Dès la fin de l'été, les premiers couacs se faisaient entendre. Ce fut d'abord le monde associatif qui dénonça la non-abrogation pure et simple des lois Pasqua-Debré. Deux mois plus tard, s'en prenant à la démarche restrictive du ministère de l'Intérieur dans l'appréciation des critères de régularisation des étrangers, 1 300 artistes et intellectuels de gauche lançaient un appel en faveur de « la régularisation de tous les sans-papiers ».

Las ! Le lendemain, le ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement s'en prenait vivement aux pétitionnaires, jugés « irresponsables ».

L'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) tombait alors comme un couperet : s'appuyant sur la Convention de Genève, elle ne proposa pas moins d'une trentaine de modifications des avant-projets de Jean-Pierre Chevènement sur l'immigration et d'Élisabeth Guigou, garde des Sceaux, sur la nationalité. Puis ce fut au tour d'une partie de la gauche politique de s'en prendre à ces textes, jugés « en recul » par rapport aux prises de positions antérieures. Dénonçant l'extension de la rétention administrative prévue dans le texte sur l'immigration, Robert Badinter rappela qu'une telle disposition avait déjà été censurée par le c-Conseil constitutionnel lorsqu'il le présidait. Dès la fin octobre, des contre-projets étaient en préparation chez les députés communistes et chez les Verts en prévision de la discussion des textes de loi fin novembre.

Assistera-t-on à cette occasion à la consommation du divorce entre une gauche « réaliste » au pouvoir à Matignon, persuadée qu'une loi trop généreuse sur l'immigration fait le lit du Front national et une gauche « morale », composée d'artistes et d'intellectuels, déterminée à défendre coûte que coûte les « droits fondamentaux » des étrangers en situation irrégulière ? Il n'est peut être pas inutile de noter que cette gauche « morale » compte également dans ses rang des avocats, des magistrats et des juristes également mobilisés sur le projet de réforme de la justice qu'Élisabeth Guigou aura la lourde tâche de présenter à la rentrée...

J.-F. P.

Les députés socialistes avalisent l'essentiel du projet

Les députés socialistes devaient se prononcer en décembre sur le projet de loi sur l'immigration. Si l'on excepte l'adoption de deux amendements dont l'un supprime les certificats d'hébergement, le texte mis au point par Jean-Pierre Chevènement était reconduit dans son intégralité. Quatre jours plus tard, une quarantaine d'associations, de syndicats et de partis (dont la LCR, SOS Racisme, SUD et les Verts) appelaient à une manifestation pour exiger du gouvernement qu'il respecte ses promesses. La droite, quant à elle, déclarait vouloir se battre par tous les moyens de la procédure contre le projet. L'examen du texte par l'Assemblée fut houleux. Mais surtout entre la majorité et l'opposition. Celle-là put afficher des convictions de gauche propre à ressouder la majorité « plurielle » ; celle-ci trouva enfin le moyen d'attaquer un gouvernement jusque-là protégé par sa faveur dans les sondages.

Malaise au sein du CNPF

Échec de la politique contractuelle, zizanie autour des 35 heures, démission de Jean Gandois : la crise que traverse actuellement le CNPF est grave.
Va-t-elle déboucher sur un déclin irrémédiable ou une recomposition ?

Le 10 octobre 1997, à l'issue de la conférence sur les salaires, l'emploi et le temps de travail, le Premier ministre Lionel Jospin déclarait devant des syndicats ravis et un patronat abasourdi qu'une loi d'orientation fixerait au 1er janvier 2000 à 35 heures la durée hebdomadaire du travail pour les entreprises de plus de 10 salariés. En choisissant la forme législative et en fixant d'autorité une date d'entrée en vigueur, le Premier ministre infligeait un véritable camouflet à l'organisation patronale qui s'était farouchement opposée, sur les pressions répétées de Didier Pineau-Valencienne et Denis Kessler, à toute fixation d'une date butoir pour les 35 heures légales. La réponse de Jean Gandois, le dirigeant du CNPF, ne se fit pas attendre. Le lundi suivant, expliquant qu'il était « plus un négociateur qu'un tueur » et qu'il n'avait « pas le profil pour défendre les entreprises » contre le gouvernement, il annonçait sa décision de démissionner de l'organisation patronale.