Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Le nouveau ministre précise ce que vont être les deux grands axes de sa politique : associer plus étroitement les parents d'élèves à l'école et les entrepreneurs privés au développement du quartier. Son plan prévoit la création d'un établissement public national chargé de superviser les actions dans les cités en difficulté et de les rendre plus cohérentes. Au niveau local, on prévoit la création de « maisons du citoyen » pour favoriser les rencontres et des « conseils de quartier » pour développer l'expression des habitants. Les appelés du contingent seront plus nombreux à pouvoir y accomplir leur service national. Leur nombre passe de 400 à 4 000 : 1 000 en qualité de policiers, 2 000 dans les établissements scolaires et 1 000 autres dans les collectivités locales, les associations ou entreprises de développement. Le premier bilan de ces actions devait avoir lieu en juillet. Mais, après 52 jours au gouvernement, Bernard Tapie, mis en cause par son ancien associé, le député RPR Georges Tranchant, dans l'affaire Toshiba, doit démissionner. Le ministère est remplacé par un secrétariat d'État.

Son successeur, François Loncle, poursuit la logique Tapie, qui elle-même s'inspirait de la logique Delebarre. Le projet d'amener les entreprises dans les cités trouve son aboutissement le 30 juillet : le groupe Bouygues signe un protocole d'accord avec le secrétariat d'État où il s'engage à investir dans six quartiers en difficulté. D'autres négociations se sont engagées avec des groupes tels que la Lyonnaise des eaux-Dumez ou Auchan. Des entreprises que la proximité des grands centres urbains intéresse, des entreprises à la recherche de main-d'œuvre et donc capables d'offrir de vrais emplois aux jeunes des cités.

Car le problème est bien là : comment reprendre contact avec ces jeunes nés au plus fort de la crise des années 70, souvent insuffisamment formés, et qui ont le sentiment d'appartenir à une population d'exclus sans avoir le recours, comme leurs parents, d'appartenir à un groupe représentatif comme un syndicat ? En 1993, les quartiers et les villes en difficulté devraient recevoir 7 milliards de francs. L'État revient en force dans les quartiers. Une douzaine de ministères sont partie prenante de la politique de la Ville. Mais toute prioritaire que soit cette politique, maxi-budgets et mini-initiatives n'offrent aucune garantie de réussite. La difficulté, par ailleurs, est de répondre à une demande urgente alors que la politique de la Ville se mesure dans le très long terme. Au moins a-t-on intégré cette année qu'une des conditions de réussite était d'écouter les habitants de ces cités.

DSQ

Développement social des quartiers. En 1989, 400 quartiers ont été retenus dans le cadre de contrats plan État-région pour faire l'objet d'une convention de développement social.

DSU

Dotation de solidarité urbaine. En 1991, 95 communes ont cotisé à hauteur de 700 millions de francs en faveur de 492 communes défavorisées. Pour l'instant, aucun bilan n'a été tiré de cette opération.

« Lieux d'exclusion »

Les quartiers considérés comme prioritaires par la politique de la Ville et bénéficiant de la procédure de DSQ font l'objet d'une étude de l'INSEE, publiée en décembre : près de 150 quartiers, qui s'inscrivent dans un « tissu social déchiré », souffrent d'un taux de chômage double de celui de la France entière (19,7 %), surreprésentent les familles étrangères (18,3 % contre une moyenne nationale de 6,3 %) et nombreuses (7,5 % des ménages comptent six personnes ou plus contre 3,4 %)...

Ghetto

« Nous passons d'une société de discrimination à une société de ségrégation, semblable à celle des États-Unis », Alain Touraine (le Figaro, 24.05.92).

Nouvelles frontières intérieures

Un rapport remis à François Loncle en novembre indique les principaux problèmes nouveaux marquant les banlieues : a) des « sous-continents à la dérive » (marginalisations massives de populations) ; b) des tensions interethniques ; c) une nouvelle économie de la drogue (le trafic comme survie familiale) ; d) l'impuissance des policiers ; e) la montée de l'autodéfense ; f) des risques (encore circonscrits) d'intégrisme islamique ; g) l'incohérence de l'action publique et sa propension à l'« effet d'annonce » non suivi de résultats.

Logement

Les HLM rêvent de modernisation. Mais les nouveaux locataires de ces sociétés à mission sociale sont de plus en plus pauvres : 30 % d'entre eux appartiennent aux tranches de revenu les plus basses, contre 12 % en 1973. Les organismes essaient de s'en sortir en triant leur clientèle. Ce sont les étrangers qui en pâtissent. Comme en 1991 au quai de la Gare, des familles s'installent en mai 92 sur l'esplanade de Vincennes pour protester contre les difficultés qu'elles rencontrent dans la course au logement. La plupart d'entre elles ont des revenus qui leur permettent d'accéder au parc social. Mais, en région parisienne, 300 000 ménages, dont 70 000 dans la seule ville de Paris, soit un million de personnes, sont inscrits sur les listes d'attente des HLM. Les 970 000 logements sociaux de la région parisienne sont devenus insuffisants, compte tenu de la disparition de logements vétustés privés, meublés et loi 48, qui étaient le refuge traditionnel des populations les plus défavorisées et des étrangers.