À chaque plongée de chacun de ces trois engins participeront un ou deux scientifiques. Ces spécialistes pourront voir de leurs yeux une des zones majeures de notre globe en perpétuelle évolution, et choisir les sites de prélèvement d'échantillons et de pose des instruments de mesure dont les situations seront connues par référence aux transpondeurs du fond et au satellite de navigation Transit.

La matière

Physique

Les énigmes du proton et de l'antiproton

Inaugurés en juillet 1971 (Journal de l'année 1971-1972), les anneaux de stockage à intersections (ISR) de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) n'ont pas tardé à apporter des surprises aux physiciens, en les conduisant à réviser leurs idées sur les dimensions du proton et sur certaines particularités de l'antimatière.

Les dimensions géométriques des particules élémentaires ne peuvent être directement mesurées ; la notion même de dimension, à ce niveau de la matière, appelle une discussion. Ce que les expériences permettent de connaître, c'est la région d'espace à l'intérieur de laquelle une particule interagit avec une autre : deux protons interagissent lorsqu'ils se rapprochent suffisamment pour que leurs régions d'influence s'interpénétrent.

Lorsque deux protons vont à la rencontre l'un de l'autre, la zone d'interaction est une surface en forme de disque, appelée section efficace totale.

Constante

Les expériences menées jusqu'ici montraient que cette section efficace totale atteint un maximum pour des protons animés d'une énergie de 2 GeV (milliards d'électrons-volts), puis qu'elle décroît régulièrement à mesure que l'énergie augmente, pour atteindre une valeur à peu près constante entre 10 et 70 GeV. Cette dernière valeur représente approximativement l'énergie la plus élevée disponible en 1972, grâce à l'accélérateur de Serpoukhov.

La plupart des théoriciens prédirent alors que la section efficace du proton ne varierait pratiquement plus, quelles que soient les énergies atteintes : au-delà d'une certaine énergie, la longueur d'onde associée au proton devenait plus petite que la dimension physique du proton, et ne pouvait donc plus affecter la section efficace, qui resterait égale à la dimension physique.

C'est cette prédiction que les expériences réalisées au début de 1973 avec les ISR (où les protons lancés les uns contre les autres donnent des réactions équivalentes à celles que produirait un accélérateur de 2 000 GeV) sont venues démentir. Elles ont montré qu'au-dessus de 100 GeV la section efficace totale augmente d'une manière régulière en fonction de l'énergie.

Si on voulait l'identifier à la section physique du proton, on pourrait dire que celui-ci se comporte comme une particule qui, au-delà d'une certaine vitesse, grossit lorsqu'elle va encore plus vite. Pour les théoriciens, le problème posé est celui de la nature exacte de l'interaction forte entre deux protons, au sujet de laquelle diverses hypothèses existent.

Annihilation

La découverte du comportement inattendu du proton aux très hautes énergies a également jeté le doute sur un principe important de la physique des particules, le théorème de Pomerantchouk. Il concerne la réaction matière-antimatière, et notamment la réaction proton-antiproton.

Aux basses énergies, la section efficace totale, dans une rencontre proton-antiproton, est beaucoup plus grande que la section efficace proton-proton, en raison de la possibilité d'une réaction d'annihilation des deux particules. Le théorème de Pomerantchouk admet qu'aux énergies très élevées la propriété d'annihilation perd de son importance et qu'en conséquence les deux sections efficaces se rapprochent pour devenir, en fait, pratiquement identiques.

Jusqu'en 1972 l'expérience confirmait le théorème. Les courbes exprimant la variation des deux sections efficaces en fonction de l'énergie se rapprochaient et semblaient devoir se rejoindre aux environs de 100 GeV.

Or, on sait maintenant qu'au-delà de 100 GeV la courbe de la section efficace proton-proton se met à remonter. Pour que la courbe de la section efficace proton-antiproton, dont la pente descendante est très rapide dans cette région du spectre d'énergie, se confonde avec la précédente, il faudrait qu'elle opère un brusque redressement en U. Sinon les deux courbes se croiseront et continueront à diverger, ce qui mettra à mal le théorème de Pomerantchouk et conduira à reconsidérer le problème de la réaction matière-antimatière.

Super-CERN

Les ISR ne peuvent servir à produire des faisceaux d'antiprotons à haute énergie, qui seraient nécessaires pour savoir comment évolue réellement la section efficace proton-antiproton au-delà de 100 GeV. De tels faisceaux ne pourront être obtenus que dans des machines comme l'accélérateur géant de Batavia (États-Unis), qui a maintenant surmonté ses premiers déboires (Journal de l'année 1971-1972), mais attend encore divers aménagements pour devenir vraiment opérationnel, ou par le futur accélérateur européen (super-CERN).