disposition

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin dispositio, formé sur le supin de disponere, « placer en distribuant, distribuer, mettre en ordre » ; grec diathesis. En allemand Befindlichkeit.

Philosophie Antique

Arrangement, manière d'être, état d'une chose.

La diathesis est d'abord l'ordonnancement des parties, dans une chose qui en possède (comme un discours ou une cité(1)), mais en un sens plus général elle désigne un état, comme la chaleur ou la santé, ou une disposition de l'âme. Sous la première espèce de la catégorie de qualité, Aristote distingue cependant la « disposition » (diathesis) de l'« habitude » (hexis) : cette dernière est une disposition qu'on possède (lat. habere, gr. ekhein), de façon stable (telle la vertu ou la science), tandis que la diathesis est sujette à changer facilement : ainsi une santé fragile ou une maladie occasionnelle(2). Toute hexis est donc diathesis, mais non l'inverse. Pour les stoïciens, au contraire, c'est la diathesis qui est une notion de moindre extension. En effet, chez eux la hexis correspond plus généralement à une caractéristique commune (comme la dureté du fer ou la blancheur de l'argent), tandis que la diathesis en est la pleine réalisation(3). Par conséquent, la hexis admet le plus et le moins, mais non la diathesis : c'est là ce qui les distingue, alors que pour Aristote l'une et l'autre admettent des degrés. Par exemple, disent les stoïciens, la rectitude d'un bâton, sa diathesis, peut être perdue, mais non diminuée : il est droit ou il ne l'est pas ; de même la vertu (on reconnaît là le fameux paradoxe : il n'y a pas de degrés dans la vertu).

Par ailleurs, on traduit aussi par « disposition » l'expression pôs echôn (littéralement : « se trouvant dans tel état »), par laquelle les stoïciens désignent le troisième de leurs genres de l'être corporel. Il s'agit d'une sorte de variation arrivant à une chose, à un « qualifié » (poion, deuxième catégorie), qui est lui-même la différenciation d'un substrat : par exemple le poing est la main disposée d'une certaine manière, le savoir scientifique est la faculté directrice de l'âme disposée d'une certaine manière (pôs echôn)(4).

Jean-Luc Solère

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Phèdre, 236a ; Lois, 710b.
  • 2 ↑ Aristote, Catégories, 8, 8b27-9a13 ; Métaphysique, V, 19-20.
  • 3 ↑ Long, A.A. & Sedley, Les Philosophes hellénistiques, Paris, 2001, 47 M, 47 S (t. II, p. 273, pp. 277-279).
  • 4 ↑ Id., 33 P 2 (t. II, p. 94).

→ catégorie, habitude, habitus, qualité

Ontologie

Chez Heidegger, mode d'être de l'être-au-monde de l'homme (Dasein) ; existential caractérisant le Dasein en tant que disposé selon une tonalité affective.

N'étant pas un sujet neutre coupé du monde, le Dasein est déterminé par une ouverture tonale. Les dispositions affectives ont une fonction de révélation ontologique plus essentielle que la connaissance, remettant ainsi en question l'opposition traditionnelle raison – passion. Ce n'est pas une disposition intérieure et psychologique, mais ce qui ouvre le Dasein en son être-jeté et qui est condition de possibilité de toute émotion ou affect. C'est la manière dont l'homme est éclairé sur sa situation au sein de l'étant auquel il est ouvert, lui révélant son être-jeté et son existence comme tâche à réaliser. Le monde peut ainsi révéler au Dasein des étants, agréables, menaçants, etc. Si la compréhension repose sur l'avenir, la disposition repose sur l'avoir-été. Il ne s'agit pas de réduire les tonalités affectives à un flux de vécus, mais de dégager la condition de possibilité de leur intentionnalité. Or, ces tonalités ont toutes le caractère du se reporter vers... C'est ainsi que, paradoxalement, la peur ne consiste pas dans l'attente d'un mal à venir, car elle n'est pas tant peur de quelque chose que peur pour quelqu'un, de sorte qu'un tel retour à soi implique un oubli de soi se traduisant par un égarement qui fait d'elle un oubli-attentif-présentifiant. Les tonalités affectives se temporalisent à partir de l'oubli comme passé inauthentique, y compris l'espoir qui est un espérer pour soi. Seule l'angoisse s'angoisse pour le Dasein en tant que jeté dans l'étrangeté, se temporalisant à partir de la répétition comme avoir-été authentique, naissant de l'avenir de la résolution, alors que la peur naît du présent perdu. Ramenant le Dasein à son être-jeté authentique, l'angoisse ne peut être éprouvée que par celui qui n'a plus peur.

Jean-Marie Vaysse

Notes bibliographiques

  • Heidegger, M., Sein und Zeit (Être et Temps), Tübingen, 1967, § 29, § 68.

→ angoisse, authentique, existential

Épistémologie, Philosophie de l'Esprit

Tendance, aptitude, faculté, inclination, propension. Pour une chose : être soluble dans l'eau ou être fragile. Pour une personne : être amoureux ou être courageux. Une disposition se distingue d'un état instantané.

Pour Aristote, la puissance est « le principe du changement qui se trouve ou bien dans quelque chose d'autre (que ce en quoi ce changement réside), ou bien dans cette même chose en tant qu'elle est autre »(1). La culture se trouve déjà dans l'inculte, virtuellement ; un âne en ce sens ne sait rien, mais n'est pas inculte. Si la disposition est comprise comme puissance, elle est donc seconde par rapport à l'acte (ou à l'état), car la disposition est finalisée par l'état à atteindre.

Pour le réalisme dispositionnel, les dispositions sont des états cachés (inobservables) des choses auxquelles on les attribue, et donc des propriétés intrinsèques de la chose qui les manifeste. La fragilité révèle une certaine structure moléculaire, le courage révèle une propriété mentale réelle (ou une vertu). L'antiréalisme dispositionnel explique l'usage que nous faisons des termes comme « soluble », « courageux » ou « amoureux » pour décrire des choses et des personnes, mais n'entend pas dire pourquoi le sucre se dissout, ce qui est la cause du courage ou des comportements amoureux.

Dans la mesure où les conditions d'activation sont prises au sérieux, comment maintenir la thèse que les dispositions sont des propriétés strictement intrinsèques ? En effet, les propriétés de l'eau dans laquelle le sucre se dissout sont nécessaires à la dissolution de tel morceau de sucre dans l'eau, mais ce n'en sont pas des propriétés intrinsèques. Faut-il dire alors que les dispositions sont des propriétés de second ordre, sensibles à des conditions externes, mais fondées sur des propriétés de premier ordre, strictement intrinsèques, lesquelles permettent que se manifestent, en certaines circonstances, des dispositions(2) ?

Les dispositions sont supposées nous permettent de comprendre que quelque chose ou que quelqu'un se comporte de telle ou telle façon, par exemple se dissout dans l'eau (solubilité) ou, encore, plonge dans l'eau glacée pour sauver un enfant (courage). Une disposition est-elle alors réellement présente dans ce à quoi on l'attribue ou bien n'est-ce qu'une façon de décrire une chose ou ce qui arrive à quelque chose ?

Roger Pouivet

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Métaphysique, V, 1020 al.
  • 2 ↑ Pour une approche de toutes ces questions, voir en priorité : Mumford, S., Dispositions, Oxford University Press, 1998.
  • Prior, E., Dispositions, Aberdeen University Press, Aberdeen, 1985.
  • Ryle, G., The Concept of Mind, trad. la Notion d'esprit, Payot, Paris, 1986.

→ croyance, esprit