De son côté, le chansonnier Jean Lacroix confie aux Trois Ménestrels, qui la font applaudir à la Belle Époque, une satire pas méchante sur la première dame de France : L'hirondelle du faubourg.

Bécaud met à son répertoire l'histoire d'un prisonnier brésilien libéré : Liberaçao ; la pollution est dénoncée par Dutronc : Le petit jardin (Lanzman) et Nino Ferrer : La maison près de la fontaine ; la drogue est combattue par Aznavour, qui compose pour sa fille une chanson ayant pour sujet Les champignons hallucinogènes. Il traite aussi de l'homosexualité avec Comme ils disent. Philippe Clay joue au contestataire anticontestataire (Mes universités, La quarantaine), tandis que Béart, toujours préoccupé du sort de la planète, chante : Lune, ma banlieue, et actualise Le grand chambardement.

Un sujet vedette tient une grande place dans la chanson : Jésus-Christ. L'an dernier, Johnny, qui sait prendre le vent, nous avait donné l'image d'un Jésus-hippie. Cette année, Delanoé adapte un opéra (?) rock : Jésus-Christ superstar, et, bien avant la représentation, l'une des chansons extraites de cette comédie devient un tube (La chanson de Marie-Madeleine). Les Poppys suivent le mouvement. Après Ami-Jésus, ils nous proposent Jésus-Révolution (Péram-Néro).

Ainsi se renouvelle la chanson pastorale, qui avait déjà conquis les foules avec les RR. PP. Duval, Cocagnac, Rimaud de Fatto ou des laïcs comme Michel Prophette, M.-Cl. Pichaud, G. Thébaud, et surtout John Littleton qui depuis dix ans est l'apôtre du Godspell.

Folklore et littérature

La Boîte à musique (BAM), qui s'est spécialisée dans la chanson littéraire, cède son fonds aux Disc'AZ. C'est ainsi que Jacques Douai, qui cherche son second souffle après plusieurs années passées à diriger une maison de la culture, édite dorénavant chez AZ un répertoire qui va de la chanson littéraire à la chanson folklorique. De même Francesca Solleville, qui interprète sous la même marque Aragon mis en musique par Ferrat, Ferré, Hélène Martin ou Auric.

De même Serge Kerval, qui sait adapter le style folksong aux chants traditionnels français. Cette chanson, traditionnelle ou régionaliste, se porte d'ailleurs de mieux en mieux : Enrico Macias demande au cabretaïre Christian Boissonnade de l'accompagner dans J'irai jusqu'en Auvergne ; Alain Barrière chante en breton O va breiz, o va bro et réquisitionne des danseurs de gavotte de Jabadao ainsi que des binious pour ses récitals à l'Olympia. Un autre Breton, Alan Stivell (grand prix du disque de l'académie Charles-Cros) tient toute une soirée avec sa harpe celtique sur la scène de ce music-hall. France-Culture remplit le théâtre 102 de la maison de l'ORTF avec des spectacles de musique populaire auxquels participent des chanteurs et danseurs du groupe basque Etorki, Serge Kerval et un Fest-Noz où divers artistes bretons se font applaudir.

De jeunes chanteurs semblent vouloir se consacrer au néo-folklore, en ressuscitant des mélodies populaires, en les adaptant à la sensibilité de notre temps, ou en composant des chansons dont l'esprit se confond avec le traditionnel authentique : Jean Humenry, Bernard Haillant ou Raymond Fau, tandis que Jean Ségurel, auteur régionaliste et virtuose de l'accordéon, fête son 6 millionième disque !

Parmi les événements ayant marqué la saison, mais qui dépassent le cadre des variétés tout en restant dans le domaine de la chanson, il faut signaler au mois d'août dernier, à Vaison-la-Romaine, les 7e choralies, organisées par le mouvement À cœur joie.

Ces choralies ont réuni 4 500 jeunes chanteurs venus d'Europe, d'Afrique et du Canada ; le théâtre antique a résonné aux grandes œuvres vocales et orchestrales, mais les églises étaient réservées à des programmes de chansons où dominaient les œuvres populaires du XVe au XXe siècle.

Si Adam de la Halle, Josquin des Prés étaient à l'honneur, des auteurs-compositeurs modernes tenaient une place importante dans les programmes : Ferrat, Brassens, Brel, Van Parys, Anne Sylvestre, Anne Vanderlove, etc. François Provencher a dirigé des ateliers de chant consacrés à l'étude de chansons françaises et canadiennes, et René Zosso a donné un récital où les trouvères et les troubadours côtoyaient Boris Vian, Colette Magny, Léo Ferré, etc.