moralité

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin moralitas. En allemand : Moralität. Du latin mores, « les mœurs », et Sittlichkeit, de Sitte, « coutume », au pluriel, « les mœurs ».

Philosophie Générale, Morale

Caractère qui réside non dans le résultat de l'action, mais dans la conformité à la loi morale de l'intention qui l'anime.

La loi morale est pour Kant un impératif catégorique, un fait de la raison valable pour tout être rationnel, s'énonçant ainsi : « agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse en même temps toujours valoir comme principe d'une législation universelle »(1). La volonté est autonome, et se détermine comme libre en se soumettant à l'impératif de la loi morale. Plus qu'une simple conformité des actes au devoir, la moralité est atteinte lorsque la volonté veut le devoir, agissant en fonction de principes purs a priori. Elle réside dans la conformité des maximes subjectives de la raison et l'universalité de la loi, prenant en compte les autres personnes morales et visant l'unité de ma volonté individuelle et de la volonté de tous. La moralité n'est donc pas dissociable de la communauté universelle des hommes, considérés en tant que personnes. C'est pourquoi Hegel distingue l'« éthique » (Sittlichkeit) et la « moralité » (moralität). L'essence éthique(2) est l'esprit immédiat, le peuple conçu en tant qu'harmonie des volontés particulières et de la volonté générale, fondé sur la coutume sans pour autant se limiter à être une conformité à ces normes extérieures. L'ethos grec, qui en est la source, suppose aussi une dimension personnelle (la personne du droit) et une certaine rectitude vertueuse, bien qu'il ne s'agisse pas encore de la moralität. Cette dernière apparaît, comme « vision morale du monde » avec l'apparition de la « personne », au sens kantien, qui se constitue en intégrant en soi la substance extérieure de la vie éthique, comme « pur devoir ». La conscience ne veut alors autre chose qu'elle-même, en tant qu'universel, et l'exprime dans son action effective, réalisant la moralité car « ce à quoi tend (la moralité), ce n'est pas à rester simple mentalité par opposition à l'action, mais à agir, à s'effectiver. »(3).

Didier Ottaviani

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, E., Critique de la raison pratique, I, 1, § 7, trad. Gibelin, J., Vrin, Paris, 1983, p. 44.
  • 2 ↑ Hegel, G. W. F., Phénoménologie de l'esprit, V, B, trad. Lefebvre, J.-P., Aubier, Paris, 1991, pp. 248-249.
  • 3 ↑ Ibid., VI, C, a, p. 401.
  • Voir aussi : Hegel, G. W. F., Principes de la philosophie du droit, §§ 105-114, trad. Derathé, R., Vrin, Paris, 1986.

→ bien, bonheur, conscience, devoir, éthique, intention, mal, morale, moralisme, personne, valeur, vertu

Psychanalyse

« Moralité est restriction pulsionnelle »(1).

Au début de l'investigation freudienne(2), la moralité est un fait, doté de la puissance des pulsions d'autoconservation, puisqu'elles refoulent les pulsions sexuelles en son nom. La moralité coûte la répression sexuelle, pour la vie, mais elle est inadéquate et inefficiente : la sexualité se réalise dans les symptômes. Plus tard(3), la conscience morale est vue comme retournement des pulsions de mort et d'agression contre la personne propre (surmoi). La moralité coûte la répression de la sexualité et de l'agression, pour la mort. Ses dangerosité, inadéquation et inefficience s'accroissent : la moralité est d'emblée perverse (sado-masochisme), instable et susceptible de régression(4).

Dans l'ontogenèse, les restrictions des pulsions sexuelles et agressives sont internalisées par les jeunes (défenses), selon les demandes des adultes ; de plus, les identifications pérennisent les figures répressives en instances intrapsychiques : surmoi, idéal du moi(5).

Dans la phylogenèse, la moralité résulte de l'élaboration de l'ambivalence originaire des motions de sentiments, lors d'un meurtre. Au nom du père, qu'ils regrettent après l'avoir assassiné, les frères instaurent entre eux le pacte des interdits du meurtre et de l'inceste : le « ne pas » est un « ne plus », qui crée, avec les premiers tabous, la première moralité collective(6).

Reich, Marcuse, les situationnistes, Deleuze et Guattari, Foucault, et les mouvements de libération sexuelle ont développé après Freud le thème de la sur-répression sexuelle et de sa dangerosité. Seul Éros, en effet, a le pouvoir d'élaborer et de lier les pulsions de mort : « faites l'amour et non la guerre », disait le slogan.

Il existe au demeurant une éthique de la cure, qui implique de transmettre l'analyse et d'accompagner le patient jusqu'à ce qu'il puisse décider pour ceci ou pour cela, de manière autonome.

Michèle Porte

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Freud, S., Die Widerstände gegen die Psychoanalyse (1924), G.W. XIV, pp. 97-110, trad. « Les résistances contre la psychanalyse », in Œuvres complètes psychanalytiques XVII, PUF, Paris, 1992, pp. 123-135.
  • 2 ↑ Freud, S., Studien über Hysterie (1895), G.W. I, pp. 75-312, trad. Études sur l'hystérie, PUF, Paris, 1956.
  • 3 ↑ Freud, S., Das Ich und das Es (1923), G.W. XIII, pp. 235-289, « Le moi et le ça », in Œuvres complètes psychanalytiques XVI, PUF, Paris, 1991, pp. 255-301.
  • 4 ↑ Freud, S., Zeitgemässes über Krieg und Tod (1915), G.W. X, pp. 323-355, trad. « Actuelles sur la guerre et sur la mort », in Œuvres complètes psychanalytiques XIII, PUF, Paris, 1988, pp. 125-155.
  • 5 ↑ Freud, S., Das Ich und das Es, op. cit.
  • 6 ↑ Freud, S., Totem und Tabu (1912-1913), G.W. IX, trad. Totem et tabou, in Œuvres complètes psychanalytiques XI, PUF, Paris, 1998, pp. 189-385.

→ angoisse, culture, défense, Éros et Thanatos, idéal, identification, meurtre, moi, pulsion, surmoi, tabou