Le 12 mars 1973, une perforatrice a commencé à percer le tunnel annulaire de 2 200 m de diamètre dans lequel, à 40 m de profondeur sous la frontière franco-suisse, les particules seront accélérées à des énergies de 300 à 400 GeV.

La fabrique de mésons de Los Alamos

Le laboratoire de Los Alamos, aux États-Unis, a mis en service, au début de l'automne 1972, un accélérateur linéaire dans lequel les protons atteignent des énergies de 800 MeV (millions d'électrons-volts) et des vitesses équivalant à 80 % de la vitesse de la lumière.

Ces valeurs sont modestes en comparaison de celles que réalisent les grands accélérateurs circulaires de Serpoukhov et de Batavia : celui-ci communique aux protons une énergie de 200 GeV (milliards d'électrons-volts) et une vitesse très proche de la vitesse de la lumière. Mais la machine linéaire de Los Alamos engendre un flux beaucoup plus dense : jusqu'à 6 millions de milliards de protons par seconde, contre 5 et 6 milliards seulement à Batavia.

Muons

L'accélérateur de Los Alamos projette ses protons sur des cibles de cuivre. En faisant éclater les noyaux de cuivre, il libère des particules appelées mésons pi, ou pions.

Les pions existent virtuellement à l'intérieur de l'atome : on admet qu'ils y assurent la cohésion entre les constituants du noyau.

Une fois libérés, ils ne vivent qu'un cent-millionième de seconde, se désintégrant au bout de ce temps en deux autres sortes de particules : neutrinos et mésons mu ou muons.

La machine de Los Alamos sert donc essentiellement à étudier les propriétés du pion et du muon. Celui-ci est parfois appelé électron lourd : toutes ses caractéristiques sont identiques à celles de l'électron, à part la masse, qui est 200 fois plus grande.

On peut donc fabriquer en laboratoire de la matière muonique, dans laquelle l'électron qui tourne autour du noyau est remplacé par un muon. Comme le muon est bien plus lourd que l'électron, il tourne plus près du noyau, s'en rapprochant très vite.

À chaque fois qu'il saute d'une orbite quantique à une autre, il émet de l'énergie sous forme de rayons X. L'étude de ce rayonnement donne des indications sur la forme du noyau.

Cancer

De même les pions, quand ils sont négatifs (il en existe aussi de positifs), peuvent être attirés par le noyau d'un atome, dont ils se rapprochent jusqu'à y pénétrer et à le faire éclater.

Les physiciens américains voudraient exploiter cette propriété à des fins thérapeutiques. L'action destructrice des pions sur des cellules cancéreuses serait plus facilement réglable que celle des rayons X ou gamma : en communiquant aux pions une énergie bien calculée, on peut arrêter leur course juste dans la partie malade, et de ce fait épargner les cellules saines.

La pile atomique naturelle du Gabon

Une partie de ce qui est maintenant la carrière d'uranium d'Oklo, au Gabon, était, il y a un milliard 700 millions d'années, le siège de réactions nucléaires en chaîne identiques à celles qui sont produites aujourd'hui par l'homme dans des piles atomiques.

Néodyme

Cette conclusion s'est imposée aux ingénieurs du Commissariat à l'énergie atomique, qui cherchaient l'origine d'anomalies de teneurs en isotope de masse 235 (l'isotope fissile) constatées dans du minerai provenant de ce gisement.

La proportion d'uranium 235 y est nettement plus faible que dans tous les échantillons terrestres (et même lunaires) connus jusqu'ici. Par contre, on trouve dans les mêmes minerais d'Oklo une proportion anormalement élevée d'éléments du groupe des terres rares, comme le néodyme, qui figurent parmi les produits ordinaires de la fission de l'uranium.

Conditions

À côté de l'isotope 235, l'uranium naturel contient (en bien plus grande quantité) de l'isotope 238. En l'absence de fission, tous deux se désintègrent naturellement, à des vitesses très différentes : la moitié des noyaux du premier disparaît en 700 millions d'années, la moitié des noyaux du second en 4 milliards et demi d'années.

Plus on remonte dans le passé, plus le minerai contenait d'isotope fissile : il y a un milliard 700 millions d'années la teneur était à peu près la même que dans l'uranium enrichi des actuels réacteurs modérés à l'eau ordinaire. (On sait que pour déclencher la fission auto-entretenue dans ces réacteurs il faut ralentir les neutrons avec un modérateur.)