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Télévision

Balladur calme l'impatience

Il était d'une implacable et très française logique que la droite, revenue aux affaires, veuille faire le ménage dans l'audiovisuel. À son programme, le remplacement d'Hervé Bourges, P-DG de France 2 et France 3, jugé trop à gauche (directement visé par Michel Péricard, président de la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée dès le 22 avril), et un renvoi d'ascenseur en direction de TF1, que certains, au sein même de la future majorité, avaient baptisée « Canal RPR » avant les élections.

Dès le mois de mai, Alain Carignon, ministre de la Communication, dressait une première liste de ses projets avec une « redéfinition des missions du service public », dont l'évolution était jugée trop « commerciale ». Quelques jours plus tard, le ministre annonçait son intention de présenter lors de la session d'automne un projet de révision de la loi de 1986 sur l'audiovisuel. On reparlait de cette fameuse seconde coupure publicitaire, du plafonnement des ressources publicitaires des chaînes publiques, de la suppression de la présidence commune F2-F3, d'une nouvelle réforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel (dont le pouvoir de sanction devait être étendu), de la suppression des quotas aux heures de grande écoute et, enfin, de l'allégement des obligations d'investissement.

Durant l'été, la commission Campet réfléchissait sur ces axes de travail et, dans un rapport rendu en septembre, préconisait... la continuité. Modifié à de très nombreuses reprises, le projet était finalement présenté devant l'Assemblée nationale début décembre. Symbolique entre tous, l'article premier crée une chaîne « de la formation » qui a survécu à l'opposition notable de Valéry Giscard d'Estaing. Annoncée en août par le Premier ministre, celle-ci doit s'installer avant fin 94 sur le cinquième réseau, avant les programmes d'Arte. Ses orientations seront précisées en février par un groupe d'experts. Pour l'économie du système audiovisuel, la plus importante des mesures votées fut certainement celle qui fait passer de 25 % à 49 % la participation maximale pouvant être détenue par un opérateur dans le capital d'une chaîne hertzienne. Souhaitée vivement par TF1 et le groupe Bouygues, elle permet à ce dernier de mieux verrouiller son contrôle. Mais elle donne surtout le coup d'envoi de grandes manœuvres autour du capital de Canal Plus, dont les bénéfices attisent bien des convoitises. Pour l'instant, à l'issue de sa concession (décembre 1995), la chaîne cryptée passera déjà sous le régime de l'autorisation, se retrouvant comme ses consœurs privées sous le contrôle du CSA, qui, par ailleurs, voit son pouvoir de sanction étendu aux chaînes publiques. Au printemps, le gouvernement devrait s'attaquer à un second projet de loi sur le câble et le satellite. Revue plusieurs fois par Balladur, la copie du ministre de la Communication a été allégée d'une trentaine d'articles. Aux oubliettes la taxe municipale liée au câble, l'allongement du mandat des présidents de chaîne publique de trois à cinq ans et l'instauration de la seconde coupure publicitaire dans les films et les téléfilms. Réclamée par M6 mais peu souhaitée par TF1, cette mesure, considérée par Alain Carignon comme salvatrice pour la production audiovisuelle, avait été torpillée quelques semaines plus tôt par Jacques Toubon, ministre de la Culture.

Autre dossier épineux

Le renouvellement de la concession de Canal Plus est un enjeu important au vu des bénéfices dégagés par la chaîne cryptée (1,2 milliard en 92). Il s'agirait de faire entrer des sociétés « amies » dans le capital de la chaîne qui échappe à tout contrôle du pouvoir. Par le biais d'un avenant juridique à la concession de la chaîne, le Premier ministre a obtenu huit mois supplémentaires pour renégocier la concession. Chargé d'une « médiation » avec le P-DG de Canal Plus, André Rousselet, Jacques Friedmann, nouveau P-DG de l'UAP, est devenu entre-temps un des principaux administrateurs d'Havas, premier actionnaire avec 25 % de Canal Plus. Quant aux mesures de câble, elles doivent être discutées au printemps, et c'est sur cette aide « d'au moins 250 millions de francs » de Canal Plus au plan câble qu'achoppent les discussions entre André Rousselet et le gouvernement.