Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Politique de la ville

Depuis quinze ans, les gouvernements successifs s'échinent sur la politique de la ville : les mesures et les organismes chargés de rendre les cités plus vivables se sont multipliés ; le budget 92 consacré à la ville a fait un bond de 30 %, des réhabilitations ont eu lieu, de Vaulx-en-Velin à Mantes-la-Jolie ; le mal des quartiers a été largement analysé, par Jean-Marie Delarue, délégué interministériel à la Ville, et par Paul Picard, maire de Mantes-la-Jolie. Et, pourtant, on ne sait toujours pas comment freiner la dérive des banlieues : les handicaps dénoncés en 1988 par le rapport Levy, premier bilan réalisé par le Commissariat général au plan avec le CREDOC, sont toujours d'actualité. Et cela, alors que huit Français sur dix font désormais partie d'un écosystème urbain, et que cinq d'entre eux résident en périphérie des grandes villes.

LOV

Loi d'orientation pour la ville, anciennement loi anti-ghettos. Votée début 1991, elle mettait la question du logement au centre du « droit à la ville ». La colère des mal-logés de Vincennes a révélé la lenteur avec laquelle elle se mettait en place malgré l'urgence des dossiers.

Les acteurs principaux de la politique de la Ville

De l'État dépendent le Comité interministériel des villes (CIV), le ministre de la Ville, la délégation interministérielle à la Ville (DIV), le préfet et le sous-préfet à la Ville ; de la Région, le conseil régional, et de la commune, le maire et le conseil municipal, le conseil communal de prévention et le centre communal d'aide sociale.

La mobilisation

L'État se porte au chevet des quartiers chauds : la mobilisation est certaine, mais la valse des responsables tout au long de l'année va en diminuer quelque peu l'efficacité. Le 3 mars, Édith Cresson réunit un comité interministériel pour les villes avec, à l'ordre du jour, de nouvelles mesures pour réhabiliter les 400 quartiers retenus en 1989 pour bénéficier du DSQ. On s'intéresse enfin aux habitants : citoyenneté et participation sont les deux maîtres mots de Michel Delebarre, ministre en titre. Il faut faire confiance aux jeunes, en faire de véritables interlocuteurs : il est décidé que 1 % du budget de la Ville (soit 13 millions de francs en 1992) devrait aller directement aux associations d'habitants.

Les cités souffrent d'isolement. L'État s'engage à y améliorer les services publics en leur consacrant 120 millions de francs en 92. L'école, en premier lieu, avec des mesures en faveur des ZEP (zones d'éducation prioritaire), créées en 1982 mais toujours à la recherche d'un mode de fonctionnement stable. Quatre contrats de Ville sont entérinés à Lyon, Toulouse, Mantes et en Seine-Saint-Denis : l'État s'engage à y mener une action renforcée. Le XIe plan (1993-1998), prévoit-on, devrait limiter le nombre des quartiers en difficulté à 150 (contre 400), preuve que la politique de la Ville a une certaine efficacité.

Quelques semaines plus tard, en mai, le nouveau Premier ministre Pierre Bérégovoy présente à son tour son plan d'action en faveur de la « rénovation et de la sécurité urbaine ». Plusieurs ministères sont concernés : celui de la Ville, bien sûr, celui de la Jeunesse et des Sports, mais aussi ceux de l'Intérieur, de la Justice et du Logement. L'idée est, là encore, de remobiliser les citoyens dans la ville. Mais il faut aussi qu'ils s'y sentent en sécurité : un plan d'action en 21 mesures intensifie la présence policière sur le terrain. En parallèle, le gouvernement veut développer une justice de proximité : 25 maisons de justice seront créées dans les quartiers difficiles. Enfin, les procédures de la politique de la Ville seront simplifiées : dès 1993, un contrat de Ville pourra être directement négocié entre l'État et la commune concernée. Le très médiatique Bernard Tapie a été appelé à la rescousse : le redresseur d'entreprises devient ministre de la Ville. On fait valoir qu'il a rodé sa méthode à la cité des Bosquets de Montfermeil. Poussé sous les feux de la rampe, le quartier s'est sans doute réveillé, mais les entreprises sont toujours aussi réticentes à venir s'y installer.