guépard

Guépard
Guépard

Ce formidable guetteur, haut sur pattes et à l'œil triste, est le plus rapide de tous les mammifères. Cousin de la panthère, il aime les courses-poursuites à travers les hautes herbes. Mais il se fait de plus en plus rare. Au xvie siècle encore, l'empereur moghol Akbar avait prélevé pour ses « meutes » jusqu'à 9 000 guépards ! Aujourd'hui, on ne le trouve plus guère qu'en Afrique...

Introduction

La signification commune de son nom – chat-panthère (en italien gattopardo, « chat-léopard ») – indique ses origines. Il y a quelque 8 millions d'années, en effet, la lignée du guépard se sépare du tronc commun Panthera. À ce rameau se rattachent également les futurs puma, caracal et chat doré. Mais ces derniers types de félins semblent liés moins fortement entre eux que les espèces du genre Panthera. Le guépard a dû s'individualiser il y a 4 ou 5 millions d'années.

Dans la famille des félidés, très homogène par ailleurs, il fait aujourd'hui figure d'original. Par sa morphologie d'abord – griffes qui ne sont que partiellement rétractiles, canines assez petites –, par son mode de vie ensuite. Quant à la répartition de ce type de félins dans le monde, elle a totalement changé. Des guépards ont laissé des traces en Amérique du Nord, au début de l'ère quaternaire, il y a 3 millions d'années. En Europe, en Inde et en Chine, un guépard géant, de la taille du lion, avait fait son apparition dès le pliocène. Si l'on compare les fossiles du pliocène et du pléistocène avec le squelette du guépard actuel, ce dernier est nettement plus léger. La lourdeur des guépards géants leur assurait un autre équilibre énergétique, adapté à des courses moins rapides, et une plus grande sécurité. D'autant que leurs proies pesaient, elles aussi, beaucoup plus lourd qu'aujourd'hui. Enfin, il n'y a que 20 000 ans, une autre forme de félin, peut-être proche du guépard actuel, habitait encore l'Amérique du Nord. On l'a appelé Acinonyx trumani, mais ses rapports avec les autres félidés demeurent assez confus. Or, il se trouve qu'au Mexique on parle de trois grands « chats » : le jaguar, le puma et un autre animal, qui serait distinct des deux autres, appelé en aztèque cuitlamiztli et en espagnol onza. En 1986, le cadavre d'un félin abattu dans les montagnes de la Silla, a pu être identifié par des chercheurs à l'université de Mexico : il ne s'agissait que d'un puma probablement hybride.

Longtemps animal favori des cours princières du Moyen-Orient et de l'Inde, où il servait de rabatteur dans les chasses à la gazelle, le guépard ne se rencontre plus guère aujourd'hui qu'en Afrique orientale et australe et dans le Sahel, aux confins du Sahara. Il court librement dans la savane après les proies qu'il dispute âprement aux hyènes.

La vie du guépard

Une société essentiellement masculine

Le passage de la vie familiale à la vie adulte se fait de façon progressive chez les guépards, et les choses se passent différemment selon le sexe.

Pendant quelque temps, les frères et sœurs d'une même portée, rejetés par leur mère lorsqu'ils ont atteint une maturité suffisante et les techniques nécessaires à leur survie, restent ensemble : ils chassent de concert et partagent les mêmes proies.

Puis les jeunes femelles quittent, une à une, le groupe des jeunes adultes pour s'installer seules sur un territoire où elles vivront comme leur mère.

Pour elles, la solitude ne sera plus rompue que par la brève présence des mâles lors des chaleurs, puis par celle, plus longue, des petits qu'elles devront élever et nourrir sans l'aide du père.

Priorité au dominant

Les jeunes mâles restent donc ensemble et créent de petits groupes dans lesquels, bien qu'ils soient le plus souvent frères, il existe une certaine hiérarchie. Cette société masculine est régie par des règles de dominance relativement strictes. Dans chaque groupe, il y a un mâle dominant ; c'est lui qui dirige la marche de ses compagnons, qui choisit les proies et lance les chasses. C'est encore lui qui s'accouple si le groupe rencontre une femelle en chaleur. Il quitte alors les autres guépards pendant un ou deux jours, qu'il passe avec la femelle, puis il les retrouve et reprend la vie en commun. À côté de ces règles, il existe dans ces groupes, en cas de conflit avec des mâles extérieurs, un sens de l'entraide et de la coopération très poussé. Tout le groupe fait front face à la menace d'une intrusion étrangère dans le territoire où il se livre parfois à de vraies batailles rangées.

Enfin, comme les familles nombreuses ne sont pas très fréquentes chez les guépards, il n'y a pas toujours assez de frères pour constituer un groupe de mâles : on rencontre donc des groupes dans lesquels se côtoient des mâles apparemment non apparentés ; le degré de relation éventuel qu'ils ont entre eux ou les raisons qui les poussent à se rapprocher n'ont pu être précisément établis.

Les batailles entre guépards

Les batailles entre guépards



Le guépard aime se battre et les affrontements sont assez fréquents entre les jeunes mâles. Ils ont plusieurs causes : soit l'intrusion d'un groupe sur le territoire de ses rivaux, soit l'attirance de divers mâles non dominants pour la même femelle.

Dans le premier cas, les animaux agressés se défendent tous ensemble contre les intrus ; dans le second cas, le combat est individuel.

Les guépards utilisent l'ergot de leurs pattes avant, ainsi que le coussinet correspondant – une petite excroissance cornée, très dure – pour frapper leurs adversaires. Ces coups de pattes sont redoutables : ils peuvent déchirer la peau et blesser les yeux (ils visent généralement la tête du rival). Les animaux peuvent même utiliser leurs dents jusqu'à ce que mort s'ensuive.

