temps

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin tempus, dont la racine donnait tempus et templum., elle-même venant d'une racine grecque qui a donné témnô, « couper, découper » ; tomè, que l'on retrouve dans « coupure ». En latin, cette filiation a donné plusieurs sens principaux qui se retrouvent en français : la division de la durée ou moment, l'époque, l'occasion favorable, la situation ou la conjoncture. En grec, Kronos.

Philosophie Antique, Philosophie Médiévale

Succession selon l'avant et l'après, qui constitue la dimension non spatiale de tout changement. – Selon Platon et Plotin, « image mobile de l'éternité »(1). – Selon Aristote, « nombre du mouvement selon l'avant et l'après »(2). – Selon le stoïcien Chrysippe, « extension du mouvement, en fonction de laquelle on parle de mesure de la rapidité et de la lenteur ; ou encore extension qui accompagne le mouvement du monde »(3). – Associé à la vie de l'âme, le temps est, selon Plotin, « la longueur d'une telle vie, qui avance selon des changements réguliers et uniformes »(4) et, selon Augustin, la « distension de l'esprit » (distensio animi(5)).

La notion de temps est liée à la perception du changement et de la succession(6). Ainsi, l'un des plus anciens sages de la Grèce, Anaximandre, dans l'unique fragment qui nous soit conservé de lui, parle de « l'ordre du temps » comme de la loi à laquelle les choses sont soumises(7).

Mais, comme l'un des points de référence pour la perception et la mesure du temps sont les mouvements du soleil et du ciel, et « comme tout est dans le temps et dans la sphère du tout », les Grecs ont souvent identifié le temps au mouvement de l'univers, voire à la sphère de l'univers elle-même(8). La première thèse est attribuée par la tradition à Platon, et la seconde à Pythagore(9).

La première thèse ne se trouve pourtant pas dans le Timée, de Platon. Certes, celui-ci y décrit le caractère mobile du temps en l'opposant à l'immobilité de l'éternité, dont il est l'image « qui avance éternellement selon le nombre »(10), mais il n'identifie pas le temps au mouvement de l'univers. Cette conception s'inscrit, chez Platon, dans le cadre plus général de l'opposition de l'intelligible comme être immuable et du devenir soumis au flux. Elle a pour conséquence qu'il considère le temps comme « né avec le ciel ».

Comme le temps peut être mesuré par divers moyens (clepsydres, cadrans solaires), de même que les surfaces peuvent l'être par un instrument gradué, le temps en vient à être conçu comme un nombre. Cette conception, déjà évoquée par Platon, est explicitement développée par Aristote, dont les analyses constituent la première tentative d'explication physico-mathématique du temps(11). Aristote montre, en effet, que le temps ne peut pas être le mouvement, mais seulement « quelque chose du mouvement ». Et, comme l'une des caractéristiques du temps est qu'il est plus ou moins grand, le temps est une grandeur. C'est un « nombre nombré », et non un nombre nombrant, c'est-à-dire que le temps est ce qui est décompté par le mouvement : par exemple, le temps est le nombre décompté par un certain mouvement sur un cadran solaire. En outre, ce nombre, contrairement à la quantité de lieu parcourue dans un mouvement (distance), est le nombre ordinal de ce mouvement selon la succession de l'avant et de l'après(12).

La possibilité de mesurer le temps pose un problème qui lui est commun avec le lieu : le temps est-il continu et divisible à l'infini, ou est-il composé de quantités de temps indivisibles ? Ce problème avait été soulevé par certains arguments de Zenon d'Élée, montrant que, si le temps est composé d'instants, il est immobile. Aristote résolvait ce paradoxe en soutenant que le temps n'est pas composé d'instants(13).

La conception stoïcienne du temps est, comme celle d'Aristote, une conception physique d'un temps de l'univers. Mais les stoïciens ont abandonné les aspects mathématiques de la conception d'Aristote, et définissent seulement le temps comme l'extension d'un mouvement. Contrairement aux aristotéliciens, qui avaient rejeté la conception d'un temps cyclique(14), les stoïciens ont soutenu la thèse d'un temps périodique(15), lié à leur doctrine de l'éternel retour.

À côté de ces tentatives de compréhension physico-mathématique du temps, la conscience intime du temps a conduit aussi à l'associer étroitement à l'âme : la question d'Aristote (« On peut se demander si le temps existerait ou non, s'il n'y avait pas d'âme »(16)) reçoit chez Plotin et chez saint Augustin une réponse négative, mais pour des raisons différentes : reprenant l'opposition platonicienne du temps et de l'éternité, Plotin soutient que le temps est engendré par l'« affairement » de l'âme et par son mode de vie propre, qui produit ses actes dans la succession(17) ; saint Augustin, comprenant le temps, à l'instar d'Aristote, comme ce qui est mesuré, souligne que seul l'esprit est capable de mesurer, et que c'est donc dans l'esprit que le temps est mesuré.

L'analyse est célèbre(18). Un son, pendant qu'il résonne, s'étend en un « espace de temps », dont on peut indiquer la quantité, mais à condition que ce soit une quantité achevée, c'est-à-dire que nous le saisissions du début à la fin, car tant qu'il n'est pas achevé nous ne pouvons le comparer à quoi que ce soit. Mais, d'autre part, lorsqu'il est achevé, il n'est plus ; or, seul ce qui est peut être mesuré. Ce n'est donc pas le son en lui-même que je mesure. En outre, lorsque je compare entre elles deux durées, comme une syllabe brève et une syllabe longue, ni le mesurant ni le mesuré ne sont plus lorsque je les rapporte l'un à l'autre. Par conséquent, ce que je mesure, et ce avec quoi je mesure, c'est quelque chose qui s'est déposé dans ma mémoire et que je me rappelle : c'est l'impression faite par les choses qui, demeurant présente dans l'âme, peut être mesurée, parce que l'âme ouvre en soi l'espace de temps dans lequel cette durée est conservée comme telle. De même évaluons-nous, par anticipation, la longueur d'un son que nous voulons émettre : nous le prononçons dans l'intériorité de l'esprit, puis le confions à la mémoire pour fournir la mesure du son que nous prononçons effectivement. Le fameux exemple du chant rassemble les trois dimensions de la temporalité : le futur, à savoir les parties encore à chanter, vers lequel se tend l'esprit ; le présent, dans lequel chaque note est chantée à son tour ; le passé, à savoir les parties déjà chantées, vers lesquelles l'esprit se tend également pour les conserver à la conscience et assurer l'unité du chant, faute de quoi nous n'aurions jamais conscience que de sensations actuelles séparées les unes des autres. Ce double mouvement vers l'avenir et vers le passé est une distension de l'esprit, accompagnée d'un recentrage dans le présent par l'attention. L'intervalle de la durée, la temporalité même, est donc ouvert au sein de l'âme par son extension permanente.

Mais, de même que chez Plotin, c'est le temps comme hypostase (et non pas l'âme individuelle) qui engendre le temps du monde, de même chez saint Augustin, c'est l'esprit divin qui crée le temps. Chez l'un comme l'autre, l'association du temps à l'âme ou à l'esprit conduit à répondre de la même manière que Platon à la question de son commencement : le temps a été fait avec le monde, et n'existait pas avant lui(19).

