La majorité des exportations extra-européennes partent vers les pays émergents. La crise brutale de ces derniers a donc directement frappé l'économie européenne. Après avoir dépassé 6 % pendant les trois premiers mois de l'année, le rythme de croissance de la production industrielle dans la zone euro a décéléré (+ 4 % en juillet, selon les calculs du CCF). Par ailleurs, la plupart des monnaies du monde entier, à commencer par le dollar, ont reculé par rapport aux monnaies de la zone euro, ce qui ne devrait pas manquer d'affecter les parts de marché européennes. On comprend, dès lors, la contagion du pessimisme « global » aux acteurs économiques européens. En effet, vers la fin de l'année, les chefs d'entreprise sont devenus plus prudents, ce qui risque de se traduire par des décisions d'investissement moins audacieuses. Enfin, la crise internationale n'a pas épargné les comptes des banques européennes, qui ont largement financé les pays émergents. Le risque, c'est qu'elles tentent maintenant de compenser ces pertes sur les marchés étrangers en sélectionnant plus sévèrement, en Europe, les bénéficiaires de leurs prêts. Un tel resserrement du crédit ne manquerait pas de peser sur la croissance. L'année 1999 commencera donc sur un grand point d'interrogation. Mais les raisons d'espérer sont aussi fortes que les raisons de s'inquiéter.

P. R.

Un atterrissage en douceur

Ceux qui tiennent les leviers de la politique économique ont les moyens d'éviter l'atterrissage en catastrophe. En l'absence de risque d'inflation, la Banque centrale européenne peut baisser ses taux d'environ un point, ce qui donnerait des vitamines à la croissance. Quant aux gouvernements, ils peuvent aussi agir sur la demande intérieure (par une baisse des impôts, par exemple, ou par la mise en œuvre d'un programme européen de grands travaux). Cela signifierait, bien sûr, une pause dans la réduction des déficits, qui atteignent dans l'Union européenne 1,7 % du PIB (contre 5,3 % en 1992). Le maintien d'une reprise tant attendue est peut-être à ce prix.

Afrique du Sud : la réconciliation en question

Alors que Nelson Mandela s'apprête à laisser la place à son vice-président, Thabo Mbeki, l'Afrique du Sud est prise de doute. Le gouvernement, pressé par les difficultés économiques, tarde à satisfaire les attentes de la population noire, repoussant d'autant la réconciliation nationale tant espérée. Malgré ces difficultés, le gouvernement a multiplié les tentatives de s'imposer sur la scène continentale, suivant en cela l'idée, chère à Thabo Mbeki, d'une « renaissance africaine » orchestrée par la nouvelle Afrique du Sud.

L'année 1998 restera comme une période charnière dans l'histoire de la nouvelle Afrique du Sud. Elle s'est ouverte avec un événement prévu de longue date : le passage de témoin de Nelson Mandela à son dauphin Thabo Mbeki à la présidence du Congrès national africain (ANC), fin décembre 1997. Le président sud-africain avait déjà préparé le terrain en présentant régulièrement le vice-président comme le véritable gestionnaire des affaires du pays. Il n'empêche : le départ annoncé du chef de l'État, après les élections générales prévues pour la mi-1999, et son retrait progressif de la scène politique, au cours de l'année, suscitent des inquiétudes. En effet, Thabo Mbeki doit faire face à un défi de taille : succéder à un géant, dont il est loin d'avoir l'aura, et répondre aux attentes d'une population noire qui subit encore largement les séquelles de décennies d'apartheid.

Une marge de manœuvre étroite

Il est vrai que la marge de manœuvre du gouvernement est étroite entre la nécessaire satisfaction de la majorité de son électorat et son respect affiché des dogmes néolibéraux, destiné à rassurer les milieux d'affaires et les investisseurs étrangers. Sur le plan social, le Programme de reconstruction et de développement (RDP), qui doit rétablir la justice sociale et économique, tarde à porter ses fruits. Des progrès notables ont certes été réalisés, notamment en matière d'électrification, de santé, d'accès à l'eau potable et de logement, mais des inégalités criantes persistent.