Au début de l'été, cette crise apparaissait plutôt comme un assainissement souhaitable du marché, susceptible de mettre fin à la spéculation et à certaines pratiques qui tendaient à l'encourager. Le problème, c'est que d'autres facteurs sont venus l'aggraver : les événements du Golfe et surtout la baisse du dollar, qui a paralysé les acheteurs américains. Si la Biennale du Grand Palais et la FIAC ont limité les dégâts en misant sur le haut de gamme, les ventes d'art contemporain organisées la même semaine à Paris se sont conclues sur plus de 50 % d'invendus, et les grandes ventes impressionnistes et modernes de novembre/décembre, à Paris, Londres et New York, n'ont pas été encourageantes. Bref, l'automne 1990 n'a pas été plus brillant que la fin du printemps.

Le plus remarquable est que seul le tableau moderne semblait se mal porter. Certes, la Biennale des antiquaires a été moins euphorique que celle de 1988, mais, depuis la fin octobre, les ventes se sont déroulées sans problème et l'on a même vu certains marchés sortir soudain de leur engourdissement : ainsi la peinture ancienne, qui a d'abord attiré les déçus du tableau moderne avant de commencer à intéresser les spéculateurs.

Si l'année 1990 n'a pas amené des chefs-d'œuvre comparables aux Guardi, Vinci, Pontormo... qu'on avait vus en 1989, le baromètre est resté au beau fixe (autour de 8/10 MF pour les kermesses de Bruegel ou les natures mortes de Claesz Heda) : une paire de Canaletto a atteint 63 MF, et un paysage de Constable a été adjugé à Londres pour l'équivalent de 108 MF.

Le mobilier classique est demeuré « difficile » : seules les pièces spectaculaires ont obtenu – aux enchères – des prix frôlant les 10 millions de francs. Avec cependant un record remarquable à Londres pour un monumental cabinet florentin du xviiie siècle en pierre dure, adjugé l'équivalent de 82,3 MF.

Pas de crise pour l'Art déco ni, surtout, pour l'Art nouveau. Il est vrai que, après quelques semaines d'incertitude (septembre/octobre), les Japonais se sont de nouveau présentés sur le marché. À preuve : un nouveau record de 7,7 MF obtenu à Tokyo en novembre sur un vase-urne de Gallé, le Repos dans la solitude.

En période d'inquiétude, l'orfèvrerie retrouve en principe son rôle de valeur refuge. Du moins pour les objets d'exception, comme ce surtout de table xviie siècle de Messine adjugé 11 MF à Londres (un record). Plusieurs belles ventes de céramique ont consacré aussi bien la porcelaine de Sèvres des xviiie et xixe siècles que les faïences classiques de Marseille ou de Strasbourg ; mais les enchères vedettes sont allées aux majoliques des xve et xvie siècles, dont les plus belles ont dépassé 500 000 F, et surtout aux céramiques d'Isnik de la même époque, qui, en un an, ont accumulé les records (jusqu'à près de 1,5 MF l'assiette !).

L'Art nègre s'est taillé lui aussi une jolie place au soleil de Paris, où l'on n'avait jamais vu autant de masques kota ou de fétiches kouyou partir au-dessus du million de francs. Record également pour l'archéologie, avec une coupe attique d'Euphronios à figures rouges adjugée à New York un peu plus de 9 MF. Mais, de Londres à Paris, les bronzes et les marbres grecs et romains qui se chiffrent entre 2 et 8 millions de francs ne sont plus rares.

Françoise Deflassieux