La traduction des traités aristotéliciens, à partir du xiie s., relance l'alternative entre un temps physique et un temps psychologique. Les positions sont cependant moins tranchées qu'on ne pourrait le croire : Aristote lui-même, d'une part, se demande si en l'absence d'âme il y aurait du temps ; Averroès, d'autre part, développe la thèse aristotélicienne que le temps est « quelque chose du mouvement » comme signifiant que le temps est un accident du mouvement, un « être incomplet », nombre en puissance dans le mouvement, que seule l'opération de l'intellect fait être en acte(20). Cependant, c'est le mouvement qui détermine les attributs essentiels de continuité et de succession des parties selon l'ordre de l'antérieur et du postérieur. Le temps péripatéticien est un temps relatif, non pas à l'observateur, mais aux choses. Fondamentalement différent du temps newtonien, qui « coule uniformément », « sans relation à quoi que ce soit d'extérieur »(21), c'est-à-dire même si aucun mouvement ne se produit, même si aucune chose n'existe, le temps péripatéticien n'est pas un contenant universel et indépendant de son contenu, il ne passe au contraire que pour autant que passent des choses, ou plutôt il passe avec les choses, en une détermination réciproque.

Ne pouvant accepter, par ailleurs, qu'il y ait autant de temps que de mouvements divers, les aristotélisants médiévaux, à la suite d'Averroès, font de la priorité accordée par Aristote à la première sphère céleste dans la mesure du temps une priorité également ontologique, car comme toute forme naturelle accidentelle, le temps a besoin d'un substrat physique. Le déplacement du premier mobile devient donc le support existentiel du temps et entre dans sa définition(22).

Cette dépendance du temps à l'égard du mode d'être des choses a également entraîné, chez les péripatéticiens, la dissociation de la notion de temps de celle de durée. Aujourd'hui, à la suite de Newton, « durée » est synonyme de « temps », et désigne par essence un flux, un écoulement. Or, au Moyen Âge, il n'en est rien. La durée d'une chose est généralement définie comme la subsistance ou persévérance dans l'existence, « hors de ses causes ». Par là, elle ne consiste pas nécessairement en une succession d'états. Cela dépend, en effet, de la nature de la chose qui dure. Une dichotomie essentielle distingue les réalités permanentes des réalités successives, c'est-à-dire celles dont tout l'être peut exister simultanément, être donné à la fois, et celles dont les parties ne peuvent exister que l'une après l'autre, et jamais ensemble. À la première catégorie appartiennent les substances, qui ont en tant que telles un mode d'être qui est de demeurer dans la stabilité. Ce ne sont pourtant pas forcément des êtres inengendrés et incorruptibles. Même s'il est contingent et limité, le fait de leur existence, en lui-même, consiste en une persistance sans écoulement intrinsèque, depuis l'apparition de chacune de ces choses jusqu'à leur disparition. Seules sont intrinsèquement successives les modifications accidentelles qui surviennent (altération, augmentation / diminution, déplacement) ; par conséquent, à la seule durée de ces processus de changement convient le nom de « temps », qui désigne une succession (quant au changement substantiel, la génération et la corruption, il s'agit d'un basculement instantané(23)).

Seule la durée du créateur est appelée « éternité » ; la durée non successive des créatures est appelée aevum (du grec aiôn). Elle est semblable à l'éternité en ce que, du point de vue de l'exister même, elle est permanente. Elle en diffère en ce qu'elle est une durée dépendante, causée et défectible. Le monde, pour la première scolastique, n'est donc pas soumis à une même et unique durée, mais est au contraire partagé entre trois durées hiérarchisées : l'éternité, l'aevum et, enfin, seulement, le temps. Ce dernier n'a sous son emprise que la moindre partie du cosmos, les êtres matériels, et encore, seulement la surface de ces choses (leurs accidents), non leur substantialité.

Cependant, d'un côté, l'identification averroïste du temps aux mouvements astronomiques sera contestée avec une objection tirée de saint Augustin, qui excipait du miracle accordé à Josué selon la Bible (Jos. 10, 12) : « Le soleil était arrêté, mais le temps continuait d'aller.(24) » La thèse averroïste selon laquelle, si les mouvements célestes cessaient, le tour du potier s'arrêterait également, une pierre serait stoppée dans sa chute et toute action serait suspendue dans le monde sublunaire, sera visée dans la condamnation parisienne de 1277 et, avec elle, cette conception qui fait dépendre tout mouvement et tout temps du mouvement du premier mobile.

L'opinion d'Averroès sera également attaquée d'un autre côté, en ce qu'elle fait dépendre l'être du temps de son actualisation par notre intellect ; une autre thèse censurée en 1277 (et ici, saint Augustin lui-même pourrait être concerné) est celle qui énonce que l'aevum et le temps n'ont pas de réalité en soi, mais seulement en fonction de leur appréhension par l'âme. Des théologiens, comme Henri de Gand ou Pierre de Jean Olivi, s'attacheront au contraire à défendre l'existence extramentale du temps. Ce qui leur semble en jeu, c'est la possibilité de la Création et de l'histoire du salut.

Toutefois, si l'instant constitue la substance en soi du temps(25), seule la dimension toujours évanescente du présent est ainsi objectivée, et l'embarras demeure grand pour conférer une indépendance réelle au temps en y incluant les dimensions du passé et du futur.

Guillaume d'Occam ouvre une voie nouvelle, en montrant que le problème a été mal posé, et en dépassant le dilemme entre réalité en soi du temps et réalité dans l'âme(26). Il évacue tout simplement la question de savoir ce qu'est le temps, si on entend par là un être du temps. Prenant à la lettre la définition aristotélicienne du temps, nombre du mouvement, Guillaume d'Occam en conclut que le temps n'est rien d'autre que ce par quoi nous mesurons un mouvement ; plus précisément, pour mesurer un mouvement, nous en utilisons un autre, et le temps n'est rien d'autre que cela : tel mouvement pris en tant qu'étalon, de même que l'« aune » n'a pas d'existence intrinsèque en dehors du bâton que l'on prend pour mesurer du tissu. Le terme « temps » « suppose pour » (a pour réfèrent) un certain mouvement, mais connote l'utilisation métrique qui en est faite. Cette connotation qu'il introduit requiert bien l'intervention de l'âme qui opère la mesure, de sorte qu'on doit dire effectivement, comme l'avait remarqué Aristote, que le temps dépend à la fois du mouvement et de l'âme. Mais Guillaume d'Occam évite la conséquence d'un statut ontologique ambigu issu de cette double relation (accident du mouvement, être en puissance mis en acte par l'âme), et la remplace par la propriété d'un terme à dénoter et à connoter.