De vastes territoires mal délimités

On ne peut vraiment parler de « territoire » pour les guépards – si l'on entend par là une surface activement défendue – que dans les rares régions où la densité de leur population est élevée. En fait, les guépards suivent en général les migrations des proies. Ce qui ne les empêche pas de marquer leur passage (urine, fèces). Selon des études, comme celle effectuée par le chercheur américain Randall Eaton, dans le parc de Nairobi, il apparaît que, si un animal tombe sur la marque laissée par un congénère et qui date de moins de 24 heures, le guépard prend aussitôt la direction opposée à celle suivie par son prédécesseur. Il s'agit sans doute d'éviter toute concentration trop importante d'animaux. Un animal a besoin pour vivre d'une surface allant de 50 à 150 km2. À l'intérieur de ce territoire, la circulation quotidienne des animaux couvre en moyenne 7 km pour les mâles et 3,7 km pour les femelles.

La population de guépards est passée de 100 000 individus environ en 1900 à 12 000 ou 15 000 au début des années 2000 (selon le Cheetah Conservation Fund), dispersés dans 24-26 pays d'Afrique dont la Namibie - qui en abrite le plus (environ 2 500) – le Botswana (1 700) le Kenya (environ 1 000), la Tanzanie (entre 600 et 1 000 individus), le Zimbabwe (850) et l'Afrique du Sud (500-600). À l'exception du Kenya où ils vivent surtout dans les zones protégées, la plus grande partie des guépards vit en dehors des réserves ce qui rend leur observation moins aisée. Le territoire d'un guépard varie de quelques dizaines à plusieurs centaines de km2.

Un animal programmé pour la course

Tout dans l'anatomie du guépard – longueur des pattes, du corps et de la queue, poitrine profonde – le prédispose à la course. C'est ainsi que ses performances atteignent 115 km/h, et cela en pleine savane comme dans le désert. La taille de son cœur, de ses poumons et de ses glandes surrénales favorise, lorsqu'il bondit, l'impulsion initiale, aux énormes besoins respiratoires, et permet, lors de poursuites éclair, une bonne circulation du sang.

Chez lui, les voies respiratoires s'ouvrent plus largement que chez tout autre félidé. Cet élargissement s'est effectué au cours des millénaires, aux dépens d'autres parties de l'organisme. Ainsi, la racine de la canine supérieure a été sacrifiée à ce développement au niveau crânien.

Grâce à cette évolution, le rythme respiratoire de l'animal passe de 16 mouvements par minute, lorsqu'il est au repos, à 150 mouvements, lors d'une chasse. Il a tout de même besoin de se reposer près d'une demi-heure après chaque poursuite sérieuse et ne peut tenir à sa vitesse maximale que sur une distance d'environ 275 mètres.

Naturellement, la musculature s'est, elle aussi, développée dans le même sens, de façon à permettre, en particulier, des accélérations brutales : il ne faut au guépard que 2 secondes pour passer de l'arrêt à une vitesse de 75 km/h !

Pour mettre en évidence la singularité de cette anatomie du guépard, il suffit de la comparer avec celle du cheval.  La flexibilité de sa colonne vertébrale lui permet de « voler » entre deux sauts. En outre, pendant sa course, les griffes apparentes du guépard lui assurent une excellente adhérence, l'animal prend appui sur elles, comme le coureur à pied sur les crampons de la pointe des chaussures. C'est un avantage, notamment pour les courses en zigzag derrière une proie en fuite. On a cependant tort de dire que ces griffes ne sont pas rétractiles : elles peuvent se rétracter, mais restent toujours visibles.

Autre supériorité du guépard par rapport aux ongulés : sa capacité de tourner plus brusquement qu'eux. Une gazelle doit, pour un virage à droite par exemple, effectuer une rotation en posant d'abord sa patte antérieure droite avant l'autre pour changer de direction ; la souplesse du guépard lui permet au contraire une rotation immédiate de n'importe quel côté, quelle que soit la patte antérieure en appui à ce moment. Sa longue queue est également un atout, car elle sert de balancier et de contrepoids.

Une colonne vertébrale flexible

Une colonne vertébrale flexible



Avec une taille plus petite et des pattes plus courtes, le guépard court plus vite que le cheval. Il le doit surtout à la souplesse de son dos. Quand le cheval bondit, sa colonne vertébrale reste relativement rigide. Alors que celle du guépard peut se bander comme un ressort : il creuse le dos lorsqu'il est en pleine extension et fait le dos rond au moment où il ramasse ses pattes sous lui. Ce qui permet à ses membres postérieurs de se porter loin en avant à chaque foulée. Le cheval au galop ne quitte le sol qu'au moment où les quatre pattes se rassemblent, tandis que le guépard le fait aussi pendant toute l'extension. Tous deux couvrent dans leur foulée la même distance, soit de 6 à 8 m, mais le guépard est plus rapide : 0,28 s au lieu de 0,44 s.

La mère élève seule ses petits

Mâle et femelle ne restent qu'un ou deux jours ensemble au moment de l'accouplement, et la mère a la charge des petits. Elle peut avoir une portée tous les 17 à 20 mois. La gestation dure un peu plus de trois mois – 90 à 95 jours –, laps de temps au bout duquel de 1 à 8 petits viennent au monde (la moyenne étant de 3 ou 4).

Des nouveau-nés vulnérables

À la naissance, les bébés guépards – qui pèsent de 150 à 300 g – sont aveugles et sous l'entière dépendance de leur mère. Ils restent très vulnérables durant les premiers mois de leur vie : à peine un tiers d'entre eux atteignent l'âge adulte !

