En novembre, dix-sept sociétés écologiques rédigent une Charte de la nature qui, en mars, avait déjà recueilli plus de 150 000 signatures. Elle propose notamment des restrictions à l'urbanisation ; le cœur des villes sera aménagé pour les piétons ; un tiers au moins du littoral sera gardé à l'état naturel. La plupart des partis et des syndicats approuvent ces propositions, de même, en principe, que les candidats aux élections législatives sollicités, au cours de la campagne électorale, de prendre position sur ces problèmes.

Le thème quasi obsessionnel de la protection de la nature trouve un large écho dans des milieux idéologiques divers, et notamment dans des courants gauchistes issus de mai 1968. Il suscite la naissance de journaux spécialisés, aux titres significatifs, comme les mensuels La gueule ouverte ou Le sauvage. Le mouvement en faveur de l'agriculture biologique récuse l'emploi des engrais chimiques et des pesticides. Il est vivement contesté par les agronomes professionnels, qui le jugent utopique, mais aussi récupéré par des sociétés qui se chargent de vendre du matériel spécialisé aux agriculteurs convertis à ce nouveau mode d'exploitation et de commercialiser leurs produits, vendus au consommateur un peu plus cher que ceux de l'agriculture courante.

Recherches

L'impression générale, chez la plupart des scientifiques, est qu'une défense efficace de l'environnement implique des choix sociaux. Dans bien des cas, des intérêts particuliers, ceux d'une usine par exemple, s'opposent à l'intérêt collectif, et il s'agit de faire céder les premiers. Plusieurs condamnations retentissantes, notamment au Japon et en Allemagne fédérale, ont montré aux firmes privées qu'elles ne pouvaient plus polluer impunément les airs ou les eaux. Une coopération internationale apparaît nécessaire. La conférence des pays membres du Conseil de l'Europe, qui s'est tenue à Vienne au mois de mars, met l'accent sur la nécessité d'une telle coordination. Dès janvier, un Centre mondial d'information et de recherches appliquées aux nuisances urbaines s'ouvre à Saint-Étienne. Il est financé en partie par l'ONU.

Plusieurs affaires mettent en relief l'aspect mondial des problèmes de pollution : déversement des boues rouges, créant un différend franco-italien ; construction par le Brésil de la grande route transamazonienne, qui peut avoir des incidences sur le climat terrestre ; et même écocide accompli par les bombardements américains en Indochine, cas extrême des répercussions écologiques d'un conflit international.

Les recherches fondamentales tendent à se concerter d'un pays à l'autre. En février, un certificat d'écologie humaine est créé en commun par les universités de Paris-V et de Genève ; il est destiné à être étendu à d'autres universités européennes. À Metz, le professeur Jean-Marie Pelt fonde un Institut européen d'écologie, avec l'appui de l'Université et de la municipalité.

Mise en cause, parfois injustement, la technologie riposte en proposant des techniques antipollution. En Chine populaire, les déchets industriels deviennent une matière première, grâce à la récupération du cuivre, du plomb, du zinc. À l'heure actuelle, ces techniques sont à l'étude en France.

Au-delà de toutes ces initiatives, c'est le devenir de l'humanité qui est en cause. Après les cris d'alarme relatifs à l'épuisement des matières minérales lancés par le Club de Rome, des études semblables sont poursuivies à Paris par un cercle dont fait partie le sociologue Edgar Morin. Le problème de la lutte au coup par coup contre la pollution est ici dépassé par des préoccupations à plus long terme, comme le montre la création à Paris, en mai 1973, d'un poste de chargé de mission aux problèmes de civilisation et des conditions de vie, directement rattaché à la présidence de la République.

La technologie douce : espoir ou utopie ?

Inspirées par des champions de la protection de l'environnement, dont l'écrivain britannique Robin Clarke, des Communautés de recherche biotechnique se proposent d'expérimenter la possibilité, pour de petits groupes sociaux, de conserver un niveau de vie assez élevé tout en renonçant aux techniques modernes polluantes et destructrices. Le premier établissement de ce genre s'installe dans une ferme de 17 hectares du pays de Galles.

Primitivisme

Depuis quelques années se multiplient, aux États-Unis surtout, des mouvements se réclamant d'un style de vie qui rejette aussi bien les acquis de la civilisation industrielle que les interdits moraux des cultures occidentales. Les nouvelles communautés désavouent le primitivisme de ces tentatives qui ont généralement échoué ou qui, lorsqu'elles durent, le font en parasites de la société qu'elles prétendent dénoncer. La solution, selon Robin Clarke, n'est pas dans la renonciation au progrès, mais dans la recherche d'une soft technology, d'une technologie douce.