Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

La rétrocession de Hongkong à la Chine

Cent jours après la rétrocession de Hongkong à la Chine, le chief exécutive du territoire réaffirmait solennellement que d'ici une décennie, les Hongkongais pourraient élire au suffrage universel aussi bien leurs députés que le chef du gouvernement local. Lointaine perspective... En attendant, les affaires continuent, vaille que vaille.

Depuis plus de deux ans, une horloge digitale avait été installée sur la façade du musée de la Révolution, place Tian'anmen, à Pékin. Elle égrène les minutes et les secondes séparant les habitants de la capitale chinoise de la restitution de Hongkong à la mère patrie de Hongkong ; Hongkong dernière possession britannique en Asie. Lorsque, quelques instants avant minuit, le lundi 30 juin 1997, l'Union Jack et le drapeau colonial ont été amenés et remplacés par le drapeau rouge de la République populaire de Chine, les dizaines de milliers de spectateurs massés sur la place ont laissé éclater leur joie. Dans le même temps, Chris Patten, dernier gouverneur britannique du territoire, adressait un câble à Londres : « Je renonce à l'administration de ce gouvernement. God save the Queen. »

Préparée de longue date, la rétrocession s'est déroulée selon un cérémonial compassé, mais sans incidents. Tandis que M. Patten et le prince Charles, spécialement débarqué d'un navire de guerre pour l'occasion, assuraient les Hongkongais que le gouvernement britannique demeurerait soucieux de leur destin, le président Jian Zeming, chef du gouvernement continental, réaffirmait l'engagement pris par les autorités chinoises de conserver à Hongkong son statut de port franc, de centre financier, commercial et maritime, conformément à la doctrine « un pays, deux systèmes ». Boycottées par le Premier ministre britannique Tony Blair et par le chef de la diplomatie américaine Madeleine Albright en raison de la dissolution par Pékin du Conseil législatif élu sous les Britanniques, les cérémonies d'intronisation du nouvel homme fort du territoire, le tycoon Tung Chee-hwa se sont déroulées loin des foules qui avaient envahi les rues, hésitant entre doute et excitation. Peu avant minuit, le porte-parole des démocrates hongkongais, l'avocat Martin Lee, s'était adressé du haut du balcon du Conseil législatif à une foule de quelques milliers de fidèles, rappelant que la Chine ne serait vraiment « une grande nation » que lorsque « les droits de chaque individu seraient respectés ».

Six heures après la rétrocession du territoire, quelque 4 000 soldats chinois y pénétraient, s'installant dans les casernes abandonnées par les troupes britanniques.

Le 1er juillet, les nouvelles autorités célébraient dans le faste leur installation en faisant tirer à Hongkong un gigantesque feu d'artifice – festivités à peine troublées par une maigre manifestation (autorisée) de l'opposition démocratique. Puis, rapidement, une fois que l'immense majorité des 8 000 journalistes venus « couvrir » l'événement fut repartie, les Hongkongais sont retournés à leur labeur et à leurs affaires, tandis que les nouvelles autorités s'efforçaient à la discrétion.

Cent cinquante-six ans de présence britannique

Au terme de la première guerre de l'Opium (1840-1842), l'île de Hongkong est cédée à perpétuité à la Couronne britannique par l'empereur de Chine. En 1860, le traité de Pékin stipule l'abandon de la péninsule de Kowloon au Royaume-Uni, puis, en 1898, les « Nouveaux Territoires » sont cédés par bail, pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans. En 1941, les Japonais s'emparent de Hongkong et y demeurent jusqu'à la fin de la guerre. En 1984, Hongkong, devenue la seconde place financière d'Asie, fait l'objet d'une déclaration conjointe de Margaret Thatcher, Premier ministre britannique, et du gouvernement chinois : la rétrocession de la colonie à la Chine est annoncée pour le 30 juin 1997, date d'expiration du bail de quatre-vingt-dix-neuf années. L'accord prévoit l'instauration d'un statut de Région administrative spéciale (RAS) pour les cinquante années à venir. En 1992, Chris Patten est nommé gouverneur de Hongkong, qu'il va s'efforcer, non sans arrière-pensées, de transformer en « vitrine démocratique » face à la Chine communiste.

Des lendemains incertains

Les observateurs s'accordent pour considérer qu'un assez long délai – deux ans au moins – sera nécessaire pour que retombe la « poussière » de la rétrocession et que se dessinent clairement les nouvelles perspectives de l'ancienne colonie – en matière de libertés publiques, d'économie et du point de vue des relations avec la puissance continentale. Au cours des mois suivants la rétrocession, néanmoins, quelques signes sont venus donner le ton de ce qui s'annonçait pour le proche avenir.