Sciences

Prix Nobel 1972

Physiologie et médecine

Travaillant séparément, les lauréats ont contribué à résoudre le même problème : la structure des anticorps (ou immuno-globulines), qui protègent l'organisme contre la pénétration de substances étrangères (antigènes). Ces protéines associent deux chaînes légères L (de light) de chacune deux segments de 110 acides aminés à deux chaînes lourdes H (heavy) de quatre segments, soit 1 620 acides aminés pour une molécule. Les chaînes H sont identiques pour une même espèce animale. Les chaînes L, spécifiques d'un unique antigène qu'elles reconnaissent, sont produites en quantité dès son apparition. Le site actif est à la jonction H-L. Les immunoglobulines sont les seules protéines dont la synthèse dépende de plusieurs gènes. Outre leur intérêt en immunologie, ces découvertes peuvent éclairer les mécanismes de l'évolution.

Gerard Edelman

Américain. Né à New York en 1929. Études de chimie, puis docteur en médecine (université de Pennsylvanie) et en sciences (université Rockefeller). Professeur et vice-doyen de l'université Rockefeller, où il anime une équipe de jeunes chercheurs. Membre de l'Académie nationale des sciences de New York. Connu pour son tempérament original, violoniste et poète.

Rodney Robert Porter

Britannique. Né en Angleterre en 1917. Études à Liverpool et à Cambridge. Membre de l'équipe scientifique de l'Institut de la recherche médicale de Mill Hill (Londres) ; puis professeur d'immunologie au Saint Mary's Hospital. Actuellement professeur de biochimie à Oxford et directeur de l'unité de recherches d'immunologie du Medical Research Council.

Chimie

Les protéines, constituants essentiels (avec les acides nucléiques) des organismes vivants, sont de grosses molécules formées d'acides aminés reliés en chaîne selon une séquence imposée par le programme génétique. La vie utilise une vingtaine d'acides aminés. Chaque protéine se distingue des autres par le nombre et l'ordre de ses éléments. Comme une macromolécule peut en grouper plusieurs centaines, les combinaisons possibles sont innombrables, ce qui autorise la diversité des protéines. Les trois lauréats ont mis au point des techniques chromatographiques permettant de déterminer aisément la composition d'une protéine. Appliquant leurs méthodes à des enzymes, c'est-à-dire à des protéines jouant le rôle de catalyseurs de réactions biochimiques, ils ont élucidé les mécanismes de leur activité enzymatique. À la surface de la pelote formée par la chaîne d'acides aminés se trouvent des sites actifs où peuvent se rencontrer dans la bonne position les molécules destinées à se combiner par catalyse. Ces découvertes ont aussi montré comment l'information génétique commande non seulement la séquence des acides aminés dans toute molécule protéique, mais en même temps la structure spatiale de la macromolécule, dont dépendent pour une part ses propriétés.

Christian Bœhmer Anfinsen

Américain. Né en 1916 en Pennsylvanie. Doctorat à Harvard (1943). Professeur assistant de biochimie de la Harvard Medical School, puis directeur du laboratoire de physiologie cellulaire et du métabolisme de l'Institut national cardiologique de Bethseda. Actuellement chercheur à l'Institut national de l'arthrite et des maladies du métabolisme à Bethseda.

Stanford Moore

Américain. Né à Chicago en 1913. Études aux universités Vanderbilt et du Wisconsin. D'abord ingénieur de l'aéronautique, se tourne vers la biochimie en y apportant son sens de la technique et des réalisations pratiques. En 1939, il entre à l'Institut Rockefeller de New York, où il perfectionne avec William Stein l'analyse chromatographique des protéines.

William Stein

Américain. Né en 1913 à New York. Études de chimie à Harvard et à l'université Columbia. Entre en 1938 à l'Institut Rockefeller de New York, où il poursuit seul ou en collaboration avec Moore de nombreux travaux sur les acides aminés et les protéines, aboutissant à expliquer pour la première fois l'action catalytique d'une enzyme (la ribonucléase du bœuf).

Sciences économiques

Ce prix est allé à deux auteurs d'inspiration différente. Hicks a analysé l'effet des grèves sur les négociations collectives, puis montré que le travail est l'étalon décisif de la valeur de la monnaie. Mais, tout en introduisant des concepts nouveaux dans l'étude de l'équilibre production-consommation, il s'est surtout consacré à parfaire les théories classiques dans la tradition des grands économistes britanniques. L'œuvre d'Arrow est plus diverse, et passe souvent de la description du réel à des propositions normatives. Reprenant un paradoxe de Condorcet, il a montré l'impossibilité de dégager, à partir des préférences individuelles, une volonté collective. L'Académie suédoise a reconnu comme traits communs à ses lauréats leur contribution « à la théorie générale d'équilibre économique et à la théorie du mieux-être ».