Identifié purement et simplement au mouvement, le temps est par là même libéré de son ancrage ontologique dans un mouvement particulier. N'importe quel changement pourra faire l'affaire (au besoin, une succession purement imaginée dans le for intérieur de l'âme), pourvu que sa quantité nous soit connue. Rien n'est absolument et en soi mesure, puisque ce concept n'exprime qu'une fonctionnalité cognitive, où le sujet connaissant va du moins connu au plus connu pour lui. Bien qu'il considère encore l'horloge céleste comme le meilleur chronomètre de fait (connoté au premier sens par le mot « temps »), Guillaume d'Occam rend compte de la possibilité d'un artefact qui dise conventionnellement le temps (de fait, la réflexion de Guillaume d'Occam coïncide avec l'apparition, au xive s., des horloges mécaniques et avec l'instauration d'un temps réglé, uniforme, urbain et économique(27)).

Du même coup, une autre entité, l'aevum, tombe sous le rasoir de Guillaume d'Occam. Là encore, le concept clé est celui de connotation. Il n'est pas nécessaire que l'existence d'une chose permanente comprenne en sa définition réelle une succession (auquel cas elle serait une réalité successive, un mouvement). Mais son existence, en tant qu'elle persévère, connote une durée successive, à laquelle nous la rapportons pour signifier qu'elle demeure dans l'être. Il n'est pas jusqu'à l'éternité divine elle-même qui ne soit pensable de la même façon. Nous ne pouvons nous la représenter autrement que comme une durée coexistant à une succession infinie, que nous imaginons(28). Autrement dit, nous ne pouvons connaître l'éternité divine, mais nous la pensons en la projetant sur un axe temporel, un « temps imaginaire » qu'au xvie s. les Conimbricenses qualifieront de plus universel et de plus régulier (s'écoulant toujours à la même vitesse, parce qu'il ne dépend d'aucun mouvement) que celui qui mesure le mouvement de la première sphère céleste(29).

Que toute existence, en tant que présence dans l'être, ne soit concevable que dans l'horizon du temps représente une révolution à l'égard des grandes pensées scolastiques antérieures.

Jean-Baptiste Gourinat, Jean-Luc Solère

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Timée, 37 d ; Plotin, Ennéades, III, 7 (45), 1.
  • 2 ↑ Aristote, Physique, IV, 11, 219 b 1.
  • 3 ↑ Stobée, Anthologium, I, 106 (= Long, A. A. & Sedley, D. N., Les Philosophes hellénistiques, Paris, 2001, chap. 51 B).
  • 4 ↑ Plotin, op. cit., 11.
  • 5 ↑ Augustin (saint), Confessions, XI, 26, 33.
  • 6 ↑ Aristote, Physique, IV, 11, 218b20-35.
  • 7 ↑ Anaximandre, B 1, in J.-P. Dumont (éd.), Les Présocratiques, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1988.
  • 8 ↑ Aristote, Physique, IV, 10, 218 a 35-b20.
  • 9 ↑ [Plutarque], Opinions des philosophes, I, 21-22.
  • 10 ↑ Platon, Timée, 38 b.
  • 11 ↑ Aristote, Physique, IV, 10-14.
  • 12 ↑ Ibid., IV, 11.
  • 13 ↑ Ibid., VI, 9.
  • 14 ↑ [Aristote], Problèmes, XVII, 3.
  • 15 ↑ Long, A. A., Sedley, D. N., les Philosophes hellénistiques, Paris, 2001, 52 C.
  • 16 ↑ Aristote, Physique, IV, 14, 223 a 22-23.
  • 17 ↑ Plotin, op. cit., 11-12.
  • 18 ↑ Augustin (saint), les Confessions, XI, 15-27.
  • 19 ↑ Ibid., XI, 13, 15-16 ; 30, 40 ; Plotin, op. cit., 11.
  • 20 ↑ Averroès, Commentaire sur la physique, IV, com. 98.
  • 21 ↑ Newton, I., Philosophiae naturalis Principia mathematica, définitions, scholie, § I.
  • 22 ↑ Averroès, op. cit., IV, com. 132.
  • 23 ↑ Cf. Aristote, Physique, VI, 5, 236 a 5-7.
  • 24 ↑ Augustin (saint), op. cit., XI, 23, 30.
  • 25 ↑ Henri de Gand, Quodlibet III, 1.
  • 26 ↑ Guillaume d'Occam, Quaestiones in librum secundum Sententiarum (Reportatio), II, qu. IX et X.
  • 27 ↑ Le Goff, J., « Le temps du travail dans la “crise” du xive siècle : du temps médiéval au temps moderne », in Pour un autre Moyen Âge, Paris, 1977.
  • 28 ↑ Guillaume d'Occam, op. cit., II, qu. VIII et XI.
  • 29 ↑ Physique, IV, qu. 1, art. 2.
  • Voir aussi : Alliez, E., les Temps capitaux, t. I : Récits de la conquête du temps, Paris, 1991.
  • Brisson, L., Meyerstein, W., Inventer l'univers, Paris, 1991.
  • Caveing, M., Zénon d'Élée. Prolégomènes aux doctrines du continu, Paris, 1982.
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  • Goldschmidt, V., Temps physique et Temps tragique chez Aristote, Paris, 1982.
  • Ibid., le Système stoïcien et l'Idée de temps, Paris, 1979.
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→ âme, causalité, création, éternel retour, éternité, intentio, mémoire, substance

Philosophie Cognitive, Philosophie Moderne, Épistémologie

Réalité équivoque, car il est à la fois une grandeur physique, symbolisée par le paramètre t (constitutive de la plupart des lois de la physique et des sciences du vivant) et la dimension intérieure de notre conscience où se déroule le cours même de notre existence, tandis qu'apparaît processivement le flux de nos vécus. Le temps investit aussi bien l'extériorité du monde que l'intériorité de notre pensée dans ce qu'elle a de plus intime. Malgré l'omniprésence envahissante du temps, les philosophes, les scientifiques comme les poètes n'ont pu parvenir à une représentation ou à une conceptualisation du temps qui fût l'objet d'un consensus unanime. Tantôt il est conçu comme l'instance du devenir, tantôt comme le simple milieu universel du changement. Or, puisque aucune de ces deux conceptions opposées ne peut prétendre épuiser la totalité des aspects caractéristiques du temps, il est donc nécessaire d'en penser le dépassement.

L'espace et le temps entrent dans la constitution de l'Univers et de tout ce qui relève de la réalité physique sous sa forme la plus générale et la plus englobante. Ce caractère général, abstrait et fuyant rend aporétique toute réflexion sur le temps, car il est toujours déjà là et nous affecte inexorablement : toute réflexion sur le temps présuppose le temps de la réflexion. Cependant, la réflexion ne se comporte pas de la même façon à l'égard de l'espace et à l'égard du temps.

L'espace apparaît, du moins à notre échelle, tridimensionnel et isotrope, c'est-à-dire ayant des directions interchangeables. Les déplacements dans l'espace sont réversibles : d'où un certain degré de liberté pour les mouvements et pour l'homme.

