Kourou, « port spatial de l'Europe », n'est pas toute la Guyane et les succès d'Ariane symbolisant le renouveau du département français d'Amérique du Sud ne sont qu'une vitrine : en arrière, les bidonvilles insalubres, où s'entassent plus de six mille personnes (les « villages » haïtiens, Saramacca...), sont régulièrement alimentés par une forte immigration. De 1982 à 1990, les étrangers sont passés de 16 848 à 34 087, soit une augmentation de 102 %, et représentent maintenant 29,70 % de la population totale. Le Front national, dont le potentiel électoral approche les 25 %, tente de tirer parti de la situation, mais une délégation de la formation de J.-M. Le Pen a été refoulée par des manifestants à Saint-Georges-de-l'Oyapock. Au-delà du fait divers, l'apparition des Amérindiens sur la scène politique guyanaise est un fait majeur de la nouvelle donne du département.

Le nickel, dont près de 30 % des réserves mondiales se trouvent sur le « caillou néo-calédonien », n'est pas seulement une matière première. Le partage équitable de cette ressource est la clé d'une réconciliation durable entre les communautés. La Société minière du Sud Pacifique (SMSP), dont le capital a été racheté à Jacques Lafleur par la Province Nord, contrôlée par le FLNKS, réussit, grâce à une imbrication de capitaux locaux et étrangers, à s'assurer un débouché : plus de 700 000 tonnes de minerai ont été livrées au Japon en 1991, soit 40 % du total des exportations calédoniennes. En ce qui concerne la métallurgie, la Société Le Nickel (SLN) consacre 1,2 milliard de F à l'augmentation de la capacité de l'usine de Doniambo, à Nouméa. À cette fin, l'exploitation du centre minier de Thio a été prolongée, tandis qu'un nouveau site minier sera ouvert dans le massif de Kopeto, sur la côte ouest. Il sera complètement intégré dans l'environnement autochtone et tribal. Mais la SLN se heurte encore au protectionnisme japonais, qui continue de taxer les ferro-nickels importés, malgré les exhortations que M. Michel Rocard, alors Premier ministre, avait adressées au Japon en 1990 lors de ses deux voyages.

Le 10 août, le FLNKS a tenu une convention indépendantiste consacrée principalement aux litiges frontaliers et au développement économique. Son président, Paul Néaoutyne, a souligné à cette occasion que l'attribution prévue de plus de 80 000 hectares à ses partisans n'avait pas encore été définitivement établie par des actes de propriété.

Pour le cent cinquantième anniversaire de son rattachement à la France, Mayotte voudrait bien accéder à la départementalisation, considérée comme la solution à tous ses problèmes. Mais les spécificités de cet îlot de l'océan Indien sont telles que Paris n'est pas près d'accéder à la demande. Avec 38 000 habitants en 1974, 85 000 en 1990, un des taux de natalité les plus forts du monde (50 ‰), 10 000 étrangers venus des îles voisines plus pauvres et installés plus ou moins clandestinement, 60 % de la population âgée de moins de 20 ans, la situation démographique risque de devenir explosive sur cette île à faible surface habitable. Par ailleurs, la vie de cette population, musulmane sunnite à 90 %, est réglée par le droit privé coranique que le cadi (chef religieux) fait appliquer pardessus les lois de la République. Et cela n'est pas près de changer.

Claude Malassigné