Le bébé guépard se distingue immédiatement des autres petits félidés par sa crinière de longs poils argentés. Ce manteau clair forme un contraste avec les flancs, plutôt foncés et où les taches sont peu apparentes. À partir de 3 mois, les jeunes guépards perdent cette coloration (il n'en reste chez l'adulte qu'un vague souvenir, les poils de la crinière étant un peu plus longs). Ils ont alors acquis une rapidité suffisante pour pouvoir échapper à bon nombre d'autres carnivores.

Afin d'augmenter les chances de survie de ses petits, avant qu'ils ne soient en mesure de la suivre dans ses courses quotidiennes, la mère les déplace en les transportant dans sa gueule. Sage précaution, car les déchets et les odeurs risquent de vite s'accumuler autour du lieu d'élevage.

Heureusement, leur croissance rapide (plus rapide que chez les autres félins) permet aux jeunes de vite échapper aux menaces qui pèsent sur le nouveau-né. Les yeux s'ouvrent au bout d'une dizaine de jours. Vers l'âge de 3 semaines, la démarche prend de l'assurance. Un peu avant la fin du premier mois les dents font leur apparition. Entre la 5e et la 8e semaine, les jeunes guépards commencent à suivre leur mère, mais le sevrage n'a lieu qu'à 3 mois.

Les jeunes restent avec leur mère jusqu'à l'âge de 17 à 20 mois, et le rôle de celle-ci est fondamental pour leur apprentissage. La femelle n'abandonne jamais ses petits, sauf si elle est retenue de force par un groupe de mâles pendant un jour ou deux.

Avances incestueuses

À la fin de cette période, la femelle peut être de nouveau en chaleur, de sorte que l'on a vu de jeunes mâles courtiser leur propre mère. Mais celle-ci les remet à leur place, d'autant plus facilement qu'elle a encore, à ce moment-là, plus de force qu'eux. Ces conflits annoncent l'émancipation de la famille : les sœurs se sépareront des frères, qui formeront de petits groupes uniquement de mâles. La maturité sexuelle définitive est atteinte vers 21 ou 22 mois.

Même si les données sur la reproduction du guépard – 3 ou 4 jeunes tous les 18-20 mois – en font un des félins les plus prolifiques, il faut tenir compte de la forte mortalité juvénile. À peine un sur trois atteint l'âge adulte et il arrive que le nombre de jeunes guépards victimes des prédateurs atteigne 70 %.

En revanche, en captivité, le guépard se reproduit très rarement.

Meilleur chasseur que le lion

Le guépard ne chasse pas de nuit, mais de jour. Il y a à cela plusieurs explications. Il s'agit sans doute pour lui d'éviter la concurrence de grands félins comme le lion et la panthère qui, eux, se reposent pendant qu'il est occupé. Ses vibrisses sont moins développées que ne le sont chez les prédateurs nocturnes ces précieuses antennes sensorielles.

Voir sans être vu

Moins doué pour la chasse proprement dite que pour la course, le guépard est surtout un fin guetteur. Toute chasse pour lui commence par une séance de guet : dressé sur quelque hauteur – termitière ou souche d'arbre –, il scrute l'horizon, ou bien, assis dans les herbes de la savane, il observe ses futures proies sans être vu, le larmier noir qui se dessine sous ses yeux lui procurant une sorte de camouflage.

Il chasse souvent des ongulés plus lourds que lui : sa masse atteint de 35 à 70 kg, et il poursuit des proies qui peuvent peser de 18 kg, pour la gazelle, à 150 kg, pour le zèbre. Le choix de celles-ci dépend à la fois de leur abondance et de l'importance de la concurrence, mais aussi des habitudes propres à chaque individu. Car certains guépards se font, dans ce domaine, des spécialités, qu'ils peuvent ensuite transmettre à leur descendance.

De même, il a plusieurs techniques pour s'approcher de sa proie. Le guépard peut se montrer très discret, mais il lui arrive aussi de marcher à découvert, en se contentant de s'immobiliser chaque fois que l'une des proies potentielles relève la tête.

Enfin, on l'a parfois vu se diriger, sans prendre de précautions pour se dissimuler, vers un groupe de gazelles ou d'impalas.

En fait, c'est la proie elle-même qui, par sa fuite, déclenche la poursuite. Le guépard pourchasse le premier animal qui fuit en laissant parfois d'autres animaux passer sans avoir l'air de s'y intéresser. Certaines fois un petit galop vers les ongulés lui permet de sélectionner sa proie. D'une façon générale, il choisit l'animal qui se singularise, soit en détalant plus vite que ses compagnons, soit en ne s'engageant pas dans la même direction qu'eux, ou en prenant toute autre initiative isolée.

Le choix fait, tout va très vite. Le guépard démarre rarement à plus de 100 m de sa cible et la course ne se prolonge pas habituellement au-delà de 200 m. Si le guépard bondit trop tôt, à 200 m par exemple, l'antilope ou la gazelle qui s'est isolée du troupeau aura le temps de rejoindre celui-ci et de se dissimuler parmi les autres bêtes. Ou encore, elle lui échappera grâce à son endurance. En effet, au bout de 500 m, le guépard doit faire une pause. La poursuite ne dure donc – en moyenne – que 20 s sur environ 170 m.

Arrivé au niveau de sa proie, le guépard chasseur ralentit pour s'adapter au rythme de celle-ci. Pour la capture, il utilise habituellement l'ergot de l'une de ses pattes antérieures. Il s'agit de la griffe du pouce, particulièrement tranchante puisqu'elle ne touche jamais le sol. En pleine course, un coup de patte suffit à déséquilibrer la proie et à la faire tomber. Le guépard la saisit alors à la gorge et l'étrangle.

