Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Le cinéma français se porte bien. On estime la fréquentation à 180 millions d'entrées pour 2001, soit dix millions de plus que l'an passé. Par ailleurs, les parts du cinéma français passent de 28 % à 32 % du marché, ce qui est extraordinaire pour une année qui compte peu de mastodontes, mais une série de films d'auteurs.

Le journal du cinéma

Raphaël Bassan

La grande surprise vient du triomphe inespéré du film de Jean-Pierre Jeunet, le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, œuvre intimiste, mais qui se trouve en phase avec une attente du public, celle de voir un cinéma en liberté loin de toute langue de bois. Le film de cet ex-court-métragiste est en passe de devenir, même devant Astérix et Obélix, le film de langue française le plus vu de tous les temps.

Si le paysage international du cinéma est assez atypique, trois phénomènes marquent la production nationale : les moyens-métrages qui trouvent un nouveau marché, l'importance des films réalisés par des femmes et le phénomène du numérique.

Le cinéma français

Un bon millésime 2001 avec quelque 180 millions d'entrées

Comme Jean-Pierre Jeunet qui se fit connaître, il y a vingt ans, avec son complice Marc Caro en signant de remarquables courts-métrages (le Manège, 1980 ; le Bunker de la dernière rafale, 1981), une nouvelle génération de cinéastes œuvrant dans le film de petite durée (45 ou 50 minutes) voient leurs œuvres diffusées en salles grâce à la Collection Décadrages de la société Magouric. Ainsi, on a pu découvrir cette année Amour d'enfance d'Yves Caumon, Ce vieux rêve qui bouge d'Alain Guiraudie, la Brèche de Roland de Jean-Marie et Arnaud Larrieux, et l'Arche de Noé de Philippe Ramos. En dehors de parcours personnels différents, ces cinéastes sont de la même génération (nés entre 1964 et 1966) et viennent du sud de la France. Sur le plan artistique, ils font un travail impressionnant au niveau des décors naturels et filment dans leur région, d'où un ton inhabituel dans l'Hexagone où la plupart des cinéastes sont parisiens ou tournent à Paris. Il s'agit d'un cinéma dépouillé (Amour d'enfance) mais aussi parfois loufoque (Ce vieux rêve qui bouge), qui traite, surtout par la mise en scène plus que par le scénario, de l'amour, de la solitude et du retour au pays. On ne peut parler d'école au sens propre du mot, mais le phénomène qu'on note – et qui vaut aussi pour nombre de cinéastes un peu plus âgés, ainsi que pour les films de femmes – est des plus intéressants. Il y a, dans les créations de ce début de décennie, une hétérogénéité d'écritures mais qui se décantent au niveau thématique et se resserrent sur quelques problématiques comme l'équation travail-qualité de vie (l'Emploi du temps, de Laurent Cantet ; Imago, de Marie Vermillard), des rapports riches et complexes au père (Comment j'ai tué mon père, d'Anne Fontaine). Avant d'atteindre les sales, les premiers opus de ces auteurs ont été montrés, via l'Agence du court-métrage très active et de sa revue Bref, dans divers festivals dont celui, exemplaire, de Clermont-Ferrand.

Le court-métrage comme vivier de futurs cinéastes est une chose assez récente. Jusqu'aux années 1950, les futurs metteurs en scène passaient par l'assistanat. La nouvelle vague a un peu popularisé le film court, mais sans s'y appesantir, à l'exception d'Alain Resnais, Chris Marker ou Agnès Varda qui lui sont demeurés fidèles. Il faut attendre la fin des années 1980 pour voir apparaître une nouvelle génération qui, hors de toute école bien tracée, se fera remarquer par le court-métrage. S'y sont révélés notamment Roland Achard, Jean-Pierre Améris (C'est la vie), Christophe Blanc, Laurent Cantet (l'Emploi du temps), Olivier Jahan (Faites comme si je n'étais pas là), Philippe Harel, Caro et Jeunet (le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain), Cédric Kahn (Roberto Succo), Mathieu Kassovitz (les Rivières pourpres), Cédric Klapisch, Philippe Lioret (Mademoiselle), Patrick Mimouni, François Ozon (Sous le sable), Bruno Podalydès (Liberté-Oléron), Michel Spinosa, Éric Zonca, qui ont réalise des films très personnels cette année.