Le 5 octobre, la dixième encyclique du pontificat de Jean-Paul II, Veritatis splendor (Splendeur de la vérité), est rendue publique. Ce document, dont la rédaction n'a pas demandé moins de six ans, a pour ambition d'expliquer sur le fond les positions morales de l'Église. À une époque où les interrogations éthiques sont profondes, où les structures collectives traditionnelles (familles, partis, syndicats, associations, Églises) sont battues en brèche, où, à l'intérieur même de la catholicité, des théologiens comme Leonardo Boff ou Eugen Drewermann remettent en cause l'organisation, voire la finalité, de l'Église, le pape a voulu fonder philosophiquement sa doctrine. Tout le texte tend à réaffirmer la rigueur doctrinale dont le souverain pontife s'est toujours réclamé. Face à la montée de l'individualisme, du relativisme intellectuel, du primat de la liberté, le pape remet en première ligne les positions traditionnelles de l'Église. S'il se réfère à l'enseignement, très ouvert, du concile Vatican II (1962-1965), c'est pour y souligner la primauté des droits de la conscience (contre les théories des sciences humaines et de la psychanalyse) ; il cite également saint Thomas pour mieux affirmer la force des vérités révélées et du droit naturel.

Les tendances jugées contraires à la morale catholique sont clairement désignées. Ce sont les débats théologiques non conformes, le subjectivisme, le déterminisme, le relativisme, la licence, le rationalisme moral, la fausse conception de l'autonomie des réalités terrestres (c'est-à-dire « considérer que les choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l'homme peut en disposer sans référence au Créateur »), la morale libérale, le relâchement de l'éthique sexuelle et matrimoniale, la dissociation du corps et de l'âme et la morale changeante.

La condamnation de l'avortement, de la contraception et de l'usage des préservatifs est bien évidemment confirmée. Ce qui importe avant tout dans ce texte, c'est, en quelque sorte, de « resserrer les boulons », de défendre la cohésion du monde catholique, quitte à subir le flot des critiques et le reproche d'intransigeance. Les nouveaux défis auxquels est confrontée l'Église – et notamment en Europe de l'Est – justifient pour Jean-Paul II cette extrême fermeté doctrinale.

Direction Jean Delumeau, le Fait religieux, Fayard, 1993.
Jean Baubérot, Histoire du protestantisme, Que sais-je ?, PUF, 1993.

Jean Baubérot
Président de la section des sciences religieuses à l'École pratique des hautes études