Aucun goût pour la charogne

On pourrait croire que lorsqu'il a tué sa proie, le guépard en est enfin absolument maître. Il n'en est rien : avant de pouvoir se nourrir, l'animal essoufflé doit récupérer. C'est parfois le moment qu'un autre carnivore choisit pour lui dérober son repas par surprise. Dès que son festin est terminé, le guépard, rassasié, se désintéresse de sa prise. Il ne revient jamais sur le cadavre d'une proie entamée qu'il a commencé à manger ; ce n'est pas un charognard.

Dans l'ensemble, les spécialistes estiment que le guépard est un bon chasseur, puisque, une fois sur deux, la poursuite s'achève par une capture, un record que ni le lion ni la panthère ne peuvent atteindre d'ordinaire.

Quel est le rythme de ces chasses ? Il varie selon le cas. Une femelle avec petits chassera tous les jours pour nourrir sa famille, alors qu'un adulte qui vit seul peut se contenter d'une gazelle tous les 2 ou 3 jours. Ses besoins quotidiens se limitent à un peu moins de 3 kg de viande.

La plupart de ces évaluations résultent d'études effectuées dans les plaines d'Afrique orientale, tel le Serengeti en Tanzanie, où des chercheurs comme Schaller, Eaton ou Kruuk – pour ne citer qu'eux – ont pu observer le guépard dans de bonnes conditions. Pourtant, même sur un territoire relativement restreint par rapport à l'aire naturelle de l'espèce, des variations considérables sont apparues en ce qui concerne la démarche du chasseur et la nature de ses proies.

Pour tout savoir sur le guépard

Guépard (Acinonyx jubatus)

Haut sur pattes et longiligne, le guépard donne une grande impression de légèreté avec sa tête relativement petite par rapport à l'ensemble de son corps. Son comportement de chasseur coureur se retrouve dans son pelage comme dans sa structure, qu'il s'agisse de l'extrême flexibilité de son échine, du larmier qui masque une partie de sa face et le dissimule dans la savane ou de ses griffes toujours visibles et qui lui permettent une forte adhérence au sol.

L'animal s'adapte aux conditions climatiques  de la vingtaine de pays africains où il survit actuellement.

Conditions très variées puisque leur habitat va des franges du Sahara jusqu'aux savanes à épineux, appelées « bush » ou « veld » selon la région d'Afrique. On trouve même chez le guépard une tendance à l'homochromie avec le paysage. Le fond de sa robe et l'intensité des taches sombres de son pelage varient selon les régions : ainsi, dans le massif de l'Aïr, au Sahara, le ton du pelage se rapproche de l'ocre de ces terres désertiques.

Souple et exceptionnellement doué pour la course, ce félin est assez petit pour pouvoir obtenir une vitesse maximale, et assez lourd pour la capture des proies en proportion de ses besoins. Les guépards « géants » du pliocène et du pléistocène ne devaient certainement pas courir aussi vite. Un animal plus petit aurait été en difficulté pour maintenir un équilibre stable entre les exigences de la course, celles de l'alimentation (étant donné la taille des proies) et celles de sa sécurité.

Il vit relativement à découvert, ce qui suffirait à expliquer l'extinction de l'espèce qui se poursuit lentement, malgré ses grandes capacités d'adaptation.

On ne sait si ces félins ont une saison pour la reproduction. Sur ce point, les études menées sont contradictoires. Il est probable que, si saison il y a, elle varie d'une région à l'autre. Dans ce cas, les naissances auraient plutôt lieu de janvier à août en Afrique orientale et de novembre à mars en Afrique australe.

D'une façon générale, la saison des naissances, quand elle existe, correspond à la disponibilité maximale en proies – cela est également vrai pour de nombreuses autres espèces, qu'il s'agisse d'animaux chasseurs ou chassés.

Les sous-espèces

En principe, on distingue seulement 2 sous-espèces principales de guépard, selon des critères géographiques : le guépard africain, Acinonyx jubatus jubatus et le guépard asiatique, A. jubatus venaticus (Iran). Mais on leur ajoute parfois Acinonyx jubatus hecki (Algérie, Maroc, Niger, Égypte) Acinonyx jubatus soemmeringii (Éthiopie, Tchad, Soudan, Cameroun, Niger) et Acinonyx jubatus raineyi (Kenya, Ouganda, Somalie).

Par ailleurs, on a noté en Afrique australe, aux confins de l'Afrique du Sud, du Botswana et du Zimbabwe, une mutation spéciale du pelage, due peut-être à une adaptation à un paysage plus fermé que les vastes espaces sahéliens. C'est le guépard rex, qui avait été décrit initialement, et par erreur, comme une nouvelle espèce. En effet, dans la même portée, il peut y avoir des jeunes « classiques » et d'autres rex. Les animaux du Sahel, voire du Sahara, ont en outre une allure générale différente de celle des animaux de l'Est africain, qui sont les plus connus.

          

GUÉPARD

Nom (genre, espèce) :

Acinonyx jubatus

Famille :

Félidés

Ordre :

Carnivores

Classe :

Mammifères

Identification :

Grand chat tacheté, haut sur pattes, doté d'une longue queue annelée. Larmiers sous les yeux. Crinière blanche chez le jeune

Taille :

De 1,12 à 1,50 m pour le corps ; de 0,60 à 0,80 m pour la queue ; de 0,70 à 0,90 m au garrot

Poids :

De 35 à 70 kg. Mâles légèrement plus lourds que les femelles

Répartition :

Initialement toute l'Afrique, sauf le cœur des déserts et la forêt, le Moyen-Orient et jusqu'aux steppes du nord-ouest de l'Inde. Importante régression actuelle. Éteint en Asie du Sud et centrale (sauf Iran)

Habitat :

Pré-déserts, steppes et savanes parfois boisées

Régime alimentaire :

Carnivore strict

Structure sociale :

Femelles toujours solitaires. Mâles parfois en petits groupes et parfois territoriaux

Maturité sexuelle :

21-22 mois

Saison de reproduction :

Peu marquée

Durée de gestation :

90-95 jours

Nombre de jeunes par portée :

De 1 à 8 ; moyenne : 3 ou 4

Poids à la naissance :

De 150 à 300 g

Longévité :

Une vingtaine d'années ; moyenne : 3 ou 4 ans

Effectifs, tendances :

12 000 en Afrique ; 50-100 en Iran.

