Asclépios

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Dieu de la médecine.
Selon Homère, Asclépios est un mortel, prince de Thessalie (né dans le sud de la région, à Trikké, ou Tricca), « guérisseur sans reproche » instruit par Chiron, le sage Centaure.
D'après Hésiode, Pindare et Ovide, Asclépios est le fils d'Apollon et de Coronis, la fille de Phlégyas, le roi des Lapithes. Apollon tombe amoureux de la princesse lorsqu'il l'aperçoit se baignant dans un lac. La jeune fille accepte les avances du dieu. Devant retourner à Delphes, Apollon laisse auprès de la princesse une corneille blanche censée la protéger. Or, pendant sa grossesse, Coronis s'éprend d'un jeune étranger, Ischys, venu d'Arcadie. La corneille blanche révèle à son maître l'infidélité de Coronis. Ivre de colère et de jalousie, Apollon tue sa maîtresse d'une flèche. Pris de remords au dernier instant, alors que le cadavre de Coronis doit être la proie des flammes, Apollon arrache son enfant du ventre maternel. Quant à la corneille, qui attend le prix de son zèle, il lui fait perdre à jamais la blancheur de son plumage.
Voir aussi : Coronis (Variante 1)
Asclépios apprend l'art de la chasse et surtout celui de la médecine. Il devient un guérisseur prodigieux, capable de ressusciter les morts (il ressuscite entre autres Glaucos, Tyndare, Hippolyte, Capanée, Lycurgue, Hyménée), grâce au sang de la Gorgone, don d'Athéna : plus précisément, avec le sang des veines de gauche, Asclépios peut causer la mort ; avec celui des veines de droite, il redonne la vie. Tout cela ne fait pas les affaires d'Hadès qui menace de fermer boutique : on ne meurt plus ! Hadès, flanqué de la Parque Clotho, se rend auprès de Zeus et lui fait part de ses doléances désespérées. Le dieu des dieux se laisse persuader par les arguments d'Hadès, d'autant plus facilement que lui-même ne voit pas d'un très bon œil l'immortalité humaine. Il foudroie Asclépios qui a bravé les lois divines. Le dieu laisse une fille, Hygie, déesse de la Santé. Mais Apollon, pour venger la mort de son fils, pulvérise les Cyclopes, qui fabriquent la foudre. Apollon est à son tour condamné à un exil sur la Terre. Cependant, sur la demande d'Apollon, Zeus consent à placer Asclépios parmi les étoiles : il devient la constellation du Serpentaire. Chez Virgile, une fois foudroyé, Esculape (nom latin d'Asclépios) est précipité dans le Styx.
Marié à Épionè, Asclépios est le père de Podalirios et Machaon, deux prétendants d'Hélène, qui mettent leur science de guérisseurs au service des Achéens pendant la guerre de Troie.
Voir aussi : Machaon, Podalirios
Culte et attributs
D'autres versions font d'Épidaure (sur la côte orientale de l'Argolide) le lieu de naissance d'Asclépios, où est érigé en son honneur un grand sanctuaire. Innombrables sont les infirmes, les aveugles, les malades de toutes sortes, venus de la Grèce entière, qui s'y recueillent, y passent la nuit même, au milieu de serpents jaunes, aussi petits qu'inoffensifs. Asclépios apparaît en songe et indique les traitements médicaux appropriés. Épidaure devient rapidement le centre d'une école de médecine, dont les praticiens, les Asclépiades, se targuent d'être les descendants du dieu et, à ce titre, d'avoir connaissance de ses secrets miraculeux ; d'autres écoles d'Asclépiades voient le jour à Cos et à Cnide.
Le serpent est l'emblème principal d'Asclépios : symbole chthonien (c'est-à-dire de la terre profonde), il est l'image du renouveau (il mue chaque année), et on dit alors qu'il a le pouvoir de repérer les herbes médicinales. Après qu'Athènes a adopté le culte d'Asclépios, aucun temple consacré au dieu ne peut être érigé sans qu'un serpent sacré, venu d'Épidaure, n'y soit transféré. À propos de ce serpent, voici la légende qu'on raconte : contraint de guérir Glaucos, Asclépios réfléchit, assis, en tenant une baguette à la main. Soudain un serpent se met à ramper vers sa baguette. Affolé, Asclépios se redresse, tout en frappant le reptile. Comme il ne bouge plus, un autre serpent surgit, se dirige vers le premier et dépose sur son cadavre un brin d'herbe ; l'instant d'après, les deux serpents disparaissent ensemble. Asclépios, qui a identifié l'herbe, s'en sert pour ressusciter Glaucos. Les gens d'Épidaure sont les seuls, dans tout le Péloponnèse, à ne pas tuer les serpents.
