La densité de la végétation rend l'Amazonie impénétrable. Elle demeurera encore longtemps pour les aventuriers un redoutable « enfer vert » et pour les tribus indiennes un refuge efficace. Elle fascine le petit monde des botanistes qui ne cessent de découvrir chaque jour de nouvelles espèces et variétés. À quand l'inventaire précis des richesses du grand herbier amazonien ? Nul ne peut répondre à cette question et ce d'autant moins que l'exploration du monde des micro-organismes ne fait que débuter.

L'Amazone est le fleuve des superlatifs par excellence. N'a-t-il pas le plus grand débit, le plus grand nombre d'affluents et le plus vaste bassin hydrographique ? Aussi son souvenir demeurera-t-il impérissable chez ceux qui l'auront rencontré ne serait-ce qu'une seule fois dans leur vie ou qui auront entrepris de le remonter de Belém à Manaus comme il est permis de nos jours de le faire par les bateaux de l'Entreprise de navigation de l'Amazonie.

Belém, la porte de l'Amazonie

La capitale de l'État du Pará se trouve sur un des innombrables bras du delta amazonien, le fleuve Guama, à 150 km de l'Atlantique, en face de l'île marécageuse de Marajo. Cette position stratégique lui a permis de surveiller l'estuaire et de décourager les incursions ennemies dans le fleuve que les Portugais ont durant quatre siècles jalousement gardé. Symbole et fleuron de ce passé militaire, le vieux fort du Château surplombe la confluence du Guama avec la baie de Guajara. Construit en 1616 sous le gouverneur portugais Castelo Branco, il arbore encore pointés vers le large ses vieux canons de bronze.

Des jardins du fort les visiteurs ont une vue panoramique sur les activités fluviales très intenses, quelles que soient l'heure de la journée et l'amplitude de la marée dont les effets se font encore sentir. Le long du fleuve s'étale le pittoresque marché du Ver-o-Peso, mot à mot : « voir le poids ! » Ce marché, qui rassemble chaque matin de 6 h à 13 h des milliers de gens, doit son nom à l'ancien emplacement du Trésor royal qui prélevait ses taxes sur toutes les marchandises qui entraient ou sortaient du port.

Aujourd'hui agglomération comptant près d'un million d'habitants, Belém présente un type humain très caractéristique, issu du métissage des Blancs et des Indiens. L'influence portugaise reste toutefois prépondérante dans tous les quartiers de la vieille ville où ont été bâties des maisons à étages couvertes d'azulejos de toutes les couleurs et habillées de balcons en fer. La Belém baroque garde des traces du passage des pères jésuites à l'intérieur et à l'extérieur de la cathédrale et de l'église Saint-Alexandre. Mais il faut sortir de la ville et gagner Murucutum pour entendre résonner encore le chant des Indiens dans l'église en ruines et engloutie sous la végétation que les pères ont dû abandonner lors de leur expulsion de la colonie au xviiie siècle.

De Belém à Manaus en bateau

De la capitale de l'État du Pará à l'ancienne métropole du caoutchouc, il faut remonter le fleuve sur plus de 1 700 km. Au départ de Belém, la rive gauche est occupée par une île aussi grande que la Suisse. Dans leurs langues, les Indiens de l'estuaire la comparent à un rempart dressé au milieu du fleuve contre la mer. Plate, inondable, marécageuse, l'île de Marajo est le royaume des oiseaux. À la moindre approche d'un avion de tourisme ou d'un canot à moteur, c'est par centaines de milliers qu'ils s'élèvent subitement au-dessus des étendues d'eau et forment des nuages désordonnés qui hésitent sur la direction à prendre.

Au milieu des vastes plaines appartenant à quelques fazendas, des troupeaux font tache dans ce paysage uniforme et se déplacent avec lenteur sous la surveillance des vaqueiros, bouviers au regard impassible montés sur des buffles. Pour se protéger des fortes averses du climat équatorial, ces étranges cavaliers portent en permanence de grandes capes aux couleurs vives. Ceux qui séjourneront dans l'île auront l'occasion d'aller à la pêche aux piranhas (que les cuisiniers locaux savent fort bien préparer) et d'assister en nocturne à une chasse aux caïmans.