Statut :

Inscrit à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) [commerce soumis à des quotas d'exportation]. Vulnérable et en danger critique d'extinction

Remarque :

Se reproduit très difficilement en captivité

 

Signes particuliers

Pelage

Le pelage de l'animal comporte trois particularités. D'abord, le « larmier » : ces deux traits noirs qui descendent des yeux de chaque côté du museau et donnent au regard cette expression de tristesse, si caractéristique ; il constitue une sorte de camouflage pour le guépard lorsqu'il est assis dans les herbes de la savane. Les taches : sur un fond de robe fauve, elles sont noires et pleines, contrairement à celles des autres grands  félins tachetés. Les vibrisses, ou poils constituant des sortes d'antennes sensorielles : elles sont peu nombreuses, ce que l'on associe à la vie essentiellement diurne de l'animal.

Queue

Longue et assez annelée à l'extrémité, elle peut servir à la fois de balancier et de signal de ralliement pour les petits qui suivent leur mère.

Crâne

Le crâne est de plus petite dimension que celui des autres félins. La disproportion par rapport au corps contribue à l'impression de légèreté que donne cet animal. La structure de la mâchoire supérieure permet un bon passage de l'air, grâce aux canines peu développées. Le faible développement de ces crocs et de leurs racines favorise les voies respiratoires, atout pour la course.

Griffes

Elles n'ont pas l'étui qui les dissimule chez les autres prédateurs lorsqu'elles sont rétractées. Toujours apparentes, elles lui donnent une meilleure adhérence au sol pendant la course. L'ergot, qui reste tranchant parce qu'il ne touche pas le sol, est très utile lors des combats et pour la chasse. Il sert à l'animal pour mieux agripper sa proie et pour la déséquilibrer pendant la course-poursuite.

Milieu naturel et écologie

L'aire de survie du guépard s'est réduite, en quelques décennies, d'une façon impressionnante. Ainsi semble-t-il aujourd'hui avoir presque totalement disparu du Moyen-Orient et de toute l'Asie. Au début du xxe siècle pourtant, on le rencontrait encore jusqu'en Inde. Il y fréquentait les plaines et les basses collines du nord et du centre de la péninsule ; il atteignait pratiquement la région de Karnataka, vers le sud, sur le plateau central. La dernière fois qu'un guépard a été observé en Inde remonte à 1948 : une nuit, un chasseur à l'affût a tué 3 guépards mâles qui se trouvaient ensemble. Depuis, on n'en a plus jamais vu.

La dernière population asiatique

De tous les pays d'Asie, seul l'Iran abrite encore une population de guépards, avec un effectif estimé à  moins 100 individus au début des années 2000.  Classé dans la catégorie « en danger critique d'extinction » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature), ce guépard vit, en solitaire,  dans les zones désertiques du plateau central iranien et dépend pour sa nourriture de proies (petites gazelles) en voie de diminution en raison de la chasse. S'attaquant dès lors au bétail, le guépard est lui aussi pourchassé.  En 2001-2003, avec l'appui de la WCS (Wildlife Conservation Society) basée à New York et du P.N.U.E. (Programme des Nations unies pour l'Environnement) le ministère de l'Environnement iranien a lancé une campagne de préservation de l'espèce.

En Afrique, l'espèce a toujours évité les grandes forêts centrales et le cœur des zones les plus arides. Mais on constate sa grande capacité d'adaptation à des conditions climatiques difficiles, dans le Sud algérien où il a sa place dans les évocations quotidiennes des Touareg. Les documents rapportés du massif de l'Aïr, au Sahara, constituent un important témoignage en ce domaine.

Précaire à l'ouest, sa survie est mieux assurée à l'est et au sud. La Namibie est le pays le plus riche en guépards. C'est de là que proviennent actuellement presque tous les animaux des parcs zoologiques du monde entier, ce qui pose d'ailleurs un problème pour les populations locales.

En Afrique du Sud, en particulier dans le parc Kruger et dans les régions limitrophes du Zimbabwe et du Mozambique, ils vivent dans un cadre nettement plus boisé que celui auquel on associe généralement le guépard, dont l'image est plutôt liée aux paysages désertiques du Sahara et du Sahel.

Le guépard d'Afrique du Nord

À partir de 1996-1998, l'U.I.C.N. a développé un Programme de la Biodiversité en Afrique du Nord dans le cadre duquel des recherches ont été entreprises sur la survie de guépards dans la région. En Égypte, il semble que la population de guépards, auparavant distribuée largement sur la partie nord du désert occidental égyptien, soit désormais réduite à une petite portion dans la partie nord-ouest de la dépression de Qattara. En Algérie, les recherches ont eu lieu dans les Parcs nationaux de l'Ahaggar et du Tassili. Des traces de déjections, de peaux et des égratignures sur la végétation des alentours, de la fourrure ou des os de quelques animaux morts, semblaient montrer que quelques guépards  étaient encore présents - une découverte confirmée en 2005 dans l'Ahaggar - mais qu'ils étaient à la limite de l'extinction. En Libye, le guépard a disparu dans la plupart de ses territoires antérieurs sauf pour quelques spécimens restants qui auraient trouvé refuge dans le sud-ouest (Akakus)  et dans le nort-est (Cyrénaïque, escarpement méridional du djebel Akhdar) du pays.

