Le Cantrel de Lyon, sous la direction de Christian Wagner, a fait applaudir le programme qui lui a valu d'être classé premier au festival de Llangolen (pays de Galles). C'est la première fois en vingt-cinq ans que la France emporte cette récompense. Le programme du Cantrel comportait des œuvres de Brassens (La chasse aux papillons), Brel (Voir), Richard Antony (Loin), Robert Marcy (File la laine), Louis Bessières (Les saltimbanques).

Il faut aussi mentionner l'extraordinaire réussite du groupe des Ménestriers. Après des récitals à la Conciergerie et l'obtention d'un grand prix décerné par l'Académie du disque français, la saison dernière, ils ont, cette année, confirmé leur succès, accomplissant la performance de remettre à la mode des chansons populaires des XVe et XVIe siècles. Déployant une panoplie d'instruments tels que cromornes, cornets, guimbardes, cervelas... dans le même style que les ensembles pop, ils prouvent, une fois de plus, que la chanson française, quel que soit son style, reste bien vivante !

Jazz et pop

Recherche de nouvelles sonorités

De plus en plus, et les progrès des techniques audio-visuelles accélèrent cet éparpillement, les genres musicaux nés de la rencontre du peuple noir des États-Unis avec les civilisations occidentales se diversifient et s'égarent dans un grand nombre de directions.

Il est malaisé de découvrir dans cette jungle de styles une ligne de force principale, comme le furent autrefois le dixieland, le swing, le be-bop, le rock and roll ou le free jazz. De plus, le jazz traditionnel souffre d'académisme.

Ainsi, comme tous les ans, au cours de quelques festivals (Nice qui a remplacé Antibes, Châteauvallon et Montreux pour l'Europe, Newport et Monterey pour les États-Unis) et au cours des concerts parisiens de la salle Pleyel et du palais de Chaillot, les grands maîtres du jazz ont toujours l'occasion de démontrer qu'ils restent de prestigieux interprètes d'un art dont ils furent les créateurs, mais qu'ils sont désormais incapables de faire évoluer, en raison de leur âge et aussi de la routine.

C'est sans doute la raison pour laquelle une fraction du jeune public boude les récitals de Duke Ellington (qui joua pour la première fois en URSS en septembre), d'Erroll Garner, de Stan Kenton, du Modern Jazz Quartet, d'Oscar Peterson, de Benny Goodman, de Bill Evans et de Buddy Rich. Le succès reste assuré par d'anciens fidèles, un peu plus vieux tous les ans, qui continuent à apprécier la grande virtuosité de ces maîtres au service d'une musique rassurante, mais figée dans sa perfection.

Humour et spontanéité

Deux réunions inhabituelles ont d'ailleurs prouvé que les organisateurs ont intérêt à sortir des sentiers battus pour exciter un peu la verve de vedettes trop blasées. Ainsi, en octobre, à Chaillot, George Wein présenta les Giants of Jazz, avec Dizzy Gillespie, Kai Winding, Sonny Stitt, Thelonious Monk, Al Mac Kibbon et Art Blakey.

Ces vétérans du be-bop, et surtout l'étincelant Dizzy Gillespie, sont assurément au sommet de leurs possibilités et sont capables de résoudre toutes les difficultés techniques et harmoniques grâce à leur immense savoir-faire, et aussi leur humour.

Autre rencontre réussie : celle qui se déroula en avril à Pleyel, à l'occasion du retour annuel du grand orchestre de Count Basie. Le programme fut bonifié par la participation de deux chanteurs, deux blues shouters (Eddie Cleanhead Vinson et Joe Williams), qui obligèrent la machine Basie à abandonner ses partitions pour retrouver le goût du riff et de la spontanéité. Au cours des mêmes concerts, la réunion, en petite formation, de Count Basie avec Roy Eldridge, Eddie Davis et Al Grey nous replongea dans les joies et les excitations de la jam-session entièrement improvisée.

Un conformisme paradoxal

Quant au free jazz, qui semblait, il y a quelques années encore, être une source de renouvellement, il s'enlise dans un conformisme paradoxal puisque nulle figure nouvelle n'est apparue.

Une fois de plus, Pharoah Sanders, Alan Silva, Ornette Coleman et Sun Ra furent présentés comme les messagers d'un mouvement qui, depuis la disparition de John Coltrane, n'a plus suscité de chefs-d'œuvre durables.