Hervé Robert

Chronique judiciaire

Pour solde de tout compte... C'est ainsi que la justice pourrait qualifier elle-même les procès de l'année 1989 qui s'apparentent plus à des bilans qu'à des affaires criminelles. Ainsi, les deux passages devant les assises des dirigeants d'Action directe à Paris et à Lyon n'ont signifié aucunement la résurgence d'un terrorisme à la française, mais plutôt sa liquidation judiciaire. Jean-Marc Rouillan, Nathalie Ménigon, Georges Cipriani, Joëlle Aubron n'obtiennent qu'une indifférence marquée, bien pire pour eux que les condamnations à perpétuité que la cour d'assises spéciale de Paris leur inflige pour l'assassinat du P-DG de Renault, Georges Besse. Quant aux 20 membres de la branche lyonnaise du terrorisme, dont André Olivier, l'idéologue, et Max Frérot, le dynamiteur, ils tiennent des propos usés et confus devant les bancs vides de la gigantesque salle d'assises de Lyon.

Bilans, également, ces procès qu'il faut instruire ne serait-ce que pour les évacuer : le beau Serge, assassin d'un commissaire dans les années 60, qui a été condamné à 12 ans de réclusion, lui qui avait risqué la peine de mort ; Serge Livrozet, qui est lavé de l'accusation d'avoir fabriqué de la fausse monnaie ; et Roger Knobelspiess, pris la main dans le sac au cours d'un hold-up à Perpignan, qui restera emprisonné pendant neuf ans.

Bilan, toujours et encore, mais cette fois pour tirer un trait définitif sur l'histoire. Le commissaire Jobic passe devant le tribunal de Nanterre sur la dénonciation de trois prostituées qui prétendaient lui avoir remis de l'argent. Ce sont leurs déclarations qui ont déterminé le juge Hayat. Très vite, le procès tourne à l'affrontement police-justice et, naturellement, aboutit à un match nul. L'acquittement du policier, outre le mérite de rendre son honneur à un commissaire, a eu celui de vider définitivement la querelle.

Pierre Bois

Faits divers

En France, la criminalité reste stable. Bon an mal an, le pays aligne son cortège d'homicides volontaires, de vols qualifiés, de criminalité moyenne dans une atmosphère banalisée. La drogue est dénoncée périodiquement et le principal fait divers mystérieux, l'affaire Cons-Boutboul, s'enlise dans la procédure.

Des drames pourtant surgissent du quotidien pour rappeler que le crime et la fureur ne sont pas anesthésiés. Ainsi, à Luxiol, dans le Doubs, cette tragédie de la folie, trente minutes de terreur dans un village : le 12 juillet, entre 14 h et 15 h, un homme de 31 ans, agriculteur, va tuer 14 personnes, membres de sa famille et voisins ; il va tirer sur tout ce qui bouge. Sa route sanglante s'achèvera lorsque les gendarmes le blesseront et le maîtriseront.

Sombre histoire paysanne, Christian Dornier, tout le monde le savait, avait, comme les médecins disent pudiquement, des problèmes. Ses frères et sœurs s'étaient mariés et avaient quitté la ferme, et son père, peu à peu, s'était détourné de cet enfant sans regard qui semblait trop absent. On le supportait, voilà tout, comme on supporte, à la campagne plus facilement qu'ailleurs, ceux qui paraissent différents.

Christian Dornier avait très mal pris que son père, au moment où il allait prendre sa retraite, ait mis l'exploitation au nom de sa femme, prolongeant ainsi son règne sur la ferme que le fils convoitait. L'élément déclenchant fut le mariage de la deuxième fille des Dornier et cette joie provocante au cours des noces.

Mais comment réellement apprécier la raison de cette déraison ? À 14 h, Christian prend son fusil de chasse. Il tire sur son père, le blesse gravement et s'enfuit. De sa voiture, il crible de balles tout ce qui se présente sur son passage dont un enfant de dix ans qui en mourra. Au niveau du fait divers, c'est la demi-heure la plus sanglante de la décennie.

Pierre Bois

Presse

Deux événements expriment l'évolution accélérée de la presse dans le monde en 1989.

En juin, un « joint venture » unit une société française et le journal soviétique les Nouvelles de Moscou en vue de la publication en France (à 40 000 exemplaires) d'une version française de l'hebdomadaire phare de la perestroïka. En juillet, on assiste à la naissance d'un géant américain de la communication : Warner est racheté par le groupe Time. L'ensemble pèsera près de 58 milliards de francs. Deux événements, deux mots-clefs : internationalisation, concentration. Et en France ? Selon le CESP, un peu plus d'un Français adulte sur deux (55,3 %) continue de lire au moins un quotidien, national ou régional. Parmi ces lecteurs, 15 % lisent des titres nationaux, au premier rang desquels, le Monde (1,6 million de lecteurs), le Parisien (1,5) et le Figaro (1,4). Au sein de la presse quotidienne régionale (PQR), Ouest-France (765 000 exemplaires diffusés, 2,3 millions de lecteurs) maintient sa première place, loin devant le Dauphiné libéré et la Voix du Nord (1,3 million de lecteurs chacun).