Dès sa formulation par Einstein en 1919, la relativité générale a forcé l'admiration et suscité une avalanche d'expériences. Il est vrai qu'elle offre une extraordinaire simplification puisqu'elle rend compte des effets complexes de la gravité d'une façon purement géométrique, en stipulant que la courbure de l'espace-temps varie au voisinage des masses..., ce qui n'a encore jamais été contredit par l'expérience.

Des ondes d'espace-temps

Les « mirages gravitationnels » en sont une preuve indiscutable, au même titre que l'accélération des signaux que nous envoient ces lointains phares de l'espace que sont les « pulsars binaires ». Il est pourtant une prédiction de la théorie qui n'a jamais été confirmée : l'existence des « ondes gravitationnelles ».

Elles sont sans doute générées par des masses en mouvement, de même que des charges en mouvement (les électrons d'une antenne radio par exemple) génèrent des ondes électromagnétiques. Un pulsar, un trou noir ou une supernova devraient donc provoquer des « rides » d'espace-temps se propageant à la vitesse de la lumière.

La sensibilité des premiers dispositifs mis au point étant limitée, une nouvelle génération de détecteurs est actuellement en développement. Il s'agit de gigantesques interféromètres lasers, constitués de deux tubes perpendiculaires de 3 km de longueur, dans lesquels deux faisceaux issus d'une même source sont réfléchis par des miroirs suspendus. Ces détecteurs pourraient fort bien percevoir le déplacement relatif des miroirs (pourtant plus petit que la taille d'un noyau atomique !) que provoquerait une onde gravitationnelle.

Les crédits nécessaires à la construction viennent d'être attribués à une équipe franco-italienne dont le détecteur (« Virgo ») sera situé à proximité de la ville de Pise. Allemands et Britanniques s'associent pour construire un détecteur en Écosse, tandis que les Américains (projet « Ligo » Large Interferometric Gravitational Observatory) en prévoient deux, l'un sur la côte est et l'autre en Californie. Les premiers résultats sont attendus dans quatre ou cinq ans. Si les ondes se montrent, une « astronomie gravitationnelle » radicalement nouvelle verra le jour et Roger Penrose sera contraint d'ajouter une autre catégorie (sublime ?...) à son classement des théories physiques.

Nicolas Witkowski

Chimie

« Je ne suis pas le seul à penser que c'est dans le domaine des grandes synthèses totales que les dons artistiques du chimiste de talent s'expriment avec le plus d'éclat. » Nul besoin d'être chimiste, comme Jean Jacques, l'auteur de ces lignes (Les Confessions d'un chimiste ordinaire, Éd. du Seuil, 1981), pour apprécier les chefs-d'œuvre du prix Nobel 1990, Elias J. Corey, de l'université Harvard.

Au cours des années 1960, il a successivement synthétisé l'érythromycine, un antibiotique d'usage courant dont la molécule comprend 118 atomes, et plusieurs prostaglandines, hormones utilisées dans le traitement de la stérilité. Pour reconstituer ces édifices moléculaires complexes, il faut non seulement une connaissance encyclopédique des réactions possibles, mais aussi une imagination fertile.

À mesure que se complique l'édifice, sa géométrie varie en effet à l'infini, de sorte qu'obtenir la « bonne » molécule est aussi difficile que de trouver, au début d'une partie d'échecs, la combinaison idéale. Corey avoue d'ailleurs s'être inspiré de la technique des grands maîtres qui consiste à partir d'une position gagnante pour trouver – en remontant le cours du jeu – la stratégie adéquate. De fait, la « rétrosynthèse » dont il est le pionnier consiste à décomposer la molécule souhaitée en éléments actifs, qui sont ensuite synthétisés un par un, puis assemblés dans un ordre logique.

Cette construction « en préfabriqué » est vite devenue une méthode standard pour les architectes moléculaires. Elle a également ouvert la voie à la synthèse assistée par ordinateur, qui permet d'associer des groupes de plusieurs centaines d'atomes. Le record dans ce domaine vient d'être battu par la synthèse de la palytoxine, un poison que les Hawaiiens extrayaient du corail pour enduire les pointes de leurs flèches. Huit ans d'efforts et de très gros ordinateurs ont permis d'arranger ses 409 atomes dans l'ordre parfait, alors qu'il existe des milliards de combinaisons possibles. Sa formule ? C129H223N3O54...