Leur habitat préféré : la savane africaine

Le guépard partage avec le lion et la panthère la savane africaine légèrement boisée, tandis que la panthère est le seul des trois grands prédateurs à fréquenter la grande forêt. Mais le guépard réussit moins bien que ses concurrents à s'adapter au nouveau milieu naturel, bouleversé par la présence envahissante de l'homme.

Ces grands carnivores ne se distinguent pas seulement par la façon dont ils exploitent les vastes étendues de l'Afrique. Le facteur temps apporte également un élément de différenciation. Ainsi, le guépard est nettement plus diurne que le lion ou la panthère, et ce rythme temporel a une influence sur sa technique de chasseur qui l'oriente vers d'autres proies que celles du lion par exemple. En outre, la taille de ce dernier et sa façon de vivre en groupe l'amènent à poursuivre des proies (gnous, zèbres, damalisques...) d'ordinaire hors de portée du guépard. On ne sait pas si la préférence du guépard pour la chasse en plein jour est initiale ou, au contraire, secondaire à la pression des autres grands carnivores ; elle permet cependant à tous de cohabiter. La richesse de la végétation et les grandes densités de proies assurent à chaque prédateur le maintien de sa niche écologique.

Avec la panthère, la distinction est moins nette, pour la taille comme pour le choix des proies. Ce qui freine la compétition entre cet animal et le guépard, ce sont plutôt les techniques de chasse. Ici interviennent les facteurs sexe et âge des proies. Chassant à vue, le guépard choisit sa proie au milieu de la plaine, parmi les groupes de gazelles, d'impalas ou de petites et moyennes antilopes. Sa vitesse de course lui permet de chasser à découvert. Inversement, la panthère, qui chasse à l'affût, ne trouve pas de la même façon l'animal qu'elle va tenter de capturer. La gazelle, par exemple, s'expose à devenir la proie de la panthère lorsqu'elle quitte les vastes étendues découvertes de la savane pour se rapprocher des buissons, des forêts-galeries, le long des rivières et de tout autre paysage permettant à un prédateur de se tapir.

Ennemis et amis

Entre les guépards et les autres grands prédateurs, c'est, en général, la guerre : lions, panthères, hyènes ou lycaons représentent une menace permanente pour le jeune guépard. Certains observateurs, tels Eaton et Guggisberg, suggèrent que la crinière argentée de celui-ci imiterait le pelage du ratel pour déjouer les prédateurs. Le ratel, vague cousin des blaireaux, est un mustélidé noir au dos blanc, présent de l'Afrique à l'Inde, et réputé pour sa hargne.

La guerre peut être ouverte ou larvée. Les chercheurs qui étudient les guépards sur le terrain ont remarqué que les portées diminuaient souvent rapidement en effectifs sans que les causes (ou les coupables) de ces disparitions, soient toujours aisément identifiables. Il existe également un autre type de harcèlement difficile à supporter pour le guépard : le vol de ses proies. Des hyènes ont pris l'habitude de surveiller les allées et venues du guépard avec qui elles partagent un coin de savane. Comme le félin a besoin de longues minutes pour récupérer après une course-poursuite, il est alors très facile à une hyène de lui dérober la gazelle qu'il vient juste de capturer. Face à un groupe de hyènes tachetées, le guépard est réellement impuissant. En outre, on s'est rendu compte que, dans les parcs, les minibus des touristes devenaient pour les hyènes un excellent moyen de trouver sans effort des proies abandonnées par les guépards par peur des véhicules.

Il arrive cependant que les prédateurs s'entraident au lieu de se combattre, voire de s'entre-dévorer. Au cours d'une observation effectuée dans le parc de Nairobi, le biologiste R. Eaton a vu à plusieurs reprises des chacals dorés donner un coup de main à une femelle guépard et à ses quatre petits, lors d'une chasse, en attirant vers eux l'attention des gazelles ou des impalas...

Le guépard et l'homme

Un compagnon de chasse très recherché

Exploité d'abord pour la chasse comme rabatteur, le guépard a ensuite été chassé par l'homme pour le commerce des peaux. Aujourd'hui, l'homme, son ancien prédateur, cherche à se transformer en protecteur de l'espèce. Mais c'est peut-être trop tard pour la sauver.

Un complice pour les chasseurs

La prodigieuse aptitude du guépard à la course a, depuis longtemps, fasciné l'homme qui a cherché à l'utiliser pour ses chasses, en particulier pour attraper les animaux les plus rapides.

Le nom anglais du guépard cheetah vient en fait de l'hindi chita, qui désigne la panthère et signifie « tacheté ». On retrouve la même racine dans le nom indien du cerf axis chital, ou cerf tacheté. En Inde, le guépard était le hunting cheetah, la panthère de chasse, c'est-à-dire celle qui pouvait être domestiquée.

Les Indiens et leurs ancêtres moghols ne sont sans doute pas les premiers à avoir tenté de dompter cet animal. Les pionniers ont peut-être été les Égyptiens, il y a 4 300 ans, avec les Sumériens et les Assyriens, comme en témoignent certaines fresques et quelques bas-reliefs.

Au xiiie et au xive siècle, lors de ses fameux voyages en Orient, Marco Polo cite le guépard comme l'animal de compagnie et de chasse à la cour des empereurs moghols. On raconte qu'Akbar dit « le Grand », l'homme le plus prestigieux de cette dynastie, disposait pour ses chasses de « meutes » composées de centaines, voire de milliers de guépards : il en aurait domestiqué ainsi 9 000 pendant son règne... On imagine combien d'animaux sauvages ont dû être capturés pour alimenter pareil « chenil ». En fait, le guépard a survécu dans ce rôle de compagnon de l'homme jusqu'à la fin du xixe siècle en Inde.

