Beaucoup de dirigeants agricoles redoutent une étatisation des organisations de marchés. Il est vrai que la loi présente encore bien des ambiguïtés. On attend donc des décrets d'application qu'ils précisent divers points restés dans l'ombre. Et, jusqu'à la fin de l'année, avant-projets et projets vont être discutés entre représentants de l'Administration et des agriculteurs.

L'agriculture, dans le projet de budget pour 1983, n'est pas particulièrement privilégiée. Les crédits qui lui sont consacrés augmentent de quelque 10 % : une progression inférieure à celle de l'ensemble du budget de l'État. Les crédits d'investissements sont réduits.

Priorité

Les cotisations sociales des exploitants s'accroissent de 16,5 % alors que les prestations ne progresseront que d'un peu plus de 12 %. C'est, aux yeux de certains, le signe que l'agriculture n'est plus considérée comme l'une des priorités de la politique économique.

Michel Rocard, le ministre du Plan et de l'Aménagement du territoire, s'efforce, le 14 décembre, lors de la présentation du rapport du groupe Agriculture du IXe Plan de rassurer : « L'agriculture, dit-il, sera l'un des points forts du IXe Plan. » Et son directeur de cabinet renchérit : « L'agriculture restera dans les dix ou quinze ans à venir une vraie priorité, ce qui conduira les pouvoirs publics à lui donner les moyens de sa réussite. »

L'année 1982 semble donc devoir mieux finir qu'elle n'a commencé (v. également Journal de l'année 1981-82). Mais, à la veille de la trêve des confiseurs, la Commission européenne rend publiques ses propositions de prix pour la prochaine campagne agricole, qu'elle doit soumettre au conseil des ministres de l'Agriculture des Dix. Elle prévoit d'augmenter les prix agricoles communs, pour la campagne qui s'ouvrira le 1er avril, de 4,4 % en moyenne.

C'est un tollé dans tout le monde agricole, qui revendique un relèvement d'au moins 7 % des prix exprimés en écu, c'est-à-dire en unité de compte européenne. Pour sa part, le ministre de l'Agriculture français, Édith Cresson, juge ces propositions tout à fait « inacceptables ».

La hausse serait pourtant plus élevée pour les agriculteurs français. Aux 4,4 % envisagés par la Commission — qui ne sont qu'une moyenne, certains produits augmentant plus et d'autres moins — s'ajouterait pour eux une majoration de près de 3 %. Le gouvernement, en effet, s'est décidé, en octobre, à rapprocher la valeur du franc vert, cette unité fictive qui permet de traduire en monnaie nationale les prix fixés en écu à Bruxelles, de celle du franc dévalué en juin.

Dégradation

Et cet ajustement se traduit pour les producteurs français par une hausse de 2,84 % des prix de leurs produits applicable à l'ouverture de chaque campagne. Dès le 1er novembre, c'est chose faite pour le porc, et dès le 15 décembre pour le vin. Ce le sera le 1er avril pour les produits laitiers et les viandes bovines et ovines, le 1er août pour les céréales, etc. Bref, une hausse, en définitive, un peu supérieure à 7 %.

Insuffisant, disent les organisations agricoles unanimes, en observant que l'inflation est de l'ordre de 10 % en 1982 et qu'elle sera d'au moins 8 % l'an prochain. Et en soulignant qu'il faudra bien effacer la dégradation du pouvoir d'achat des agriculteurs observée de 1974 à 1981.

Agro-alimentaire

Un secteur clé de l'économie

Pour les industries de l'alimentation, le second semestre 1982 commence dans des conditions difficiles. Le blocage des prix ou des marges, institué en juin après la dévaluation du franc, inquiète tous les chefs d'entreprises qui travaillent déjà avec des marges fort étroites. Et ce blocage se double de l'instauration des montants compensatoires qui, se traduisant par des taxes à l'exportation et des subventions à l'importation, constituent en fait des obstacles aux ventes à l'étranger et favorisent l'entrée des produits de certains de nos partenaires européens, allemands et néerlandais en particulier.

La balance de nos échanges extérieurs agro-alimentaires, d'ailleurs, se dégrade. Les importations progressent plus vite que les exportations. Le solde de notre commerce avec l'étranger, qui a laissé un excédent de 25,4 milliards de F en 1981 (Journal de l'année 1981-82), n'est plus désormais que d'une vingtaine de milliards.