Le temps, au contraire, n'a apparemment qu'une seule dimension, et les changements qui s'y déroulent sont à la fois successifs (ce qui constitue l'ordre du temps) et irréversibles (ce qui définit la direction du temps ou, comme dit Hans Reichenbach, la « flèche » du temps). Le temps est dit « anisotrope » en ce sens que la direction « passé futur » n'est pas interchangeable avec la direction « futur passé ». L'homme, engagé dans la durée, ne parcourt le temps que dans une seule direction. D'où le caractère tragique du temps qui rejaillit également sur l'espace, puisque tout déplacement dans l'espace isotrope nécessite un écoulement du temps irréversible. En ce sens, Lagneau déclarait que le temps est « la marque de mon impuissance »(1). Cet entrelacement de l'espace et du temps a pourtant masqué et banalisé le problème au point de l'escamoter depuis l'Antiquité jusqu'à la fin de l'âge classique, comme Bergson l'a clairement souligné(2).

Toutefois, comme le temps est une réalité « équivoque », il convient d'élucider son équivocité afin de mieux en appréhender la nature. En effet, le temps est à la fois une grandeur physique, symbolisée par le paramètre t, constitutive de la plupart des lois physiques (qui étaient, le plus souvent dans la science classique, des équations différentielles variant en fonction du temps pris comme variable indépendante) et la dimension intérieure de notre conscience où se déroule le cours même de notre existence, tandis qu'apparaît processivement le flux de nos vécus. C'est ce que soulignait M. Merleau-Ponty, en écrivant que le temps est surtout « une dimension de notre être »(3).

Aussi, en vertu de cette équivocité ou, plutôt, de cette ambivalence, n'est-il pas étonnant qu'il soit difficile d'accorder la série des phases temporelles des vécus (passé, présent, futur) à la structure physico-mathématique (avant, instant repère, après) qui représente le temps au moyen de la droite des nombres réels), et l'instant ponctuel soit comme une coupure dans le continu, soit comme une durée évanouissante aussi petite que l'on voudra ? Certes, s'il est possible de faire coïncider le passé avec l'avant, et le futur avec l'après (dans certains cas), en revanche on ne saurait réduire le présent (Husserl parle même du « présent vivant » qui comporte une certaine épaisseur) à l'« instant infinitésimal » de la physique mathématique. En outre, la notion de présent exige et fait référence à une « présence » effective, à une perspective existentielle, à une subjectivité ouverte au monde, et à partir de laquelle s'ouvrent, pour elle, un passé et un futur ; tandis que le couple avant-après peut s'ordonner à partir d'un instant repère désigné arbitrairement n'importe où sur la droite réelle.

L'un des principaux problèmes épistémologiques du temps consiste à déterminer rigoureusement la sémantique des nombres réels en parvenant à définir très précisément le ou les phénomènes physiques (périodiques et parfaitement réguliers) qu'ils dénotent. À cet égard, le temps cosmique unique, celui de l'expansion de l'Univers (dans le cadre des modèles cosmologiques de la théorie de la relativité générale), pourrait fournir une référence convenable, mais l'on ne dispose pas, à l'heure actuelle, de connaissances suffisantes sur l'estimation exacte de la constante de Hubble, ni de garantie physique sur l'uniformité de ladite expansion, depuis l'instant initial que constitue la singularité du big bang. Un autre problème épistémologique fondamental est de déterminer sur quoi repose l'irréversibilité du temps. La mécanique classique, dans la mesure où ses équations étaient toutes réversibles, était incapable de rendre compte de l'irréversibilité du temps. D'où la question de savoir quelle est la référence physique qui permet de rendre compte de la direction du temps, puisque les seules mathématiques ne peuvent en fournir une. C'est dans les phénomènes thermiques et thermodynamiques que la physique commença partiellement, au xixe s., à rendre compte de l'irréversibilité du temps. La thermodynamique découvrit qu'il existe une dissymétrie fondamentale dans la transformation de l'énergie. Tandis qu'il est possible de transformer intégralement le travail en chaleur, il est impossible de transformer intégralement la chaleur en travail, même dans le cas d'une machine idéale et parfaite. Le premier principe de la thermodynamique (formulé par Helmholtz vers 1847) établissait la conservation de la quantité d'énergie, mais le second principe (découvert en 1824 par S. Carnot et reformulé en 1865 par Clausius) montrait que la qualité d'énergie se dégrade inexorablement, en raison de la croissance de l'entropie. La chaleur est de l'énergie mécanique dispersée, désorganisée, tandis que le travail est de l'énergie concentrée, ordonnée, structurée. Or, la concentration est plus difficile à obtenir que la dispersion. Sir W. Thomson (lord Kelvin) vit, dans le second principe de Carnot-Clausius, une véritable loi du devenir, et Bergson, dans le même sens, déclarait : « Elle [cette loi] est la plus métaphysique des lois de la physique, en ce qu'elle nous montre du doigt [...] la direction où marche le monde.(4) » Pourtant, le problème de l'irréversibilité du temps n'était toujours pas entièrement résolu par la thermodynamique classique : en effet, si l'entropie est bien une variable « macroscopique » des systèmes, elle appartient à notre échelle, mais elle n'a aucun sens au niveau de l'individuel élémentaire, c'est-à-dire au niveau microscopique des molécules animées de mouvements browniens, puisqu'ils sont régis par les lois réversibles de la dynamique. Dans les années 1870, le physicien viennois L. Boltzmann démontra que la description d'un système macroscopique peut se faire par l'intermédiaire d'une fonction de distribution des états microscopiques possibles, en associant ainsi chaque état macroscopique à la probabilité de ses constituants microscopiques. Avec son approche probabilitaire de la thermodynamique, Boltzmann établit que l'entropie croît en fonction du logarithme de la probabilité ; donc la probabilité ne peut que croître dans le temps, par suite de la dissolution des contraintes des conditions initiales. Un système clos, abandonné à lui-même tend ainsi de lui-même vers son état le plus probable, vers la répartition la plus homogène, vers l'équilibre. Il perd, en évoluant, son degré d'organisation primitif ainsi que sa qualité énergétique. L'irréversibilité du temps devient, avec Boltzmann, un fait statistique : aucune loi ne s'oppose à la possibilité d'inverser le sens du temps, mais ce n'est que hautement improbable (il n'y a plus impossibilité, mais improbabilité). Or, Boltzmann n'a pu écarter l'idée que, dans sa propre perspective, la flèche du temps pourrait fluctuer, ni même que localement certains systèmes aient une « fléchette » du temps inversée. Par-delà les paradoxes de la mécanique statistique, le problème qui n'a pu être entièrement surmonté en physique (même dans la mécanique quantique, mais pour de tout autres raisons), c'est que l'irréversibilité du temps n'est pas seulement probable, mais nécessaire.

La plupart des difficultés que suscite le concept de temps, par-delà son ambivalence épistémologico-existentielle, viennent principalement de la collusion de deux conceptions différentes du temps, fondées chacune sur des aspects fondamentaux et distincts de celui-ci, mais irréductibles :

1) Tantôt le temps est conçu comme l'instance du devenir : à la fois processif et irréversible, fluidique et aventureux. Le temps serait ainsi ce qui produit effectivement le passage processif d'un état à un autre.

