étiquetage des produits alimentaires

L'information du consommateur commence, en France, à devenir de règle. Par décret du 14 octobre 1972, l'étiquetage des produits alimentaires et des boissons préemballées devient obligatoire.