Tandis que la fécondité de l'Europe du Sud, qui avait « plongé » tardivement, atteint des niveaux bien inférieurs aux plus bas niveaux français, celle de l'Europe du Nord se stabilise ou se redresse un peu. En Suède, elle est même remontée de 1,6 enfant par femme en 1983 à 2,0 en 1988. Là aussi, il y a stabilisation du « calendrier » : arrêt de la baisse de la fécondité des jeunes, renforcement de la hausse chez les femmes plus âgées.

Simultanément, la situation du tiers-monde se décante : la surpopulation accable le Bangladesh, le Nigeria, et une vingtaine d'agglomérations, en tête desquelles Mexico, São Paulo, Le Caire, Calcutta, Manille. L'Asie concilie baisse de la fécondité et développement économique et offre au monde développé de nouveaux concurrents et de nouveaux marchés ; et l'Afrique noire se débat dans de graves problèmes de santé publique.

Michel Louis Lévy

Religions

Au printemps, le souverain pontife se rend pour la seconde fois dans des pays de l'océan Indien et pour la cinquième fois sur le continent africain. Du 1er au 6 mai, il visite Madagascar, la Réunion, la Zambie et le Malawi. Le 3 mai, depuis Lusaka, capitale de la Zambie, Jean-Paul II condamne une nouvelle fois le racisme et l'apartheid.

Déplacement plus délicat : le premier voyage du pape, du 1er au 10 juin, dans les cinq pays nordiques : Norvège, Islande, Finlande, Suède, Danemark. Là, les catholiques ne constituent que d'infimes minorités, le luthéranisme étant la religion officielle. À défaut de susciter sur son passage la cordialité populaire habituelle, Jean-Paul II en profite pour appeler les Européens, installés selon lui dans un confort anesthésiant, à rechercher leurs racines chrétiennes communes.

Appel semblable à Compostelle, où, les 19 et 20 août, le pape rejoint une foule de 500 000 jeunes Européens venus refaire le pèlerinage de leurs ancêtres au sanctuaire espagnol de Saint-Jacques : « Un itinéraire privilégié, leur déclare le souverain pontife, l'itinéraire du Christ lui-même, qui est la voie de la vérité et de la vie. »

Du 7 au 15 octobre, Jean-Paul II rend visite à l'Indonésie avec une étape en Corée du Sud – où il est déjà venu en 1984 – et un arrêt, sur le chemin du retour, à l'île Maurice. De Corée, le pape lance un appel aux catholiques chinois pour qu'ils luttent ensemble pour leur foi ; aux deux Corées, il souhaite la réunification, à condition qu'elle se fonde sur « la justice, la liberté et les droits humains inaliénables ».

L'œcuménisme chrétien

L'année est marquée par deux événements significatifs. Le premier est le rassemblement œcuménique (catholiques, orthodoxes, protestants) qui a lieu à Baie, du 15 au 21 mai, sur le thème « Paix et justice » et qui réunit plus de 700 délégués de toute l'Europe, y compris de l'Europe de l'Est. C'est la première fois que le Conseil des Églises chrétiennes et le Conseil des conférences épiscopales d'Europe appellent à une manifestation commune. Malgré des impasses théologiques persistantes, cette rencontre relance un mouvement œcuménique qui s'enlisait dans le labyrinthe des discussions sur la reconnaissance mutuelle des ministères ou des sacrements.

Le second événement est la visite au Vatican, du 29 septembre au 2 octobre, de l'archevêque anglican de Cantorbéry, Robert Runcie. Car non seulement – geste sans précédent – celui-ci assiste à la messe du pape à la basilique Saint-Pierre de Rome, mais, le 30 septembre, il reconnaît publiquement « la primauté universelle » du souverain pontife. Ce dernier ne manque cependant pas de rappeler, à cette occasion, que l'un des obstacles au rapprochement définitif entre catholiques et anglicans est l'ordination des femmes, pratiquée dans l'anglicanisme.

L'affaire du carmel d'Auschwitz

Alors que, depuis le concile Vatican II, le dialogue judéo-chrétien n'avait cessé de s'affermir, il subit un grave dommage lié à ce qu'on appelle l'« affaire du carmel d'Auschwitz ». On peut même parler, à ce propos, du plus grave contentieux judéo-chrétien de l'après-guerre.