Après les résultats du référendum, le franc rechute dans un marché peu actif. Les opérateurs prêtent l'oreille aux rumeurs de réaménagement monétaire dans lequel le mark serait réévalué beaucoup et le franc un peu moins, ce qui reviendrait à une dévaluation déguisée de ce dernier. Ils continuent à spéculer, pour saisir l'avantage de la baisse du franc sur les marchés des changes.

À partir du mercredi 13 septembre, un changement de stratégie intervient sous la forme d'un relèvement des taux directeurs de la Banque de France et une baisse de 0,5 % des taux au jour le jour de la Bundesbank. Les spéculateurs sont pris dans un étau ; ils doivent emprunter les francs qu'ils ont déjà vendus au prix fort ; quant aux marks détenus, ils ne rapportent rien. Dans la même journée, les spéculateurs s'aperçoivent que la Bundesbank intervient sans l'avoir annoncé pour soutenir le franc alors que celui-ci n'a pas atteint son cours plancher. La Bundesbank a porté secours à la Banque de France contre toutes les règles. La bataille du franc était gagnée, ce qui, dans l'histoire monétaire française, constitue un exploit unique.

5 octobre

Le 5 octobre, une onde de choc boursière s'est manifestée sur toutes les places financières internationales. À Paris, l'indice CAC a été clôturé à moins 4,30 % après avoir fléchi de 6 % pendant la séance. À Londres, la baisse a atteint 4 %, à Madrid 3,65 %, à Francfort 3,6 %. À New York, le Dow Jones a perdu jusqu'à 100 points en cours de séance. Ce mouvement s'est doublé d'une forte secousse monétaire. La livre sterling (2,3690 DM) a baissé de 3,4 %, soit 15 % de sa valeur depuis sa sortie du SME. Vis-à-vis du franc, le deutschmark est remonté à 3,4020 tandis que le dollar s'effritait à 4,77. Quant à la peseta, elle n'a cessé d'essuyer de nouvelles anticipations de dévaluation. Les spéculateurs n'ont pas désarmé, surtout en ce qui concerne la peseta, la lire et la livre sterling. Le franc a été aussi mis à l'épreuve.

Avec de telles turbulences, les marchés tant monétaires que financiers ont réagi, parce qu'ils guettaient et attendaient les signaux leur montrant la volonté et la capacité des gouvernements à mettre fin au désordre monétaire international qui perturbe depuis plusieurs semaines les marchés des changes. En l'absence de tels signaux, comme l'annonce de la baisse des taux d'intérêt par la Bundesbank, les opérateurs n'ont pas voulu courir le risque de perdre sur la détention d'actions pouvant chuter à tout instant, d'où la baisse des cours du 5 octobre 1992. En effet, les gérants de portefeuilles de valeurs (investisseurs institutionnels, grandes entreprises) ne pouvaient que chercher à vendre des actions pour se porter sur des produits monétaires ou obligataires infiniment moins risqués et rendus encore plus attractifs par le niveau élevé des taux d'intérêt. Comme la baisse du cours des actions s'est renouvelée le 23 novembre 1992, les opérateurs ont exprimé clairement leur manque de confiance dans les possibilités des gouvernements à promouvoir la croissance à long terme.

Gilbert Ruillière
directeur de recherches au CNRS, professeur à l'Université de Lyon I