27 décembre : à 40 km de Montréal, près de la frontière américaine, arrestation à Saint-Luc, en pleine nuit, des 3 assassins de Pierre Laporte (leur tête était mise à prix 50 000 dollars) : les frères Paul et Jacques Rose et Francis Simard, qui, seul, avoue puis refuse de signer ses aveux, seront inculpés d'homicide volontaire.

1971

25 janvier : ouverture à Montréal du procès de Paul Rose, vingt-sept ans, ancien instituteur.

13 mars : condamné à la prison à vie, Paul Rose s'écrie : « Vive le Québec libre ! Nous vaincrons ! »

2 avril : le Premier ministre du Québec, Robert Bourassa, demande au Premier ministre du Gouvernement fédéral, Pierre Elliott Trudeau, de proroger la loi sur les mesures temporaires d'ordre public, qui expirera quand même, comme prévu, le 30 avril.

14 avril : prévu d'abord pour le 7 janvier, puis pour le 8 février, le procès des trois complices de Paul Rose (son frère Jacques, Francis Simard et Bernard Lortie) est renvoyé au mois de mal « pour permettre le déroulement d'autres procès liés aux troubles du mois d'octobre ».

30 avril : fin de la loi sur les mesures d'urgence.

20 mai : Francis Simard, 23 ans, condamné, comme son complice Paul Rose, à la prison à vie. Le procès de Jacques Rose et Bernard Lortie est une fois de plus reporté. D'abord au 14 juin, puis plus tard encore.

État d'urgence

Dans le même temps, 7 000 soldats, dont un millier de parachutistes, quadrillent Montréal, surtout. Sans mandat, perquisitions, arrestations, détentions se succèdent. Au total, 497 personnes seront arrêtées, dont 435 seront relâchées, parfois sans interrogatoire, après plusieurs semaines d'emprisonnement ; 62 seulement sont traduites devant les tribunaux. La Ligue des droits de l'homme, les syndicats s'émeuvent. Un comité de défense des prisonniers se crée ; il finit par obtenir un droit de visite pour avocats. La presse écrite et la presse parlée traduisent le traumatisme de l'opinion, amplifié par la présence de très nombreux journalistes venus du monde entier.

Révoltée par l'assassinat, inquiète pour sa sécurité, la majorité silencieuse saisit l'occasion de s'exprimer le 25 octobre : fédéraliste et conservateur, membre typique de l'establishment bilingue, le maire de Montréal, Jean Drapeau, est réélu par 92 % des suffrages, et tous les candidats de son parti sont élus au Conseil municipal avec lui. Même le chef du Parti québécois, de tendance séparatiste, l'ancien ministre René Lévesque, adversaire de la violence, offre son appui, sous conditions, au gouvernement de la province.

Fin mai, la mise en veilleuse, au moins momentanée, du séparatisme semble confirmée, au Québec, par les résultats des élections législatives partielles : maintien des sièges libéraux (gouvernementaux) et taux considérable des abstentions (de 50 à 60 %).

Entre-temps, les responsables de l'ordre rodent leurs méthodes, au début très maladroites. La fermeté, qui a échoué pour Pierre Laporte, réussit pour James Cross. Cernés par d'énormes forces de police, ses ravisseurs abandonnent les conditions posées. Ils acceptent de le libérer contre leur propre liberté et sept sauf-conduits pour Cuba.

Détention perpétuelle

L'un des ravisseurs de Pierre Laporte est déjà sous les verrous, mais ses trois assassins ne sont arrêtés que plus de onze semaines après le rapt. Paul Rose et Francis Simard sont condamnés à la prison à vie. Les deux autres ont vu la date de leur procès plusieurs fois repoussée.

Plusieurs de leurs complices ont également été arrêtés et punis. Comme prévu, la loi d'urgence prend fin le 30 avril, bien que Robert Bourassa ait demandé, avant l'échéance, qu'elle soit prorogée. Le Premier ministre québécois veut poursuivre en sécurité la tâche considérable à laquelle il a dû s'attaquer malgré tout.

Tout d'abord la promesse électorale de ce partisan d'un fédéralisme rentable : créer 100 000 emplois en un an. La réalité est loin du compte, puisqu'en un an, au contraire, le chômage n'a fait que croître et atteint environ 10 % de la population active. Il faudrait donc investir malgré la dissuasion des troubles, des attentats et des hasards d'une éventuelle indépendance.

Chasse aux capitaux

La recherche d'investissements est donc le motif principal du tour d'Europe occidentale de Robert Bourassa, du 6 au 22 avril : Bruxelles, Londres, Düsseldorf et Milan (deux centres du business). Puis Rome, où le pape le reçoit, et, enfin, Paris, où le président Pompidou et le Premier ministre J. Chaban-Delmas lui promettent de traduire francophonie en argent frais. Cependant, ils prennent soin de ne pas l'accueillir en chef d'État souverain, car les anciennes querelles gaulliennes sont dépassées entre Paris et Ottawa. Ottawa, qui d'ailleurs devient, à son tour, championne de la francophonie (en Afrique, ses crédits de coopération ont quadruplé en quatre ans). Cela donne à penser à l'Élysée.

Bilinguisme

Au Canada même, le gouvernement fédéral (noyauté par les Français) pousse à un vrai bilinguisme. Depuis octobre 1970, la capitale fédérale a décrété le français langue officielle, au même titre que l'anglais, à tous les niveaux de l'administration. Le même effort se développe dans la province d'Ontario, pourtant de tradition anglophone, et dans toute l'administration fédérale. Des cours de français ont été ouverts, suivis par plus de 6 000 fonctionnaires.