La modeBilan de deux saisons : des turbulences, le strass et le kitsch ; des coups de vent : l'air marin ; une vedette internationale : le débardeur. La haute couture navigue en eaux calmes, équilibrée et raffinée comme la voulait Chanel. Le strass a brillé tout l'hiver (on l'achète encore au mètre), en cœur, en flèche, en étoile, sur le noir et sur le soir, associant parfois ses éclats aux intempérances du kitsch. Le mot allemand désigne aujourd'hui un composé étrange et volatil, obtenu en assemblant au petit bonheur ce qui est bigarré, drôle et laid. C'est outrancier et irrévérencieux. Enfant du cinéma, l'air marin doit à Visconti son succès depuis Mort à Venise. On a vendu cet hiver des ancres en or place Vendôme, des ancres en plastique dans les bazars. Parmi les cols bleus et les pompons rouges, le débardeur, petit tricot sans col ni manches, court de taille, haut en couleur, s'affirme comme une vedette. Les jeunes filles le collectionnent, les touristes l'emportent en souvenir. Dans la rue, c'est toujours le spectacle, la mode vécue. Le vêtement parle, devient affiche, proclamation, opposition. Il porte des inscriptions pacifistes... ou le visage d'Angela Davis. Tandis que les mères s'habillent de soie plissée, les filles achètent, dans les surplus, des vestes militaires américaines ornées de badges dédorés — « c'est la mode du caniveau », soupirent les confectionneurs alarmés — ou bien, en cotillon de pilou et en sabots, l'œil ingénu et la joue peinte, elles jouent le retour à la terre. Le choix égalise les différences. Les mêmes tricots, les mêmes velours plus ou moins râpés font les adolescents semblables. On peut encore sur l'apparence juger de l'âge et des goûts, mais non des différences sociales, de l'origine, des nationalités. L'habit, souvent, fait le moine...