2) Tantôt, il est considéré comme une sorte de milieu universel, stable et indéfini, de tous les changements et de tous les événements qui surviennent dans le monde. Ce serait une sorte de contenant universel statique, dont l'existence relèverait soit du monde sensible, soit du sujet percevant et connaissant (Kant parle, en ce sens, de forme a priori, qu'il met au compte du sujet sensible lorsqu'il se rapporte à un objet connaissable). Ce serait, pour ainsi dire, le milieu universel du changement.

Or, on constate, non seulement qu'aucune de ces deux conceptions ne permet, à elle seule, de rendre compte de tous les aspects du temps, mais encore qu'elles ne sont pas pour autant complémentaires : sur de nombreux points, elles s'excluent même mutuellement. Cependant, cette dualité irréductible, cette tension essentielle peut devenir source d'intelligibilité, non pas pour ce qui est de l'être du temps en lui-même, mais pour les phénomènes temporels. Cette dualité se retrouve aussi bien à l'intérieur de l'expérience intime du temps (psychogenèse du temps) que dans sa mise en forme linguistique (structuration adverbiale du temps) et dans les sciences physico-mathématiques (genèse rationnelle du concept). L'impossibilité de « réduire » ce dualisme et d'aboutir à un consensus unanime est l'indice même de la consistance ontologique du temps à la fois objectif et subjectif. Tel est bien le résultat de l'approche du temps que livre M. Merleau-Ponty : « [Le temps] est à la lettre le sens de notre vie, et, comme le monde, n'est accessible qu'à celui qui y est situé et qui en épouse la direction. [...] C'est par le temps qu'on pense l'être, parce que c'est par les rapports du temps sujet et du temps objet que l'on peut comprendre ceux du sujet et du monde.(5) »

Jean Seidengart

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Lagneau, J., Célèbres Leçons, § 40, p. 121, PUF, Paris, 1964.
  • 2 ↑ Bergson, H., Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), pp. 77-94, PUF, Paris. Où il dénonce « l'erreur de ceux qui considèrent la pure durée comme chose analogue à l'espace, mais de nature plus simple. [...] Notre conception ordinaire de la durée tient à une invasion graduelle de l'espace dans le domaine de la conscience pure ».
  • 3 ↑ Merleau-Ponty, M., Phénoménologie de la perception (1945), partie III, p. 475, Gallimard, Paris, 1971.
  • 4 ↑ Bergson, H., l'Évolution créatrice (1907), III, p. 244, PUF, Paris.
  • 5 ↑ Merleau-Ponty, M., op. cit., p. 492.
  • Voir aussi : Aristote, Physique, IV, Belles Lettres.
  • Augustin Saint, Confessions, XI, ch. 10-28, Garnier-Flammarion.
  • Correspondance Leibniz-Clarke, éditée par A. Robinet, Paris, PUF, 1957.
  • Bergson, H., Essai sur les données immédiates de la conscience, PUF ; la Pensée et le Mouvant, PUF ; Durée et Simultanéité, PUF.
  • Gonseth, F., le Problème du temps, Neuchatel, Griffon, 1965.
  • Hawking, St., Une brève histoire du temps, Flammarion.
  • Heidegger, M., Être et Temps, Paris, Gallimard.
  • Hume, D., Traité de la nature humaine, livre I, partie II, sections 1-3.
  • Husserl, E., Leçons sur la phénoménologie de la conscience intime du temps, PUF, 1964.
  • Kant, E., Critique de la raison pure, Renaut, Garnier-Flammarion, Paris, 2001.
  • Merleau-Ponty, M., Phénoménologie de la perception (1945), III, 2, Gallimard, Paris, 1971.
  • Newton, I., Principes mathématiques de la philosophie naturelle, I, scolie, 1687.
  • Reichenbach, H., The Philosophy of Space and Time, Dover Reprints, New York, 1958.
  • Taggart, M., Temps éternité immortalité, tr. S. Bourgeois Gironde, éd. De l'Éclat, 2000.
  • Whitrow, The Natural Philosophy of Time, Clarendon, 1980.

→ cosmologie, cosmos, devenir, durée, espace, éternité, monde, univers




Le temps suit-il son cours ?

Depuis Héraclite (au moins), nous ne cessons d'associer le temps à la labilité, à la fuite, et nous le comparons volontiers à une sorte de fleuve qui nous entraîne inexorablement. Le temps est donc implicitement supposé avoir un « cours », orienté du passé vers l'avenir. Comment les physiciens représentent-ils ce cours du temps ? À quelles conséquences tangibles cela les conduit-il ? Les horloges disent-elles toute la vérité sur le temps ? Il semble bien qu'existe, en marge du temps physique, un autre temps, qu'on appelle « temps vécu » ou « temps psychologique ». Quelles propriétés ces deux sortes de temps partagent-elles ? Quelles sont celles qui les opposent ? Par quoi ces deux temps peuvent-ils être liés l'un à l'autre ?

L'invention du temps physique

La physique moderne a véritablement commencé à la fin du xvie siècle, notamment avec Galilée, qui s'intéressa au statut à donner au temps pour penser le mouvement. Pour permettre la mesure du mouvement, le temps doit lui-même devenir mesurable, et il ne peut l'être que s'il est pensé comme un écoulement uniforme, sans terme ni discontinuité. C'est dans cet esprit que Galilée étudia la chute des corps. Il réalisa que, si le temps, plutôt que l'espace parcouru, est choisi comme paramètre fondamental, alors la chute des corps obéit à une loi simple : la vitesse acquise est proportionnelle à la durée de la chute. Cette découverte ouvrit la voie de la mathématisation du temps. Cette dernière a insidieusement accentué la personnification du temps, déjà bien amorcée dans la métaphysique grecque : le temps s'est vu accorder une position de « surplomb », devenant une matrice transcendante contenant tous les événements passés et futurs. Depuis Galilée et, surtout, Newton, il est perçu comme un être abstrait, universel, impersonnel, comme une sorte d'enveloppe mécanique du monde dans laquelle tout s'inscrit, s'insère et se déploie entre un début et une fin.

Puisqu'un seul nombre suffit pour préciser une date, le temps physique est supposé n'avoir qu'une dimension. Il est donc assimilé à une ligne continue, composée d'instants infiniment proches parcourus les uns après les autres. Cette représentation implique qu'il n'y a qu'un temps à la fois, conformément à ce que nous apprend l'expérience, qui nous présente des événements se chevauchant dans le temps, mais jamais de lacunes. Notons qu'elle soulève toutefois d'embarrassantes questions. D'abord, pour engendrer une ligne à partir d'un point, il faut de surcroît se donner ce qui manque toujours à un instant pour faire du temps, et qui est précisément... le temps ! Ensuite, on peut se demander dans quel espace extérieur au temps la ligne du temps doit être tracée : flotte-t-elle dans le vide ou s'appuie-t-elle sur quelque chose ? Enfin, pour pouvoir dire qu'une infinité de points forme une ligne, il faut qu'ils coexistent « en même temps » sous notre regard, ainsi que l'a remarqué Bergson. En effet, une ligne ne peut être perçue sous forme de ligne que par un observateur situé hors d'elle. Or, dans le temps, nous ne pouvons jamais nous extraire du présent pour observer sa continuité avec le passé ou l'avenir. Parler d'une forme du temps supposerait une « vue » sur le temps, que nous n'avons pas.