Voir aussi : Damasen
La crise de conscience morale et religieuse des Athéniens, après les revers dus à la guerre du Péloponnèse et à la peste de 429, facilite grandement l'introduction d'un dieu plus proche et plus « humain » que les dieux traditionnels.
Né en Thessalie (Crannon, Phères), le culte d'Asclépios se répand à Delphes, dans le Péloponnèse, en Attaque, à Athènes (en 420 av. J.-C. grâce à l'influence de Sophocle) et surtout à Éleusis. Les Romains l'importent en 293 av. J.-C. lorsque la peste s'abat sur la ville éternelle ; ils vénèrent le dieu sous le nom d'Esculape.
Voir aussi : Esculape, Épidaure
Variantes : La naissance d'Asclépios
I. Artémis tue Coronis pour venger l'affront fait à son frère ; Hermès retire l'enfant du corps de la mère.
II. Phlégyas, qui est le plus belliqueux des hommes, vient un jour à Épidaure, histoire de se renseigner sur l'esprit guerrier des habitants. Sa fille Coronis l'accompagne, secrètement enceinte d'Apollon. Après avoir accouché en cachette, elle expose l'enfant sur une montagne, où il est aussitôt nourri par le lait d'une chèvre et gardé par un chien. Aresthanas, le berger, constatant la perte d'une chèvre et l'absence de son chien, part à la recherche de l'un et l'autre, et c'est alors qu'il découvre le nouveau-né. Comme il se penche pour le prendre dans ses bras, des lueurs jaillissent de son corps. Aresthanas se retire brusquement, conscient que cet enfant a du divin en lui. De là se propage, par mers et par terres, la rumeur qu'Asclépios saura guérir toutes les maladies et ressusciter les morts.
III. Arsinoé, fille de Leucippos, est la mère d'Asclépios. (Cette version a été introduite, semble-t-il, pour plaire aux Messéniens : Leucippos est le frère de Tyndare, d'Icarios et d'Apharée ; il règne sur la Messénie.)
IV. L'enfant exposé est trouvé par Autolaos, un des fils d'Arcas ; Autolaos confie le bébé à Trygon qui lui sert de nourrice et qui l'élève à Thelpousa.
V. La tradition la mieux établie veut que le bébé soit confié aux bons soins du Centaure Chiron ; sa fille, Ocyrhoé, connaît son avenir : il porte déjà en lui le salut de l'humanité ; les hommes lui devront leur santé et même une nouvelle vie. Les dieux s'offusqueront de ce pouvoir et le feront mourir. Mais il renaîtra bientôt, à l'égal des dieux. Ainsi, il connaîtra une seconde destinée.
Jupiter, Esculape, Hercule
jupiter. Cessez, Esculape et Hercule, de vous quereller comme des hommes : c'est inconvenant et indigne de la table des dieux.
hercule. Veux-tu donc, Jupiter, que cet empoisonneur soit assis au-dessus de moi ?
esculape. Hé ! certainement, puisque je vaux mieux.
hercule. Comment cela, cerveau brûlé ? Est-ce parce que Jupiter t'a foudroyé, pour avoir fait ce que tu ne devais pas faire, et que tu es admis ici par pure pitié, à partager de nouveau notre destin immortel ?
esculape. Tu oublies, Hercule, que tu as été brûlé sur l'Œta, toi qui me reproches d'avoir passé par le feu.
hercule. Avec cela que nous avons vécu de la même manière ! Fils de Jupiter, j'ai accompli de prodigieux travaux, purgeant le monde, luttant contre les monstres, punissant les brigands qui outrageaient l'humanité ; toi, tu n'es qu'un herboriste, un charlatan, bon tout au plus pour appliquer des remèdes aux malades, et qui n'as jamais rien fait de viril.
esculape. Tu as raison : et c'est moi qui ai guéri tes brûlures, lorsque, dernièrement, tu es monté ici, le corps rôti d'un coté par la tunique du Centaure, et de l'autre par le feu du bûcher. Mais quand je n'aurais rien autre chose à dire, je n'ai pas été esclave comme toi, je n'ai pas cardé de laine en Lydie, vêtu d'une robe de pourpre, recevant des coups de la sandale dorée d'Omphale, et surtout, dans un accès de fureur, je n'ai pas tué mes enfants et ma femme.
hercule. Si tu ne fais trêve à tes insolences, tu sauras bientôt que ton immortalité n'empêchera pas que je ne te saisisse et ne te jette du haut du ciel la tête la première, et si bien que Péan lui-même ne pourra guérir ton crâne fracassé.
jupiter. Cessez, vous dis-je, et ne troublez pas la réunion, autrement je vous mets à la porte. Toutefois, il est juste, Hercule, qu'Esculape se place à table au-dessus de toi, puisqu'il est mort le premier !
Lucien