À cette époque, ces animaux servaient essentiellement à la chasse à courre, ils y étaient utilisés un peu comme des faucons : la tête encapuchonnée, ils étaient conduits à portée de vue des gazelles. Là, on leur enlevait leur capuchon et on les libérait. À chaque capture, ils se voyaient récompensés par quelques bons morceaux. S'ils ne revenaient pas, on les poursuivait à cheval, leur faible endurance ne leur permettant guère de courir très longtemps.

Les guépards apprivoisés faisaient l'objet de certains égards dans les pays d'Orient.

Le transport des félins était assuré par des chariots spécialement aménagés. Akbar avait son guépard favori qu'il faisait précéder d'un tambour lors des processions. Dans les cours princières de l'Inde, ces félins étaient classés selon leur succès à la chasse.

Quand ils ne chassaient pas, les guépards avaient parfois le droit de circuler en toute liberté dans le palais. Leur comportement restait alors habituellement doux, voire affectueux...

L'ornement des stars

L'étonnante douceur, le regard mélancolique et les profonds ronronnements de ces animaux ont fait d'eux, dans les années 1960, les animaux de compagnie de luxe de nombreuses vedettes – chanteurs, acteurs à la mode. Il était du dernier chic de s'exhiber en tenant un guépard en laisse comme le firent plusieurs actrices de cinéma au festival de Cannes. Malheureusement, le mode de vie de ces personnes ne convenait pas à l'animal, qui, souvent, mourait de maladies pulmonaires à force de respirer l'air pollué des villes et à qui manquaient les vastes espaces africains...

Le guépard est-il menacé de disparition ?

Plusieurs études ont tenté de prouver ou de contredire la thèse d'un déclin des populations de guépards. En 1986, le zoologiste américain P.H. Hamilton, qui a étudié la panthère et le guépard au Kenya, a pris le contre-pied du pessimisme général en s'efforçant de montrer que le guépard résiste mieux qu'on ne le croit à l'évolution – due à la présence de l'homme – de son cadre de vie. Pour cet expert, le guépard africain ne serait pas en danger, mais ce serait la panthère, dont on vante pourtant les capacités d'adaptation, qui, des deux animaux, serait la plus menacée. Cela pour toute une série de raisons. D'abord, le guépard devrait à sa discrétion (il ne s'approche guère, même dans les zones d'élevage, des campements humains) d'échapper plus facilement que le lion et la panthère aux foudres des éleveurs. Bien plus : il serait délivré par eux de ses rivaux.

Bien adapté aux régions semi-arides ou arides, le guépard sait en outre utiliser la végétation de son habitat pour se dissimuler aux yeux des bergers comme pour s'approcher de ses proies. N'étant pas charognard, il risque moins d'être empoisonné par des proies contaminées. Enfin, contrairement à la panthère, ses déplacements sont assez imprévisibles, de sorte qu'on le piège difficilement.

Pour Hamilton, dont les études couvrent vingt années, entre 1960 et 1980, les guépards sont restés durant ce laps de temps au moins aussi nombreux qu'auparavant. Le développement de l'agriculture dans les régions qu'ils parcourent ne les a pas vraiment gênés. Ainsi, leur effectif s'élevait alors à 1 000 ou 1 200 au Kenya, tandis que la population humaine avait augmenté de 5 % par an, avec des effets dramatiques pour la grande faune, notamment pour les éléphants, les rhinocéros et même les panthères, dont la peau est toujours très appréciée. Quant à la faune « moyenne » qui fournit aux grands prédateurs leurs proies traditionnelles, elle s'est également réduite. Mais le guépard se satisfait d'espèces plus petites, comme ces antilopes dik-diks qui pèsent moins de 10 kg, ou encore des lièvres, des oiseaux terrestres (pintades, francolins) qui résistent mieux à la pression agricole. Dépendant moins des points d'eau que les autres félidés, les guépards ont une grande capacité de survie même aux abords du Sahara. En 1990, l'étude de Paule M. Gros semblait corroborer celle de Hamilton en montrant la remarquable stabilité des effectifs au Kenya mais montrait aussi une chute brutale en dehors des réserves. L'U.I.C.N. a classé l'espèce commune dans la catégorie « vulnérable » et les sous-espèces d'Asie et d'Afrique du Nord dans les catégories « en danger » et « en danger critique d'extinction ».  Le guépard affronte plusieurs périls : d'ordre environnemental comme la réduction de son habitat et sa chasse par les éleveurs de bétail, mais aussi et, semble-t-il, principalement, d'ordre biologique : sa très faible diversité génétique le rend en effet particulièrement vulnérable aux maladies et compromet son adaptation à de brusques changements de son environnement ; sa spécialisation alimentaire le met par ailleurs en compétition avec les lions et les hyènes ; enfin, sa reproduction difficile et mal connue - due au pourcentage important de spermatozoïdes anormaux, aux chaleurs peu marquées des femelles et à la complexité des comportements d'accouplement - le rend aussi vulnérable.  

Que l'on soit optimiste ou pessimiste, on ne peut ignorer les menaces qui pèsent sur l'ensemble de la faune du continent africain. S'il existe chez le guépard d'étonnantes capacités d'adaptation, la survie finale de l'espèce dépend surtout, ici comme ailleurs, de la mise en place d'un ensemble de réserves situées dans les régions où il a toujours été présent.

La reproduction en captivité

Désireux de lutter contre une disparition lente de l'espèce, de nombreux experts se sont penchés sur le mode de reproduction du guépard. Une grande difficulté est tout de suite apparue : le guépard ne se reproduit guère en captivité. C'est ainsi que, malgré des siècles de capture, le guépard n'est jamais devenu un animal domestique comme le chameau, par exemple.