Reste que, avec sa seule et unique dimension, le temps se voit doté d'une topologie beaucoup plus pauvre que celle de l'espace, qui, lui, a trois dimensions. La ligne qui le représente peut être ouverte ou bien refermée sur elle-même. Dans le premier cas, elle se ramène à une droite. Dans le second, elle équivaut à un cercle. Il n'y a donc a priori que deux types de temps possibles, le temps linéaire et le temps cyclique. Ce que l'on appelle le « cours du temps » se manifeste sur ces deux types de courbes par le fait qu'elles sont orientées, c'est-à-dire parcourues dans un sens bien défini, du passé vers le futur.

Les charmes trompeurs du temps cyclique

Pendant des siècles, c'est la forme du cercle qui l'a emporté sur la figure de la ligne. Il faut dire que le cercle est toujours passé pour la figure de la perfection, pour ce qui enclôt la plus grande surface à l'intérieur d'une ligne de longueur donnée, pour ce qui n'a ni début ni fin, pour ce dont la régularité est si aboutie que nul ne saurait comment l'augmenter. De là vient sans doute la fascination pour l'idée d'un temps faisant des boucles à l'infini (le fameux « éternel retour »), idée qui a largement prévalu dans les grands mythes de l'humanité(1), dans certaines religions(2) et dans quelques philosophies, par exemple celles des stoïciens ou des pythagoriciens et, bien plus tard, celles de Schopenhauer ou de Nietzsche.

Pour les stoïciens, si le monde périt, c'est pour se régénérer indéfiniment à l'identique, avec les mêmes individus numériquement identiques, de sorte que ce qu'on nomme « avenir » n'est que du passé qui va revenir. Rien ne s'ajoute jamais à ce qui est par l'effet du temps, toute nouveauté est impossible. Tout est donné au départ, il n'y a pas de destin, seulement de la nécessité.

Les pythagoriciens appuient, quant à eux, leur idée d'un éternel retour sur le constat des révolutions célestes et du rythme des saisons, à partir desquels ils conçoivent le cycle d'une « grande année » au terme de laquelle tout le ciel doit exactement retrouver sa configuration initiale. La découverte des nombres irrationnels a rendu cette idée d'une « grande année » impossible à défendre, dès lors que les périodes de révolution des différents astres, dont cette grande année était le plus petit commun multiple, ne sont plus exprimables par des nombres entiers.

Quant aux arguments de Nietzsche, ils ont une portée plus vaste que la simple cosmogonie, puisque le philosophe en tire une sorte de morale : si le devenir revient effectivement sur soi pour former un grand cycle où tout réapparaît éternellement, le meilleur comme le pire, alors il nous faut vivre de façon à désirer revivre ce que nous avons déjà vécu, à vouloir l'avenir plutôt que le subir. La doctrine de Nietzsche est, en somme, une invitation à se ressaisir du temps.

Pour Schopenhauer, c'est surtout le concept même de devenir, cher à Hegel, qui doit être dénoncé comme illusoire. Alors qu'il semble toujours annoncer une fin nouvelle, le temps ne fait, en réalité, que ramener au point de départ. Il n'y a donc jamais d'histoire à proprement parler. À l'attente du plaisir succède d'abord la nausée, puis de nouveau l'attente, et ainsi de suite. Tel est le cercle infernal qui fait alterner sans trêve joie, attente et douleur, sans qu'on puisse jamais en sortir : le temps tourne, mais ne progresse pas. Non seulement il ne remplit donc pas sa mission fondamentale, qui est de faire advenir l'avenir, mais en plus, il fait « ré-advenir » le passé. Tout se répète donc, de toute éternité.

Cette incroyable fortune philosophique du concept d'éternel retour, dont s'inspirent le mythe du rocher de Sisyphe et la roue d'Ixion, a quelque chose d'étonnant. En effet, prise au pied de la lettre, l'idée qu'un même cycle temporel puisse se répéter à l'infini est paradoxale. Admettons qu'une telle chose soit possible : ou bien, lorsqu'on parcourt pour la deuxième fois un cycle donné, on se souvient de ce que fut le premier passage, il ne s'agit pas alors d'une authentique répétition du premier cycle, mais plutôt d'une « reprise » puisque l'on ne découvre plus ce que l'on est en train de revivre ; ou bien chaque démarrage d'un nouveau cycle « remet les compteurs à zéro », c'est-à-dire que chaque cycle est vécu pour lui-même, comme un événement unique et neuf, oublieux de ce qui l'a précédé et inconscient de ce qui lui succédera – dans ce cas, il ne s'agit pas non plus d'un véritable retour, puisque celui qui le vit ignore qu'il ne fait que le revivre...

Pour qu'il y ait véritablement devenir, et non simplement répétition des événements du passé, il faut que du hasard, de l'imprévisible et des modifications soient redonnés à chaque fois, de sorte que chaque cycle soit différent du précédent. Autrement dit, il faut injecter de la différence dans la répétition, c'est-à-dire empêcher la répétition à l'identique...

Ces difficultés logiques n'ont pas suffi à entamer l'aura du mythe de l'éternel retour. Sans doute est-ce parce que nous espérons retrouver, grâce à lui, l'origine même des choses par-delà leur dissémination temporelle. Pourtant, ce n'est pas parce que certains phénomènes se répètent que le temps lui-même se répète. Autrement dit, l'existence de cycles « dans » le temps, comme ceux des saisons, n'impose nullement au temps d'être lui-même cyclique. D'une façon générale, le temps ne possède pas nécessairement les propriétés des phénomènes qu'il contient.

Du principe de causalité à l'antimatière

Si les physiciens ont choisi d'adopter un temps linéaire plutôt que cyclique, c'est en vertu du « principe de causalité ». Ce principe est une méthode de rangement des événements, qui les place selon un ordre systématiquement contraint. Dans sa formulation classique, il stipule que tout phénomène a une cause nécessairement antérieure au phénomène lui-même. Ce principe a représenté aux yeux de nombreux philosophes, comme Kant, la forme fondamentale de notre perception du monde, la seule forme réelle de l'entendement. L'ordre chronologique qu'il impose vient immédiatement interdire les voyages dans le temps, puisque ceux-ci permettraient de retourner dans le passé pour modifier une séquence d'événements ayant déjà eu lieu : dans un temps cyclique, aller vers le futur équivaut à retourner dans le passé, le devenir revient sur lui-même pour tout faire réapparaître, de sorte que ce qu'on appelle la cause pourrait tout aussi bien être l'effet et vice versa. Une telle possibilité conduirait à affronter des situations inextricables : un être humain pourrait supprimer dans le passé l'une des causes qui ont permis sa naissance, par exemple empêcher toute rencontre entre son père et sa mère. Un tel paradoxe, possible avec un temps cyclique, ne l'est plus avec un temps linéaire, celui-ci ordonnant les événements selon un enchaînement chronologique irrémédiable.