John Richard Hicks

Britannique. Né en 1904 à Warwicks. Enseigne à la London School of Economics, puis à Cambridge et à Manchester. Professeur à Oxford après la Seconde Guerre mondiale, il se consacre ensuite à la recherche. Son ouvrage le plus connu, Valeur et capital, propose une théorie unitaire qui assimile le comportement du consommateur à celui de l'entrepreneur.

Kenneth J. Arrow

Américain. Né en 1921 à New York. Docteur de l'université Columbia, enseigne à Stanford, puis à Harvard. Son ouvrage Choix sociaux et valeurs individuelles montre que l'économie ne suffit pas à assurer l'équilibre social. Cette orientation se retrouve dans son action en faveur d'un système généralisé d'assurance maladie.

Physique

En 1911, le Néerlandais Kamerlingh Onnes découvre que le mercure figé aux approches du zéro absolu n'offre plus aucune résistance au courant électrique. Depuis, on a trouvé la supraconductivité dans d'autres corps : elle apparaît pour une température de transition variable avec la substance, mais toujours proche du zéro absolu. Étudié par l'école soviétique de Landau, le phénomène a trouvé, grâce aux trois lauréats, son explication fondamentale, souvent appelée, d'après leurs initiales, la théorie BCS. Aux températures ordinaires, les électrons rencontrant sur leur passage des atomes perdent par freinage une part de leur énergie, transformée en chaleur (effet Joule). Se fondant sur la physique quantique, les trois prix Nobel ont montré qu'aux très basses températures se manifeste entre les électrons une force d'attraction. Ils se déplacent alors par paires. Passant près d'un noyau atomique, le premier électron lui cède de l'énergie, mais celle-ci est aussitôt récupérée par son compagnon. Le couple circule ainsi dans le conducteur sans perdre d'énergie. La théorie BCS joue un grand rôle dans les recherches en cours pour trouver des corps supra conducteurs à des températures moins basses, en vue d'applications pratiques.

John Bardeen

Américain. Né dans le Wisconsin en 1908. Docteur de l'université de Princeton. Carrière universitaire et dans l'industrie (Bell Telephone). Ancien conseiller de la Maison-Blanche pour la science et la technique. Actuellement professeur d'électronique à l'université de l'Illinois, où il a mené ses recherches en commun avec les deux autres lauréats. Déjà prix Nobel en 1956.

Léon N. Cooper

Américain. Né à New York en 1930. Enseigne dans les universités de l'Illinois, de l'Ohio et actuellement à l'université Henri-L.-Goddard. Séjours comme professeur invité en Norvège, en Italie et en France (École normale supérieure). C'est lui qui suggéra à son patron, Bardeen, l'idée que les électrons pouvaient s'associer en paires aux basses températures.

John Robert Schrieffer

Américain, comme les deux précédents. Né en 1931. Études au Massachusetts Institute of Technology et à l'université de l'Illinois. Séjours en Grande-Bretagne et au Danemark. Spécialiste de la supraconductivité et du magnétisme, il fut choisi par John Bardeen pour coopérer à l'édifice théorique dérivant de l'hypothèse proposée par Léon Cooper.

La terre et l'espace

La collaboration internationale, « Soyouz-Apollo »

L'inflexion de la politique américaine vers une amélioration des rapports avec les deux grands pays communistes a d'heureuses répercussions dans le domaine de la recherche spatiale et de ses applications. La cession à la Chine de quatre stations de télécommunications via satellite constitue un exemple éloquent du chemin parcouru. Ces équipements étaient interdits naguère aux pays communistes en raison de leur « intérêt militaire ».

Liaison

Dans le domaine des télécommunications, également, un autre pas vient d'être franchi par les États-Unis et l'Union soviétique : la décision a été prise d'établir entre Washington et Moscou une liaison permanente via satellite, en remplacement de l'anachronique et tortueux téléphone rouge. Il les reliait, depuis 1963, cahin-caha, en passant par Londres, Copenhague, Stockholm et Helsinki, et tombait souvent en panne, aussi surprenant que cela paraisse.