Les chroniques de l'empereur moghol Akbar ne signalent qu'une seule naissance, et cela malgré les énormes effectifs des guépards captifs et l'expérience probable des soigneurs. Le seul fait que cette unique naissance soit mentionnée illustre l'importance de l'événement. Il a fallu attendre l'année 1956 et la naissance de guépards au zoo de Philadelphie pour enregistrer un nouveau succès. Mais, depuis, ces naissances (comme celles qui ont eu lieu à plusieurs reprises à Montpellier) restent des exceptions. Impossible de les provoquer à volonté.

Ce handicap a amené les chercheurs à s'intéresser à la physiologie de l'espèce. Ils ont mis en évidence des phénomènes comme l'abondance des spermatozoïdes anormaux chez le mâle, ainsi que la faible survie des bébés guépards nés en captivité. Une méconnaissance des besoins de l'espèce, dans les conditions de captivité, est peut-être à l'origine de carences. Pour essayer de résoudre le problème, divers programmes d'études ont été mis en place. L'un des plus anciens et des plus connus est celui du centre sud-africain De Wildt Cheetah and Wildlife Trust , situé près de Pretoria. Le fait que, même dans leur pays d'origine, les guépards captifs se reproduisent difficilement indique à quel point sont importantes les conditions d'élevage. On peut également citer le parc Wildlife Safari de Winston  (Oregon) où 38 portées et 149 guépards sont nés depuis la création du centre en 1973. Ces deux sites ont servi de point de départ aux travaux de Stephen O'Brien et de son équipe de généticiens, qui ont mis en évidence la disparition des variantes génétiques dans cette espèce. Toutefois, le nombre des tests – essentiellement des prises de sang – est encore très insuffisant. Pratiquer de nouveaux examens, notamment pour les guépards asiatiques ou pour ceux vivant sur la bordure saharienne, serait nécessaire pour confirmer l'existence d'une identité génétique entre tous les guépards.

Une initiative analogue a été prise parallèlement en Grande-Bretagne. Un même protocole sanitaire et de gestion de groupe a été adopté dans tous les centres concernés. Mais la gestion de tels projets n'est pas aussi simple qu'on l'imagine, les animaux exigeant beaucoup de tranquillité. Si des naissances ont lieu, la femelle et ses petits doivent être soustraits aux regards des visiteurs, d'où la nécessité d'installations spéciales dans ces parcs.

Dans la nature, le mâle et la femelle ne vivant pas ensemble, il importe donc de les séparer aussi dans le parc. En créant ainsi une sorte de « célibat » artificiel, on tente de synchroniser les chaleurs de la femelle avec le retour du mâle. Lorsque l'accouplement a eu lieu, le mâle est à nouveau éloigné pour laisser la femelle préparer seule la naissance souhaitée. La méthode a donné de bons résultats puisque des naissances ont été enregistrées, apparemment grâce à cette alternance de séparations et de retrouvailles.

Doit-on pour autant envisager un retour des animaux dans la nature ? Cela paraît assez difficile. Comment retrouveraient-ils les gestes de leur espèce ? L'apprentissage de la vie sauvage par la mère apparaît irremplaçable. Sans lui, il n'est pas sûr que les animaux précédemment maintenus en captivité puissent affronter des prédateurs restés libres, ni qu'ils puissent supporter les conditions de leur ancienne vie. En France, l'association Cresam (Conservation et reproduction des espèces africaines menacées) créée en 2002, mène des recherches visant à établir les empreintes génétiques des guépards afin d'en optimiser la reproduction en accouplant des couples présentant la plus forte hétérogénéité génétique possible. Par un brassage génétique des populations, les effets de la consanguinité seraient ainsi combattus. La maîtrise de l'insémination artificielle permettrait alors de choisir les reproducteurs dans les parcs zoologiques et d'inséminer des femelles sauvages, ce qui pourrait être le dernier moyen d'éviter  l'extinction des sous-espèces nord-africaine et asiatique.

Le contrôle du commerce de guépards

Le commerce des fourrures est resté libre de toute réglementation jusque dans les années 1960. Il a alors beaucoup diminué dans les pays occidentaux, qui étaient les principaux importateurs.

En 1970, les États-Unis importaient encore 140 000 peaux de félins dont quelques milliers de guépards. Ces chiffres ont considérablement chuté et, pour la période allant de 1972 à 1980, les importations américaines ont été d'environ 20 000 peaux (la plupart étant des peaux de lynx en provenance du Canada).

L'espèce est protégée par la Convention de Washington (Cites) mais au cours des années 1990,  on a estimé que le seul moyen d'assurer la conservation de populations de guépards pouvant circuler librement sur les terres agricoles, était  de donner aux propriétaires la possibilité de tirer des avantages financiers directs et/ou d'obtenir des compensations pour les pertes encourues dans leur bétail. L'autorisation de la chasse aux trophées avait en effet été couronnée de succès en Namibie. L'exportation d'animaux vivants destinés à des programmes d'élevage en captivité reconnus au plan international est devenue également un élément important de cette stratégie.  Aussi des quotas d'exportation annuels pour les spécimens vivants et les trophées de chasse ont-ils été autorisés pour le Botswana (5), la  Namibie (150) et le Zimbabwe (50). Le commerce de ces spécimens est soumis aux contrôles spécifiés dans l'Article III de la Convention. En 2008, les zoos enregistrés à l'ISIS (International Species Information System) abritaient ainsi plus de 1 000 mâles et 750 femelles de l'espèce africaine commune et 61 mâles et 46 femelles de la sous-espèce Acinonyx jubatus soemmeringii.