Cela n'empêche pas que, régulièrement, on interroge les physiciens à propos de la possibilité des voyages dans le temps : les derniers développements de la physique n'autoriseraient-ils pas quelque espoir ? La réponse reste négative, la physique disant en la matière à peu près la même chose que l'intuition et l'expérience courante. C'est là encore une conséquence du principe de causalité. Notre place dans le temps n'est pas libre. Nul ne peut la modifier. Un mot lapidaire de Rimbaud, dans Une saison en enfer, résume ceci : « On ne part pas.(3) »

Le principe de causalité se décline de différentes façons selon les théories physiques. En physique classique, il revient à simplement supposer, comme nous l'avons vu, que la forme du temps est linéaire et qu'on ne peut donc pas rejoindre le passé en allant vers l'avenir.

En relativité restreinte (théorie proposée en 1905 par Einstein), les visions classiques de l'espace et du temps sont ébranlées : ni les longueurs ni les durées ne sont des quantités absolues, c'est-à-dire indépendantes du référentiel dans lequel elles sont calculées. Dès lors, l'espace et le temps apparaissent comme étant intimement liés. Ils doivent être pensés « ensemble » au sein de ce qu'on appelle l'« espace-temps ». Cette théorie de la relativité permet de décrire le mouvement d'objets dont la vitesse n'est pas négligeable devant celle de la lumière dans le vide. Comment intègre-t-elle le principe de causalité ? En affirmant l'impossibilité de transmettre de l'énergie ou de l'information à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans le vide. Les voyages dans le temps et les renversements de chronologie s'en trouvent aussitôt interdits.

En physique des particules, l'affaire devient plus délicate, car il s'agit de décrire des objets à la fois minuscules et très rapides, leur vitesse pouvant être très proche de celle de la lumière. Son formalisme, c'est-à-dire le jeu d'équations sur lequel elle s'appuie, doit donc réussir le mariage de la physique dite « quantique », qui traite des objets très petits, et de la théorie de la relativité, qui traite des objets très rapides. Mais si l'on ne prend pas de précaution, les équations obtenues laissent entrevoir des situations dans lesquelles la disparition d'une particule peut précéder son apparition ! Accepter de telles situations reviendrait à nier l'existence même du cours du temps. On les interdit donc en contraignant le formalisme par des règles mathématiques supplémentaires, qui imposent que la création d'une particule précède nécessairement son annihilation. Les calculs montrent alors que cette contrainte rend nécessaire l'existence de nouvelles particules décrites comme des particules qui « remontent le cours du temps » (car, à la différence de toutes les particules connues, leur énergie est négative, ce qui les rend mathématiquement équivalentes à des entités pour lesquelles le temps coule en sens inverse, du futur vers le passé). Mais « remonter le cours du temps », qu'est-ce que cela peut bien signifier ? Personne ne le sait vraiment. Alors, dans le doute, mieux vaut supposer que le temps a un cours bien défini, et que ce cours est le même pour toutes les particules. Dès lors, les particules à énergie négative semblant remonter le cours du temps peuvent être réinterprétées comme étant des antiparticules d'énergie positive, qui suivent le cours normal du temps. Ces antiparticules, dont l'existence fut prédite par Paul Dirac dès les années 1930, sont aujourd'hui bien connues. Elles constituent ce qu'on appelle l'« antimatière ».

Ainsi, l'existence avérée de l'antimatière est la preuve matérielle (ou, plus exactement, « antimatérielle ») du fait que le temps a un cours bien défini.

Temps physique et temps vécu

Mais il semble bien qu'existe ou, du moins, se manifeste un temps de la conscience radicalement différent de celui qu'indiquent les horloges. Comment ces deux temps sont-ils liés l'un à l'autre ?

Le premier réflexe consiste à considérer le temps du physicien comme une simple extension aux choses qui nous entourent de notre expérience subjective de la durée. C'était, en tout cas, le point de vue de Bergson, qui voulait instituer une correspondance entre les formes de la connaissance et la structure que prennent les choses. Selon lui, c'est notre expérience de la durée, qui est au départ purement subjective, qui finit par fonder notre représentation scientifique du temps, car nous l'étendons tout naturellement, par continuité, au monde qui nous entoure. C'est ainsi, explique Bergson, que la temporalité du sucre qui fond dans un verre d'eau posé sur la table est, en fait, le reflet de mon attente et, éventuellement, celui de mon impatience si les choses traînent trop en longueur à mon goût. En allant ainsi de ma propre conscience au verre d'eau, puis à la table, puis aux autres objets autour de moi, je puis passer assez facilement de l'affirmation « je dure » à la conclusion que « l'Univers dure » également(4). « Nous ne durons pas seuls »(5), écrit Bergson pour signifier cette appropriation temporelle du monde par la conscience. Les choses extérieures durent comme nous, de sorte que le temps, envisagé dans cette extension, peut prendre peu à peu l'aspect d'un milieu homogène. Ainsi passe-t-on de la durée pure, qui est le temps vécu, à la variable mathématique t, qui est le temps spatialisé des physiciens.

Einstein a tenté d'apporter un démenti cinglant, mais peut-être un peu naïf, à l'encontre de cette conception bergsonienne. Pour le père de la relativité, les choses sont simples : « C'est à la science qu'il faut demander la vérité sur le temps comme sur tout le reste »(6). Reste que le temps physique et le temps psychologique semblent bien avoir des propriétés distinctes, voire antagonistes. Déjà, leurs structures diffèrent. Le temps physique est toujours représenté comme un mince filament qui s'écoule identiquement à lui-même. Le temps subjectif, lui, a un cours irrégulier. Il n'est donc pas une quatrième dimension uniforme qui viendrait simplement s'ajouter à l'espace. Sa structure ressemble plutôt à une corde irrégulièrement tressée. On pourrait même se convaincre qu'il comporte plus de dimensions que l'espace lui-même, et, surtout, qu'il possède une intensité variable selon les moments vécus par l'individu. Sa structure est donc, en apparence, sans réconciliation possible avec l'image traditionnelle du temps physique, tracée comme une ligne sur laquelle viennent se juxtaposer, de façon monotone, les instants présents.

