La diminution du potentiel militaire russe pourrait faire de la Chine, dans un avenir plus ou moins proche, le dernier opposant sérieux à la domination militaire des États-Unis. Pour l'instant, les relations sino-américaines continuent d'être caractérisées par une extrême ambivalence, accentuée par les intérêts économiques mutuels des deux pays et leurs valeurs culturelles très différentes. Sur la scène mondiale, la Chine ne cesse de dénoncer l'« ingérence de la superpuissance hégémonique » et elle s'efforce de démontrer que c'est elle, et non les États-Unis, qui définira les règles de la sécurité dans l'Extrême-Orient de l'après guerre froide. En mars, l'élection présidentielle qui a lieu à Taïwan est source d'une telle tension que les États-Unis dépêchent d'importantes forces navales au large de l'île nationaliste qu'inquiètent les démonstrations militaires de Pékin.

Le Moyen-Orient

L'assassinat d'Yitzhak Rabin puis l'élection du chef du Likoud, Benyamin Netanyahou, ont constitué autant de coups durs pour la diplomatie américaine sans, cependant, que l'intensification de la coopération militaire avec Israël en soit affectée, entre autres dans le domaine très avancé des programmes antimissile. Bien que la rencontre de Washington entre Yasser Arafat et M. Netanyahou, hâtivement improvisée en octobre 1996, n'apporte qu'un remède fragile au ralentissement du processus de paix, les États-Unis démontrent une fois de plus à quel point leur responsabilité est engagée dans les succès comme dans les échecs diplomatiques de la région.

L'Amérique rappelle cependant qu'elle sait toujours se servir de ses armes quand elle juge ses intérêts menacés. L'Irak de Saddam Hussein, déterminé à contrer l'action des États-Unis, passe par des phases d'apaisement et d'embrasement. Après avoir accepté, après de longs atermoiements, de lever partiellement l'embargo sur les livraisons de pétrole irakien, les États-Unis prennent prétexte des actions militaires de l'Irak au Kurdistan pour déclencher, en septembre 1996, des bombardements, puis pour étendre la zone d'exclusion aérienne et décider la suspension des mesures d'allégement qu'ils viennent de concéder. De tous les dossiers du Moyen-Orient, le plus brûlant reste celui de l'Iran, avec lequel les États-Unis ne sont jamais parvenus à trouver les voies d'un rapprochement depuis la révolution islamiste de 1979. L'Iran défie les intérêts des Américains et de leurs alliés dans la région, économiquement, politiquement et militairement, en soutenant de nombreux mouvements hostiles aux Occidentaux, mais aussi en développant une stratégie défensive contre la présence militaire américaine dans la région. En outre, l'Iran est toujours soupçonné d'être tenté par l'option nucléaire. L'amendement D'Amato-Kennedy, qui prévoit des sanctions économiques pour les sociétés non américaines investissant en Iran, constitue aujourd'hui une arme économique acceptée par la Maison-Blanche, mais à l'égard de laquelle les Européens – l'Allemagne en tête, et la France en soutien proche – entendent ne pas se plier. Enfin, l'Iran dispose d'une capacité d'influence suffisante pour attirer certains États et favoriser le développement de politiques divergentes de celle des États-Unis. C'est d'abord avec les Européens que le problème se pose. C'est ensuite avec la Russie et la Chine, pour qui l'Iran constitue un client dans le domaine du nucléaire, des satellites, et donc des lanceurs (lesquels peuvent, à la limite, constituer des missiles balistiques à finalité militaire). Il n'est pas jusqu'aux relations avec la Turquie, signataire cette année d'un accord de livraison de gaz iranien ayant fortement irrité Washington, qui ne soient affectées par cette discorde.

S'agissant des États du Golfe, l'instabilité politique croissante a de quoi inquiéter Washington : coup d'État au Qatar, troubles à Bahreïn, succession délicate en Arabie Saoudite, et un sentiment d'insécurité générale, confirmé en juin par un nouvel attentat contre des forces américaines ayant provoqué, près de Dharan (Arabie Saoudite), la mort de 19 soldats. Faute de parvenir à imposer des solutions politiques et une certaine libéralisation des régimes de la région, les États-Unis renforcent leur dispositif militaire, provoquant une rancœur accrue à l'égard de ce qui est souvent perçu comme une ingérence. Fin juillet, les troupes stationnées en Arabie saoudite sont placées en état d'alerte maximale pour prévenir d'éventuels attentats.