Pour définir celle-ci, il suffit de prendre le contre-pied des caractéristiques que les écologistes reprochent a l'industrie des nations avancées :
– elle épuise les ressources naturelles ;
– elle dégrade l'environnement ;
– elle concentre l'humanité dans des agglomérations surpeuplées.

Autarcie

Pour satisfaire aux deux premiers points, il conviendrait de renoncer aux sources d'énergie non renouvelables (pétrole, charbon) ou polluantes (énergie nucléaire), et de ne plus rejeter dans la nature des sous-produits non dégradables, tels que les matières plastiques ou les pesticides. Le combustible de base serait le bois, dont on limiterait la consommation à la capacité de renouvellement des forêts, ou encore le méthane issu de la décomposition du fumier. On utiliserait largement l'énergie solaire et les éoliennes.

Pour les vêtements, on emploierait surtout le coton et la laine, et, pour la construction, la brique et le verre. Le moyen de transport privilégié serait bien entendu la bicyclette ou la voiture hippomobile. Ainsi vivrait-on sans détruire l'environnement et sans entamer le capital des générations futures. Une telle économie exigerait la transformation préalable des structures sociales et politiques : à la tendance centralisatrice actuelle serait substitué l'éparpillement de la population en petites communautés à peu près autarciques, n'employant que des systèmes mécaniques simples et des techniques de recyclage. Du coup disparaîtrait le milieu urbain engendré par l'industrialisation moderne.

Les communautés en voie de constitution n'ont pas seulement pour but de montrer la voie : elles constituent des bancs d'essai pour la mise au point de la technologie douce. Les promoteurs des communautés de recherche biotechnique ne paraissent pas avoir beaucoup étudié les moyens politiques de réaliser leur projet. Quelle force sociale, quel État pourrait imposer un renversement cap pour cap des courants qui semblent être dans la nature même des sociétés modernes ?

Aussi peut-on penser que leurs communautés connaîtront assez vite le sort des phalanstères créés au siècle dernier par les pionniers du socialisme utopique. Cependant, les principes essentiels de la technologie douce sont bien loin d'être écartés par les écologistes et semblent même, sur certains points, recevoir un commencement de réalisation.

Déchets

La loi imposant aux lessives un minimum de 80 % de produits biodégradables a été progressivement appliquée en France au cours de l'année 1972. Une usine pilote va expérimenter une méthode de recyclage total des ordures ménagères, par production de méthane et récupération des composants métalliques.

La réutilisation des déchets industriels ou ménagers est étudiée dans des laboratoires spécialisés de divers pays et fait l'objet de prises de brevets.

Des botanistes soviétiques ont sélectionné des espèces végétales capables de se développer sur les boues rejetées par les usines d'aluminium. On sait que le déversement de déchets du même genre en Méditerranée, par une usine italienne, a provoqué un vif mécontentent en Corse. Sur les boues rouges d'une usine de l'Oural, répandues à la surface de sols non exploités, on a réussi à faire croître des variétés de chiendent et de luzerne.

Interdictions

Une loi américaine ayant interdit récemment le rejet en mer des carapaces de crustacés par les fabricants de conserves, les chercheurs de l'université de Washington ont mis au point toute une gamme d'utilisations industrielles de la chitine, principal composant de ces déchets : elles vont de la fabrication d'additifs pour le papier journal ou les aliments des bébés à celle de films ou d'adhésifs, en passant par divers composés pharmaceutiques. Les débris de chair récupérés sur les carapaces avant traitement sont transformés en concentrés de protéines.

Une autre loi américaine prévoit l'interdiction complète, à partir de 1985, de tout rejet de déchets industriels dans les cours d'eau. Les usines devront recycler les eaux usées.

Coût

L'adoption, volontaire ou imposée, de techniques non polluantes se traduira nécessairement dans de nombreuses industries par une augmentation du prix de revient des produits, calculé selon les conceptions traditionnelles. Mais la notion nouvelle de coût écologique modifierait les évaluations. Elle ne pourrait, semble-t-il, entrer dans la pratique que sous l'empire de législations nationales et internationales contraignantes, et serait donc (contrairement aux vues des tenants des communautés autarciques) l'œuvre de structures politiques centralisées.

L'air se porte mal

En France, l'air se porte mal. À Mireuil (Charente-Maritime), par vent d'est, une épaisse nappe sulfureuse s'abat directement sur la nouvelle ville. À Pont-de-l'Arche, dans l'Eure, une fabrique de pâte à papier émet du gaz méthyl-métartran qui se répand dans toute la région. À Lyon, une raffinerie déverse nuit et jour odeurs et fumées, une autre, des émanations de gaz sulfureux, transformé en acide par l'humidité de l'air.

Bilan

Quelques rapports officiels et optimistes avaient pu, en 1972, laisser croire aux Français que l'air qu'ils respirent n'était pas aussi nocif qu'on le pense. « Moins de soufre et de fumées depuis dix-sept ans dans l'air de Paris », avait déclaré le ministère de l'Environnement. Un autre bilan précisait : 40 % de moins de pollutions dues aux installations de combustion, tant en ce qui concerne les fumées noires que l'acidité de l'air.