Des présents différents

Temps physique et temps psychologique se distinguent également par le fait que le premier, toujours ponctuellement concentré dans le présent, sépare deux infinis l'un de l'autre (l'infini du passé et l'infini du futur), tandis que le second mélange au sein même du présent un peu du passé récent et un peu de l'avenir proche. Dans le temps physique, deux instants successifs n'existent jamais ensemble. Dans le temps psychologique, au contraire, s'élabore une sorte de coexistence, au sein du présent, du passé immédiat et du futur imminent. Le passage du temps perçu ne peut d'ailleurs être pensé qu'en invoquant cette coexistence dans la conscience. C'est ce qu'avait déjà découvert saint Augustin, selon qui existent un « présent de l'avenir » (l'attente) et un « présent du passé » (la mémoire), tout comme existe un « présent du présent » (l'attention). Cette formulation traduit, d'ailleurs, l'expérience humaine du temps d'une façon si remarquable qu'elle a été reprise depuis un siècle par les différentes écoles phénoménologiques, qui trouvent ainsi le moyen de faire communiquer entre eux, d'une façon non contradictoire, les trois « ekstases » du temps que sont le passé, le présent et le futur. Le temps psychologique unit, en effet, ce que le temps physique ne cesse de séparer. Le premier retient provisoirement ce que le second emporte, englobe ce qu'il exclut, maintient ce qu'il supprime. Ainsi, lorsque nous écoutons un air de musique, nous percevons que la note précédente est « retenue » avec la note présente et la projection de la note future pour former un ensemble harmonieux. Le présent ne disparaît pas sans laisser de trace dans la conscience. D'ailleurs, sans cette alliance continuée au sein de la conscience du passé immédiat et du futur imminent, il n'y aurait pas de mélodie à proprement parler, de sorte qu'on a le droit de dire avec Merleau-Ponty que « la conscience déploie ou constitue le temps »(7).

C'est grâce à des arguments sans doutes analogues à ceux que nous venons d'évoquer qu'on comprend pourquoi nous ne sentons pas la fulgurance de l'instant présent. Ce dernier n'a jamais le tranchant du pur éclat, comme si le présent ne devait se donner à nous qu'au travers d'une représentation qui en érode la vigueur essentielle. Nous ne percevons jamais les instants comme des entités singulières, nous ne sentons jamais ces atomes temporels « sans aucune extension de durée », dont parlait saint Augustin(8). Tout se passe comme si, au sein même de la perception attentive et utile au monde, notre conscience faisait jouer un certain coefficient d'« inattention à la vie » pour gommer une part de l'éclat du présent en le mélangeant à des bribes de passé et d'avenir. Le présent tel que nous le ressentons se trouve ainsi distribué de part et d'autre de l'instant ponctuel qui constitue son centre. Il se décompose en deux parts, qui ont précisément pour caractère de ne pas être présentes. La première est faite de ce qui vient d'avoir été et qui passe. La seconde est tantôt un élan qui fait advenir le futur, tantôt une attente passive de ce qui va paraître, souvent un mélange des deux. Le présent s'alimente donc pour nous, en général, d'un mixte bâtard de tension et de rétention, qui « lisse » ce qu'il pourrait y avoir d'explosif ou d'aveuglant.

Mais il y a des exceptions à cette règle ; par exemple, lorsque nous éprouvons une souffrance physique durable. En effet, à tous ses degrés, mais surtout quand elle est intense, la souffrance physique s'exprime comme une impossibilité de se détacher de l'instant présent. Elle met l'être à nu, le dépouille, le réduit à ce qu'il a d'irrémissible. Il y a, dans la souffrance, l'absence insupportable de tout refuge par rapport au temps. Le sujet se retrouve dans l'impossibilité de fuir, l'impossibilité d'avancer ou de reculer. Toute l'acuité de la souffrance est d'ailleurs dans cette impossibilité de recul : le présent s'impose alors sans aucun recul possible.

De l'utilité des montres

Temps physique et temps psychologique se distinguent, enfin et surtout, par leur fluidité. Nous ne percevons pas les durées toujours de la même façon, car l'horlogerie de nos émotions est éminemment anarchique. Si le temps physique s'écoule uniformément, le temps psychologique, lui, est plus irrégulier. Les expériences de ceux qui ont vécu plusieurs mois sans montre ni horloge, livrés à leurs seuls rythmes biologiques, ont parfaitement démontré notre impossibilité à quantifier les durées de façon précise, dès lors que tous les repères extérieurs ont disparu. Très rapidement, l'appréciation des durées qui est faite dans ces conditions se décale notablement de ce qu'indiquent les horloges. Même dans la vie courante, notre appréciation des durées varie avec notre âge, avec notre état d'impatience et, surtout, avec l'intensité et la signification qu'ont pour nous les événements qui sont en train de se produire. Ces différents facteurs donnent à notre rapport au temps des myriades de couleurs, et modifient sa texture apparente. Il y a le temps vaillant, celui qui s'élance vigoureusement et sans regret. Il y a le temps soumis, qui traîne en longueur et se lamente. Il y a le temps jaillissant de la passion, le temps compact de l'impatience, le temps vide de l'ennui. « Il y a des moments qui durent longtemps », dit Arletty, dans Hôtel du Nord, et il y en a d'autres, par exemple dans des situations telles que le jeu ou la bataille, où, à l'inverse, nous ne « voyons pas le temps passer », car nous sommes sollicités de toutes parts, confrontés à l'extrême fugacité d'un présent si dense et si attractif que son devenir absorbe toute notre attention. Tout se passe alors comme si nous étions distraits du temps par l'extrême attention que nous donnons au devenir. Comme l'a remarqué N. Grimaldi, « nous sentons d'autant plus le temps que nous sentons moins le devenir »(9), et réciproquement. Ainsi, lorsque nous attendons un événement avec impatience, nous sentons l'entière compacité de la durée, son incompressible réalité, sa dense épaisseur. Inversement, dans les moments d'ennui, lorsque rien n'advient, lorsque rien ne s'annonce, nous faisons l'expérience, dans un sens « métaphysique », d'un temps sans devenir, presque pur. L'ennui nous mettrait donc en face d'un temps privé de sa capacité à devenir.

Ces multiples configurations du temps psychologique (« sa prodigue hétérogénéité », dirait Bachelard) suffisent à le distinguer du temps physique, qui, lui, n'a qu'une apparence. Cette différence a une conséquence pratique : c'est à elle que nous devons de porter une montre au poignet. Finalement, la fonction principale du temps physique, c'est de remettre nos pendules à l'heure...

Étienne Klein

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Eliade, M., le Mythe de l'éternel retour, Gallimard, Paris, 1989.
  • 2 ↑ À en croire P. Mus, le bouddhisme admet la possibilité d'une inversion du temps. Voir, par exemple, son article « La notion de temps réversible dans la mythologie bouddhique », in Annuaire de l'École pratique des hautes études, Ve section, 1938-1939, pp. 5-38.
  • 3 ↑ « Mauvais sang ».
  • 4 ↑ Bergson, H., l'Évolution créatrice in Œuvres, p. 503, PUF, Paris, 1970.
  • 5 ↑ Bergson, H., Essai sur les données immédiates de la conscience in Œuvres, p. 85, op. cit.
  • 6 ↑ Merleau-Ponty, M., Signes, p. 248, Gallimard, Paris, 1960.
  • 7 ↑ Merleau-Ponty, M., Phénoménologie de la perception, p. 474, Gallimard, Paris, 1995.
  • 8 ↑ Saint Augustin, Confessions, XI, 15.
  • 9 ↑ Grimaldi, N., Ontologie du temps, l'attente et la rupture, p. 20, PUF, 1993.