La communauté internationale s'est inquiétée et a dénoncé à l'unanimité le caractère unilatéral de cette loi ; elle a surtout vivement protesté lorsqu'une première application en a été faite le 25 mai 1989 lors de la publication d'une liste de trois pays – le Japon, le Brésil et l'Inde – mis en demeure de modifier leur politique, considérée comme restrictive à l'égard des États-Unis. Ces États étaient menacés de graves sanctions commerciales qui auraient pu prendre la forme d'une élévation des tarifs douaniers jusqu'au taux de 100 %.

Avec cette « liste noire », les États-Unis ont brutalement ravivé les craintes de la communauté internationale de voir se déclencher une guerre commerciale « ouverte ».

Déséquilibres extérieurs et crise

De nombreuses raisons permettent de comprendre ce regain de protectionnisme et les tensions qu'il engendre. La décennie écoulée se caractérise par les déséquilibres extérieurs records qui persistent entre les excédents commerciaux de quelques pays – en particulier de la RFA, du Japon et des quatre « dragons » asiatiques (Corée du Sud, Taiwan, Hongkong et Singapour) – et les déficits des autres, qu'il s'agisse des États-Unis, de membres de la CEE (comme la France, la Grande-Bretagne, l'Italie ou l'Espagne) ou de pays en voie de développement. Ces déséquilibres sont d'autant plus difficilement admis qu'ils se cantonnent dans quelques secteurs et ne jouent qu'au détriment de quelques pays. Dès lors, la contrainte extérieure, très variable, devient un facteur capital dans la politique des gouvernements (d'autant qu'elle ne concerne pas seulement les problèmes commerciaux, mais aussi les questions financières et monétaires) ; ces derniers sont alors contraints d'en amortir les effets pernicieux, de s'y adapter ou de la maîtriser.

À la contrainte extérieure s'ajoutent les effets de la crise. D'un côté, les pays développés, touchés par le chômage, cherchent à favoriser les productions nationales créatrices d'emplois. De l'autre, les pays sous-développés, étouffés par leur endettement extérieur, n'ont pas d'autre possibilité pour rembourser que d'importer moins et d'exporter plus. Comme, dans le même temps, les débouchés se contractent (ralentissement de la croissance économique mondiale et des échanges internationaux, existence de capacités de surproduction mondiale dans un nombre croissant de secteurs), la concurrence entre les partenaires s'exacerbe, chacun se préoccupant davantage de ses ventes que de ses achats. D'où la guerre pour le partage des marchés.

Concurrence et guerre économique

En fait, la guerre commerciale est le reflet d'une guerre économique plus profonde ; elle traduit les mutations en cours de l'économie mondiale. Le commerce international se concentre géographiquement (prédominance du monde occidental, avec 70 % des exportations mondiales, marginalisation du tiers-monde, avec seulement 20 %) et sectoriellement (les produits manufacturés représentent les deux tiers des ventes de marchandises). Par conséquent, la concurrence se polarise aujourd'hui sur les échanges industriels (et d'ailleurs, les déséquilibres sont avant tout industriels).

Le Nord reste prépondérant dans ce commerce, mais se trouve confronté à la percée des NPI du Sud, qui, toujours plus nombreux, exportent une part croissante de produits manufacturés (14 % des ventes mondiales pour ces produits), qui sont en outre de plus en plus élaborés. Comme ces pays produisent à bas prix et souvent dans des secteurs où les vieilles nations industrielles connaissent d'importants problèmes d'ajustement, ces dernières se sentent menacées et les accusent de « concurrence déloyale » ou de « dumping » et réagissent avec des mesures protectionnistes qui leur permettent en même temps de restructurer les secteurs concernés.

À la concurrence Nord-Sud s'ajoute enfin celle, plus intense, entre les pays développés. Pour être capables d'affronter la compétition, les États adoptent les stratégies offensives qui leur permettront de gagner des parts de marché à force de spécialisation et de compétitivité.

Spécialisation et compétitivité

Si la théorie dominante du commerce international affirme que, en se spécialisant dans la production de biens pour lesquels il conserve un « avantage comparatif », un pays tire profit du commerce international, elle passe sous silence le partage généralement inégal de cet enrichissement car il ne s'agit pas seulement de se spécialiser, mais également de bien le faire. Tous les pays sont en permanence à la recherche d'une spécialisation optimale : il est impératif pour eux de renouveler constamment leurs avantages comparatifs (spécialisation dynamique) à force d'innovation, en s'adaptant perpétuellement à la demande mondiale, en produisant dans des secteurs industriels de haute technologie et à fort contenu en travail qualifié et en investissements (rôle des biens d'équipement). De même, l'objectif de la compétitivité s'impose plus que jamais, avec ce mélange d'éléments prix (coûts de production, marges bénéficiaires et taux de change) et d'éléments hors prix (bonne structure industrielle, spécialisation, qualité des prestations, agressivité commerciale, compétence du management et capacité d'anticipation et d'information) qui permet à un pays d'affronter la concurrence internationale et de conquérir des parts de marché tout en évitant que le sien ne subisse une pénétration trop forte.